Corée du Nord/ USA : la paille et la poutre
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Le nouvel essai nucléaire de la Corée du Nord a soulevé l’indignation des USA, des pays de l’UE et la condamnation du conseil de sécurité de l’ONU...unanime a dit la presse...
Pas si unanime que cela comme on va le voir et pas vraiment crédible non plus.
Tout d’abord que les choses soient claires en tant que citoyens et citoyennes du monde qui sommes devenus communistes pour donner un contenu à notre humanisme, nous qui nous soucions de l’avenir de l’humanité et de la planète toute entière nous avons toujours été contre les guerres et a fortiori contre les armes nucléaires. De 1914 à aujourd’hui, pour ne prendre que le siècle qui vient de s’écouler, les révolutionnaires ont toujours été dans le camp de la paix.
Nous sommes contre les essais nucléaires quel que soit le pays qui les utilise et son degré de démocratie, supposé ou reconnu par la fameuse « communauté internationale »...
Il faut d’ailleurs se rappeler que c’est l’Afrique du Sud de l’apartheid qui s’était lancée dans la course au nucléaire (aidée en cela par Israël) et c’est celle de Mandela qui a démantelé l’arsenal...Comme quoi lutte pour le progrès social et pour la justice va forcément de pair avec le désarmement.
Nous avons dans un article précédent, aussi dit ce que nous pensions de la conception de l’exercice du pouvoir par les dirigeants nord coréens, nous n’y reviendrons donc pas et en l’espèce ce n’est pas le problème.
Le problème c’est qu’alors que la Corée du Nord vient bien de procéder à son 6e essai nucléaire (et c’est bien sûr 6 de trop même si c’est seulement dans un but de se défendre comme elle l’assure) ceux qui le lui reprochent n’ont aucune qualification pour le faire. Et volontairement nous n’aborderons même pas pour dire cela la question de différence de puissance pourtant considérable entre les bombes d’un pays ou d’un autre
Au premier rang du bal des hypocrites, les USA...ce qui n’étonnera pas nos lecteurs.
En préalable de tout il faut rappeler que la Corée est un pays qui, après avoir connu 50 ans d’occupation japonaise est coupé en deux depuis 1953, le sud étant un pays sous occupation américaine avec une armée omniprésente et une loi dite de « sécurité nationale » qui permet d’envoyer en prison à tout moment une personne jugée subversive ou simplement qui a prononcé le mot socialisme...La moitié Nord du pays est donc confrontée en permanence à cette réalité là.
2904 essais nucléaires dans le monde
Il y a eu depuis 1945 2904 essais nucléaires dans le monde [1] et plus de 1000 essais pour les seuls USA [2] suivis de l’Union soviétique...et de la France qui a procédé à 210 essais non sans conséquences sur les populations des sites choisis, l’Algérie d’abord puis la Polynésie ensuite, conséquences sur lesquelles la France n’a jamais voulu faire la lumière. Pas plus d’ailleurs que les USA sur ses propres essais dont plusieurs tuèrent des populations éloignées de plusieurs dizaines de kilomètres du lieu de l’opération. [3].
Il y a pire.
Sous la pression des peuples qui firent des manifestations contre l’armement nucléaire aux quatre coins du globe, la question des traités de non prolifération et la fin des essais commença à émerger au niveau des états dès 1963 par le premier traité signé à Moscou. Pour mémoire rappelons que la France et la Chine refusèrent de signer ce traité ce qui leur permit de développer leur arsenal nucléaire, la Chine ayant réalisé à ce jour 45 essais.
Cette évolution aboutit en 1996 au TICE ou Traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Et qui refusa de le signer ? Les USA bien sûr et dans la foulée la Chine, la Corée du Nord, l’Inde et le Pakistan. Donc quand aujourd’hui Trump, et les pouvoirs occidentaux à sa suite, jouent à l’horrifié ne soyons pas dupes.
Mais il y a encore pire (eh oui !).
Comme le rappelle entre autres le mouvement de la paix, il y a un détournement du TICE. En effet dès l’annonce de sa ratification prochaine ont été mises en place des programmes de recherche afin de procéder à des tests de simulation. Autrement dit des tests qui ne sont pas des essais grandeur nature mais qui en remplissent la fonction et permettent aux pays qui utilisent ces programmes de poursuivre leur course à l’armement nucléaire...
