La traversée des Dolomites (2)

A la découverte des Tre Cimes
lundi 11 août 2014
par  Charles Hoareau
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Du refuge de Tre scarperi (1626m) au refuge Locatelli (2405m)

Depuis le parking la montée vers le parking Tre scarperi/ Dreischusterhütte est très rapide.
A peine 30 mn de sentier à travers bois pour déboucher sur une vallée verdoyante entourées de roches verticales et élancées : nous entrons dans les Dolomites.

Un troupeau de veaux, immobiles, serrés les uns contre les autres, nous accueille. Ils ne sont pas bien vieux et semblent perdus dans ce pré bien trop grand pour eux.
Un petit sentier quitte sur la gauche le chemin principal : nous sommes au refuge.
Sa terrasse et ses tables en bois nous attendent.
La salle du repas est spacieuse. Le dortoir avec ses lits superposés, un peu moins, en particulier pour ceux qui dorment sur le lit du haut que le plafond lambrissé vient rejoindre laissant juste la place pour y glisser les pieds. Nous n’aurons pas longtemps à attendre le repas. Comme dans tous les refuges on mange tôt. Ici c’est 18h, mais bon l’appétit est là. Après tout c’est comme s’il y avait entre Marseille et ici, le même décalage qu’entre Paris et Moscou !

Aux premiers mots du serveur nous comprenons qu’ici, à 2 pas de la frontière autrichienne, nous ne sommes ni en Italie, ni en Autriche, mais dans le Tyrol, avec sa langue, son vin, son fromage, ses plats et la beauté de ses paysages.
On ne s’attarde pas à table. Sur la terrasse on prend le temps de contempler le soleil qui se couche en se faufilant à travers les roches de plus en plus sombres.

Un troupeau de moutons remonte lentement depuis le fond de la vallée. Il y a au milieu de la vague blanche, quelques moutons noirs ou tachetés qui semblent faire bon ménage avec leurs camarades d’alpage. Au moins les moutons du Tyrol (et d’ailleurs) ne semblent pas être racistes…

Quelques nuages s’effilochent le long de quelques parois. L’or a disparu des crêtes et maintenant, un gris de plus en plus foncé domine. Nous rentrons.

Ce sont les clochettes des vaches qui nous tirent d’une torpeur que le jour, entrant par une fenêtre sans volet, n’avait pas réussi à dissiper. Il faut nous rendre à l’évidence : petit-déjeuner, puis sacs bouclés, nous voilà sur le sentier. Nous quittons le refuge Tre scarperi par un chemin qui s’attarde paresseusement jusqu’à un « pont ». En fait quelques planches jetées au-dessus d’un petit torrent. Le bain de pied est parfois fourni avec la ballade…

Le « pont » traversé, on passe aux choses sérieuses et le fond de la vallée est franchi plein sud par un sentier qui se cabre brusquement sur les rochers. Heureusement il est encore tôt et le soleil n’a pas envahi l’itinéraire pour ajouter la chaleur à l’effort de montée.
La trace suit la rivière qui fredonne un peu plus bas. De loin en loin, une cascade, que des arbres nous empêchent de bien voir, chante plus fort. Nous passons un premier col, le vallon s’élargit, la rivière est presque sous nos pieds. Elle est d’or.

L’eau transparente coule sur des pépites étincelantes qui scintillent sous le soleil. Sans doute un phénomène naturel qu’un géologue expliquerait savamment. Je préfère croire que l’or ici, a recouvert des roches que la cupidité des hommes n’a pas atteintes...

Nous montons encore et notre prochain refuge tarde à se montrer. Il y a des refuges que l’on voit de loin comme pour mieux nous encourager…ou nous narguer ! C’est selon l’état de fatigue. Là, le refuge Locatelli/Dreizinnenhütte ne se laisse voir qu’au dernier moment au détour d’un rocher.

C’est une bâtisse imposante qui fait face aux célèbres Drei Zinnen/ Tre cime di Lavadero, immenses stalagmites qui ont rendu célèbre la région et en sont devenues le symbole.

Les deux plus imposantes semblent avoir été rabotées sur une face par des mains géantes qui ont voulu ainsi assurer la parfaite planéité de la paroi verticale.
Et bien sûr, comme pour du bois, la partie rabotée est beige, plus claire que le reste de la pointe où le gris domine…

Autour des 3 cimes ce ne sont que blocs finement dentelées qui font penser à des flèches de cathédrales gothiques…ou à des stūpas bouddhistes selon ses références.

Pique-niquer sur la terrasse du refuge devant ce spectacle fantastique de roches gigantesques et ciselées est un plaisir incommensurable. Et qu’importe les dizaines de randonneurs qui autour de nous, parlent, rient, s’apostrophent, dans un imposant bruit de fond qui ne semble pas déranger les chocards, ces oiseaux noirs à bec jaune, voletant de miettes en miettes sans se soucier des bruyants promeneurs.

On vide un peu nos sacs dans un coin du dortoir et nous voilà repartis faire une grande boucle, entre moraine grise et névés blancs, autour des 3 cimes…qui se révèlent être 5 côté ouest.

Sur le chemin du retour, nous longeons un lac au pied d’une pointe de plusieurs dizaines de mètres de haut que quelqu’un a dû poser là pour que les promeneurs puissent admirer le spectacle du reflet de la neige et des pierres dans le miroir de l’onde en se demandant où commence la terre et où finit l’eau.

Il est près de 18h quand nous rentrons. Nous avons fait plus de 1200 mètres de dénivelé positif (et 500 en descente) dans la journée ce qui fait que depuis 8h ce matin nous ne nous sommes guère arrêtés. Pour une première étape de mise en jambes comme nous l’avions prévu, c’est un peu raté : cela doit être de l’addiction !

Le soir au repas, dans une salle bruyante et bondée, nous arrivons à converser, ou plutôt baragouiner, avec nos voisins de table : une munichoise, un anglais, 4 québécois, passant alternativement du français à des inventions d’anglais suffisantes pour nos bouts de conversation.

Après le repas, sur la terrasse et devant le somptueux décor extérieur, est projeté, en présence du réalisateur, un documentaire sur les Dolomites et la guerre. Les images sont très belles, mais le commentaire tout en allemand. Nous ne restons pas et montons nous coucher dans notre dortoir de 30 lits en espérant que les ronflements et autres bruits divers nocturnes ne nous empêcheront pas de dormir…

Au matin, nous sommes trompés par le jour.
Le soleil est déjà haut et pourtant il n’est que 6 h. C’est là que nous nous rendons compte que, si nous sommes toujours dans le même fuseau horaire, depuis notre départ de Marseille nous avons roulé plein est….et le soleil se moque des divisions administratives du temps. Il se mire dans petit lac voisin, il réchauffe la terrasse mouillée par la nuit, il joue avec les roches qui projettent leur ombre aux alentours, il nous invite à repartir, non sans avoir pris le temps de déjeuner copieusement…



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