Lettre à Amaria déléguée CGT à Grand Littoral
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Je viens de raccrocher et j’ai encore dans la tête ta voix voilée de larmes me parlant de « la trahison de cette poignée de délégués CFDT », qui, dans le dos des salariés, s’est cru autorisée à signer un accord insignable, qui ne donne que quelques miettes.
Je t’entends encore me dire « ça va mal, très mal… Tu te rends compte de tous les sacrifices qu’ont fait les salariés pour ce conflit !!
Y a une copine, qui ne sachant pas comment faire garder son petit, est venue, malgré le froid, dormir avec lui sur le piquet de grève dehors, se réchauffant à peine à un feu de palettes...
Ça fait une semaine que l’on sentait qu’ils étaient quelques uns [1] à vouloir reprendre et c’est chaque fois l’assemblée des salariés qui les en a empêchés…
C’est pour ça que là ils ont signé dans notre dos sans rien nous dire. Hier au soir on était encore nombreux sur le piquet de grève. Pourquoi ils ont fait ça ?
En plus samedi on avait réussi malgré les CRS, malgré les menaces et la pression à manifester dans le magasin et à le faire fermer une fois de plus…
On sait pas comment remercier tous les gens qui nous ont soutenus »
Je repense aux deux semaines que vous venez de vivre, vous les exploités de ces symboles de la société de consommation et de la casse du commerce de proximité que sont les supermarchés.
A ces nuits et ces journées où vous vous êtes relayés accompagnés de militant-e-s de la CGT, Damien, Avelino, Henry et tant d’autres qui ont fait front de toutes les forces de leur solidarité, organisé une collecte, vous ont accompagnés les deux fois que vous avez été traînés en justice.
Comme tous les conflits celui-ci n’a vraiment pas été facile. Et la provocation des deux camions à moitié vides protégés par des CRS qui sont entrés vendredi dernier en a été une ultime démonstration.
Je voudrais te dire à toi, mais aussi à Ahmed le délégué tranquille et réfléchi, à Rachid dit Quiche qui a interpellé de fort juste manière les délégués lors d’une assemblée du personnel, à Séverine enceinte de deux mois que les CRS ont envoyée à l’hôpital, à Linda, à Stéphane et à tant d’autres, à tous les autres que vous pouvez être fiers de ce que vous avez fait et nous nous sommes fiers de vous.
- Meeting du 12 février
Bien sûr vous n’avez pas gagné sur la prime [2] mais vous avez gagné la dignité que Carrefour vous avait confisquée.
Repense à tout ce que vous avez fait !
Le meeting de mardi dernier où j’ai retrouvé plusieurs « anciens » Messaoud et quelques autres, qui avaient mené, avec le comité chômeurs CGT, la lutte avant l’ouverture du magasin sur ce qui n’était alors qu’un terrain vague, pour obliger d’abord les entreprises du bâtiment, puis le futur centre commercial à embaucher des gens du secteur sans discrimination. Quelle joie pour eux de vivre ce moment et de partager ces morceaux d’histoire avec les salariés les plus récents et la jeunesse des quartiers environnants !
Pense au samedi 8 où, à 7h du matin, sur un simple et laconique SMS, des dizaines de militants CGT se sont rassemblés pour prévenir une éventuelle intervention des CRS.
Les visites aux autres Carrefour du coin où vous avez fait monter la pression et les revendications. Ceux de Leader Price des Olives qui se sont rebellés grâce à vous et n’ont pas fini de se battre. La presse a qui vous avez expliqué sans relâche les raisons de votre conflit
La solidarité qui s’est manifestée grâce à votre lutte. Militants CGT postiers, marins, portuaires, mais aussi simples habitants et habitantes tenant à vous dire de tenir bon et versant leur obole au pot commun [3]. Et sans compter celles et ceux, dans toute la France, qui n’ont pas pu venir vous voir mais ont espéré avec vous parce que vous leur redonniez espoir.
Même le maire de Marseille, d’ordinaire si haineux envers les grévistes, s’est senti obligé de dire son soutien !!! C’est dire si vous avez le soutien de l’opinion !
Ce samedi dans les Carrefour de Port de Bouc (celui de Claudette si présente) et du Merlan, (le magasin deMomo, encore une fois cité en justice à l’occasion de votre conflit), les salariés se sont mis en grève à l’appel de la CGT. Et puis il y a toutes celles et ceux de Mac Do, en grève à Vitrolles, en action ailleurs, qui relèvent la tête et se battent pour les salaires malgré la répression syndicale que le patron veut leur faire subir. C’est pour cela que Carrefour voulait un accord à tout prix ce week-end. Le risque d’embrasement est trop grand et une victoire aurait sonné dans tout le pays comme un signal, un appel adressé à tous vos collègues qui parfois pleurent silencieusement de fatigue à leur caisse ou seul derrière leur rayon.
- Pendant la prise de parole
Il faudra bien que dans ce pays on entende en haut lieu la voix des mal payés d’un groupe mondial qui envisage de doubler ses bénéfices en 5 ans après avoir versé 38 millions d’euros [4] à un PDG « viré » parce que ses résultats n’étaient pas satisfaisants !!
Il faudra bien aussi, à force de luttes, que soit posée la question du statut de ces mastodontes de la distribution, véritables monopoles de fait, qui font sans contrôle, les prix de marchandises que nous avons de moins en moins le choix d’acheter ailleurs. L’heure n’est elle pas venue de poser la question de la nationalisation de ces géants, premier pas indispensable vers le retour à un maillage du territoire par des commerces de proximité aux prix encadrés parce que soutenus ?
On n’est pas si loin de ta grève Amaria, quand on voit que ton patron a proposé en guise de prime un bon d’achat d’une centaine d’euros…à Carrefour bien sûr !
Le vent de la révolte souffle. Il n’est pour l’instant que rafales contenues. Mais il souffle.
La CGT a raison, plus rien ne sera comme avant et la journée d’action du 24 mars sera encore plus forte.
Dans la distribution, le gardiennage, le nettoyage, de plus en plus nombreux les salariés se rebiffent.
Prolétaires de tout le pays unissez vous !
A très bientôt !!
[1] certains délégués CFDT – syndicat majoritaire dans l’entreprise – et en particulier l’un d’entre eux
[2] les salariés demandaient une prime mensuelle de rattrapage de 250€
[3] On peut toujours envoyer ses dons à UL CGT quartiers Nord 20 rue de Lyon 13015 Marseille
[4] Daniel Bernard, mis à la retraite en 2005. Sa prime représente le doublement des salaires des salariés de Grand Littoral pendant 5 ans…
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