Deux pays sont particulièrement avancés dans ce domaine. Les États-Unis avec le National Ignition Facility (NIF) dont la construction a coûté 3,5 milliards de dollars (de 1997 à 2009) et la France avec le Laser Mégajoule du programme Simulation. [4]
Le pire du pire
Le 7 juillet dernier, sous la pression des pacifistes du monde entier et en particulier les rescapés japonais d’Hiroshima et Nagasaki au siège de l’ONU 122 états ont adopté un traité interdisant l’arme nucléaire elle-même. Un progrès qu’il faut apprécier mais qui a refusé de le signer ? Les 9 états possesseurs de l’arme atomique évidemment : USA, Russie, France, Royaume Uni, Chine, Inde, Pakistan, Israël, Corée du Nord.
Autrement dit l’interdiction ne touche pour l’instant que des pays qui de toute façon ne peuvent pas l’utiliser puisqu’ils ne l’ont pas !!
Dans ces conditions pointer spécialement la Corée du Nord qui soit dit par parenthèse n’a jamais envahi aucun pays ni n’a jamais armé aucun coup d’état, relève pour le moins de l’hypocrisie et de la volonté de manipulation de l’opinion publique... pour justifier a priori une guerre destinée à étendre le pouvoir des USA jusqu’aux frontières de la Chine ?
Qui veut la paix prépare la paix
Que faire dans cette situation si on veut que l’escalade cesse et qu’enfin les risques d’un conflit nucléaire mettant en danger l’avenir de la planète soient enrayés ? Il faut vouloir la paix, la préparer et en finir avec cet équilibre de la terreur qui prévaut au plan international depuis 1945 et explique le refus de signature du traité de l’ONU en particulier par les 9 pays détenteurs de l’arme atomique.
La Corée du Nord justifie ses essais par sa volonté d’avoir une force de dissuasion par rapport aux menaces qu’elle redoute. Pour montrer aux coréens qu’ils ont tort de s’inquiéter les USA pourraient commencer par signer le traité de paix que réclame la Corée du Nord depuis 1953...et que les USA refusent de signer depuis ! Il y a situation plus rassurante pour un pays qui tient à sa souveraineté et à sa sécurité...
Dans l’attente de cette signature les USA pourraient au moins chercher à dialoguer. Or ils ne le veulent pas comme le pointe une trop petite partie de la presse [5]. Ainsi le 5 août dernier à la réunion ministérielle annuelle de l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à Manille le porte parole des USA a fait savoir que « Le secrétaire n’a pas prévu de rencontrer le ministère des Affaires étrangères de la Corée du Nord à Manille et je ne m’attends pas à ce qu’il y ait une telle rencontre. » Et Trump de déclarer « Les choses pourraient finir par un conflit majeur, majeur oui, avec la Corée du Nord. Tout à fait. ». A se demander qui est fou comme le demande Le Canard enchaîné dans l’article déjà cité.
L’autre question est celle de la présence militaire des USA en Corée du sud. Les USA y possèdent 15 bases militaires (il y en a eu jusqu’à 54) bourrées de toutes sortes d’armes de destruction massive. Deux bases sont situées juste à la frontière avec la Corée du Nord, une troisième se trouvant à proximité. De plus chaque année des maoeuvres militaires américaines renforcent le climat de tension et les craintes d’une agression.
