Un logement décent pour tous

Retour sur 7 ans de lutte du comité chômeurs du centre ville de Marseille (1)
vendredi 7 juillet 2006
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La question du logement à Marseille est récurrente ; la résistance à la spéculation immobilière aussi. La CGT qui avait quelque peu délaissé le terrain au profit de la lutte sur la politique salariale et les conditions de travail, a, depuis l’explosion de la précarité, réinvesti ce champ. Du moins pour une partie d’entre elle.

L’arrivée de l’équipe Gaudin en 1995 a en effet accéléré un phénomène commencé bien avant elle. Au centre ville notamment où l’utilisation des PRI (Périmètre de Rénovation Immobilière) sur une grande échelle, alors que cette procédure est habituellement utilisée pour de petits îlots de logements (2), visait à modifier la composition sociale des quartiers.

A la fin des années 90, le comité chômeurs CGT du centre ville dont les actions, outre la lutte pour l’emploi, étaient jusqu’alors concentrées sur des conflits les opposant aux administrations (Anpe, Assedics, Caf, EDF, Impôts, Conseil Général etc.), a vu de nombreux privés d’emploi être confrontés à la question du logement. Le centre ville concentre en effet le plus grand nombre de Rmistes de la ville, alors que le logement social y est ^pratiquement inexistant. Les marchands de sommeil font alors office de bailleurs sociaux. Accompagnant les chômeurs, le comité s’est rapidement rendu compte de l’ampleur de la tâche. Toitures éventrées, plafonds crevés, rats dans la cage d’escalier , voire dans les appartements même, peintures au plomb, absence de volets aux fenêtres, fils électrique dénudés, fuites d’eau permanentes etc. Et encore la liste n’est pas exhaustive !

Des familles entières sont ainsi maintenues dans des taudis représentant de véritables dangers pour les enfants. Quant à la rénovation immobilière, elle est un instrument de pression sur les petits propriétaires pour qu’ils se débarrassent de leurs locataires et qu’ils revendent (plus cher) leurs biens, n’ayant pas les moyans de faire les travaux eux-mêmes.

Le comité chômeurs CGT du centre ville a constitué un petit noyau de mal logés au cours de l’année 2000, recueilli les témoignages, réalisé des dossiers, pris de nombreuses photos des logements dévastés et interpelé les responsables politiques (Mairie, Préfecture). Ce long et patient travail n’a eu que peu d’effet, nous obligeant à définir de nouvelles formes d’action. Une manifestation rassemblant 25 mal logés a parcouru la rue Saint Ferréol jusqu’à la Préfecture, qui a accepté de nous recevoir.

Puis devant le silence assourdissant des autorités, nous avons multiplié les occupations symboliques (Le service logement de la Mairie rue Colbert, Marseille Aménagement (3), la mairie annexe...). Écoutés, mais jamais entendus, nous avons décidé de “prendre” un immeuble rénové par Marseille Aménagement, symbole de la recomposition sociale du centre ville.

L’occupation du 37bis rue Thubaneau avait deux objectifs : le premier était d’attirer l’attention des autorités sur les familles mal logées et obtenir un relogement dans une habitation décente, à un loyer modéré et situé au centre ville ; le deuxième était de dénoncer la spéculation immobilière et la chasse faite aux pauvres...

La gauche plurielle vivait alors ses derniers jours et le ministre du logement, Madame Lienemann, accepta de recevoir une délégation à Paris, au nom de la lutte contre l’habitat indigne. Peu de temps après notre rencontre elle annonçait lors d’une visite à Marseille la mise en place d’une commission d’anquête sur l’utilisation des fonds publics dans l’immobilier.

Parallèlement, suite aux plaintes des propriétaires, pour la plupart extérieurs à Marseille et dont les appartements ne représentaient qu’un placement financier, le tribunal d’instance prononçait notre expulsion, tout en laissant la porte ouverte à des solutions de relogement. Mais les élections d’avril 2002 allaient tout précipîter. Seuls deux candidats de droite restaient en lice pour le deuxième tour. Quelque soit celui élu - ce qui ne nous concernait guère -, nous savions que la lutte était à un tournant. Au lendemain de l’élection triomphale de Jacques Chirac, une centaine de CRS expulsaient sans ménagement les occupants, jetant leurs effets sur la chaussée.

Pris de vitesse, la solidarité affichée par la CGT et de nombreuses autres organisations ne put se concrétiser et c’est à une poignée que nous avons assisté impuissants à l’opération policière et la commission d’enquête ne fut jamais réunie.

Toutefois la lutte ne fut pas totalement vaine ; cinq des six familles occupantes obtinrent un relogement. Mais l’amertume marqua durablement l’activité du comité chômeurs du centre ville, qui ne se remit que lentement de ce traumatisme. La leçon de cette occupation exemplaire - dans le sens qu’il ne s’agissait pas d’occuper un simple iummeuble vide, mais d’agir au cÅ“ur même de la volonté politique de la Mairie d’expulser les habitants les plus démunis - fut, en dehors du fait que la lutte paie, la nécessité de la construction et de l’organisation de véritables solidarités.

La crise du logement ne concerne pas seulement les chômeurs, mais de plus en plus les travaileurs précaires et les smicards, cÅ“ur de cible de la CGT. (Re)conquérir les travailleurs des petites entreprises passe par la lutte pour un logement décent pour tous. La quasi absence de débats sur cette question - pourtant pointée fortement dans le document préparatoire - au cours du dernier congrés départemental, prouve que le chemin est encore long pour que la question des mal logés ne soit plus l’affaire que des seuls “spécialistes”.


1 - Dans les Bouches du Rhône les comité chômeurs sont organisés par secteur géographique (7 sur Marseille et autant hors Marseille)correspondant aux unions locales CGT. Celui du centre ville regroupe les chômeurs habitant les 1er, 6e et 7e arrondissement.

2 - Le PRI, contrairement aux autres plan d’amélioration de l’habitat, est coercitif. Il fait obligation aux propriétaires d’effectuer des travaux sous peine d’expropriation. Ces travaux bénéficient de nombreux avantages fiscaux, ce qui entraîne le rachat d’immeubles par des investisseurs qui pourraient aussi acheter des lots de bicyclettes ou de téléphones portables. De nombreuse municipalités ont utilisé cet instrument pour faire évacuer deux à trois immeubles qui menaçaient ruine. Les PRI de Marseille (Le Panier, Thubaneau, Belsunce, Noailles et Le Chapitre) concernent 12 000 logements pour le seul centre ville et sont la plus grande opération de ce type menée en France...

3 - Marseille Aménagement est une société d’économie mixte présidée par M. Gaudin et chargée de la conduite en particulier des PRI



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samedi 8 juillet 2006 à 12h24 - par  Idir Dominique

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