Un pays marqué par la crainte d’une nouvelle guerre meurtrière Comme le rappelle Felicity Arbuthnot [6] : L’horreur causée par les USA pendant le conflit de trois ans sur un pays qui comptait alors à peine 9,6 millions d’âmes est encore bien présente dans la mémoire collective de la Corée du Nord. Le général étasunien Curtis Lemay avait par la suite déclaré ceci : « Après avoir détruit 78 villes de la Corée du Nord et des milliers de villages, et tué un nombre incalculable de civils (…) Sur une période d’environ trois ans, nous avons tué, je dirais, 20 % de la population. » « Nous croyons maintenant qu’au nord du 38e parallèle, la population de 8 à 9 millions d’habitants qui y vivait a été décimée de près du tiers durant les 37 mois de guerre « chaude » entre 1950 et 1953, ce qui constitue sans doute un pourcentage de mortalité sans précédent subi par un pays dû à la belligérance d’un autre. » [7] En outre, comme Robert M. Neer l’écrivait dans « Napalm, an American Biography » : En janvier 1951, l’officier Townsend, qui était chargé des produits chimiques, a écrit que « pratiquement chaque avion de combat US survolant la Corée transportait au moins deux bombes au napalm ». Environ 21 000 gallons de napalm étaient déversés chaque jour sur la Corée en 1950. Quand les combats se sont intensifiés après l’intervention chinoise, cette quantité a plus que triplé (…), en tout, 32 357 tonnes de napalm sont tombées sur la Corée, soit environ le double de ce que le Japon a subi en 1945. Les alliés ont non seulement largué plus de bombes en Corée que dans le Pacifique pendant la Deuxième Guerre mondiale (635 000 tonnes contre 503 000 tonnes), mais la majorité d’entre elles contenait du napalm (…). » Dans la capitale nord-coréenne, Pyongyang, on a rapporté que seulement deux immeubles restaient encore debout. Ce mois-ci, d’« immenses manœuvres militaires sur terre, sur mer et dans les airs » regroupant des « dizaines de milliers de forces armées » des USA et de la Corée du Sud ont commencé le 21 août pour se terminer le 31. « Par le passé, on dit que les manœuvres comprenaient des « frappes de décapitation », c’est-à-dire des opérations pilotes de tentatives d’assassinat de Kim Jong-un et de ses principaux généraux (…) », selon The Guardian (11 août 2017). (...) Faisant preuve de nouveaux actes de provocation (illégaux), des bombardiers US auraient encore survolé la Corée du Nord, ce qui s’ajoute à bien d’autres actes d’intimidation et de menace, qui seraient au nombre de onze depuis mai de cette année. |
Dans ces conditions, au conseil de sécurité de l’ONU, seules la Russie (qui elle a signé le TICE) et la Chine ont eu un langage de raison appelant à la négociation. Aux propos des américains évoquant une « une réponse militaire massive ». Poutine a rétorqué en disant son "refus de l’hystérie militaire".
Si la Chine et la Russie en question n’ont pas approuvé le nouvel essai nord coréen, ils n’approuvent pas non plus les rodomontades guerrières de Trump ni ne pensent efficaces l’application de nouvelles sanctions la France quant à elle a repris à son compte sans en changer une ligne le discours américain...
La presse qui s’évertue chaque jour à présenter Kim Jong Un comme fou, ferait bien de méditer sur l’histoire de la paille et la poutre pour savoir qui menace qui et qui est le plus fou dans cette histoire.
Quant à nous, nous avons encore plus de raisons de faire du 21 septembre, journée internationale de la paix, et des initiatives qui auront lieu autour de cette date, un temps fort de mobilisation pour arrêter le bras de ceux qui font courir au monde le risque d’une catastrophe nucléaire.
Plus spécifiquement sur la Corée, quoiqu’on pense des régimes du Nord et du Sud, s’il y a bien une question qui fait l’unanimité des coréens et que nous devons soutenir c’est celle de la réunification du pays ce qui implique le départ de l’armée d’occupation. Il appartiendra alors au peuple coréen de choisir son régime.
Pour cela il convient de ressortir le slogan en vogue lors des manifestations pour la paix au VietNam : « US GO HOME ! »
En médaillon un poste à la frontière avec autant de drapeaux américains que coréens...
[2] 1110 exactement. Il s’agit du chiffre officiel mais il est probable selon certains experts qu’il y en ait plus et que les Etats Unis à eux seuls aient réalisé près de la moitié des essais du monde
[5] au rang de laquelle on trouve le Canard Enchainé du 6 septembre sous le titre Et si Kim n’était pas fou ?
[6] North Korea, An Aggressor ? A Reality Check, publié le 24 août 2017
[7] http://www.globalresearch.ca/ know-the-facts-north-korea- lost-close-to-30-of-its- population-as-a-result-of-us-bombings-in-the-1950s/22131
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