Soudan : Le Darfour, nouveau prétexte pour élargir la zone d’influence américaine ?
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Au grand dam de Washington, les autorités soudanaises persistent dans leur refus d’une présence onusienne au Darfour alors que les combats dans cette région se sont intensifiés ce week-end. Sollicités pour intercéder en faveur de leur allié américain, les Egyptiens peuvent se demander si les intentions de ce dernier sont purement humanitaire.
"Le Soudan a averti les pays prêts à contribuer à la force de maintien de la paix que les Nations unies entendent déployer au Darfour [ouest du Soudan] qu’il considérerait leur geste comme ’un acte hostile et le prélude à une invasion d’un pays islamique’", rapporte le Washington Post. La lettre a été adressée mardi 3 octobre à la cinquantaine de pays, notamment africains et arabes, qui ont participé à la conférence qui a réuni le 25 septembre les contributeurs potentiels à la mission onusienne. Washington a réagi en réclamant une réunion extraordinaire du Conseil de sécurité pour protester contre ce que John Bolton, l’ambassadeur des Etats-Unis aux Nations unies, a qualifié de "tentative d’intimidation par le Soudan des pays fournisseurs de troupes à l’ONU", poursuit le quotidien américain.
Mais, tout en maintenant son opposition à l’envoi de casques bleus dans cette région du Soudan en proie à la guerre, "le président soudanais Omar El-Béchir a accepté un soutien logistique de l’ONU à la Mission de l’Union africaine au Soudan (MUAS)" présente sur place, signale le Washington Post. Parallèlement à l’activité diplomatique qui se déroule dans le cadre des Nations unies, la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice, lors de sa tournée au Moyen-Orient la semaine dernière, a insisté auprès des dirigeants arabes afin qu’ils interviennent pour convaincre les autorités soudaines d’accepter le plan des Nations unies pour prendre le relais de l’Union africaine (UA), poursuit le journal.
Dans ce contexte, Asharq Al-Awsat relève qu’"actuellement l’Egypte, ainsi que d’autres pays arabes et la Ligue arabe, déploie d’énormes efforts pour régler les différends qui opposent le Soudan aux Nations unies au sujet de l’application de la résolution 1706, adoptée le 31 août et appelant au déploiement de plus de 20 000 casques bleus pour remplacer les 7 800 hommes de l’UA au Darfour". Selon des sources diplomatiques égyptiennes, il a été proposé au gouvernement soudanais d’accepter de "nouvelles forces issues de pays arabes et musulmans, d’Asie ou d’Afrique, pour venir renforcer les forces de l’UA", croit savoir le quotidien saoudien.
En même temps, des contacts ont lieu avec les Etats-Unis, les Nations unies et l’Union européenne pour obtenir "des garanties et des assurances quant au rôle et à la mission des forces qui seront stationnées au Darfour", poursuit Asharq Al-Awsat. Des appels ont également été adressés aux parties rebelles qui n’ont pas voulu signer en mai dernier les accords de paix d’Abuja, afin de "relancer des négociations complémentaires sous l’égide de l’Union africaine et de la Ligue arabe".
"L’Egypte est sans doute le pays qui a le plus d’influence sur les autorités soudanaises. Mais il s’oppose à toute sanction pour forcer le Soudan à accepter les forces onusiennes", regrette toutefois The Christian Science Monitor. Et pour le quotidien américain, les réticences égyptiennes à forcer la main aux Soudanais sont liées au Nil, fleuve qui "représente pour l’Egypte sa première source de vie. La majorité des 80 millions d’Egyptiens vivent tout au long de ses berges. Ainsi l’Egypte, pour éviter tout endiguement ou déviation des eaux du Nil, tient à garder des relations amicales avec son voisin du sud, le Soudan, également riverain du fleuve. La stabilité du régime en place au Soudan est une priorité pour l’Egypte." Et de citer les commentaires du ministre égyptien des Affaires étrangères, Ahmed Aboul Gheit, qui défend le gouvernement soudanais et rejette "la responsabilité des affrontements sanglants au Darfour sur les factions rebelles qui ont pris les armes en 2003".
Non pas que l’Egypte s’oppose à une présence onusienne dans la région, tient à souligner le journal. Et pour expliquer la bonne volonté du gouvernement égyptien, le quotidien signale que "l’Egypte reçoit des Etats-Unis une aide annuelle de l’ordre de 2 milliards de dollars et en général ne s’oppose pas ouvertement aux priorités de la politique américaine. Mais quand il s’agit du Soudan, c’est une autre affaire."
Ainsi, le Christian Science Monitor relève que des analystes, comme Helmy Sharawi, directeur du Centre d’études arabes africaines du Caire, sont critiques à l’égard "des Etats-Unis, qui insistent sur le déploiement d’une force onusienne en ignorant les organisations régionales. Si l’Union africaine a échoué au Darfour c’est parce qu’elle n’a pas été soutenue financièrement", explique cet expert.
Al-Ahram Hebdo partage cet avis et doute des intentions humanitaires de l’administration américaine. "La politique américaine, surtout sous le mandat de Bush junior, n’hésite pas à employer des prétextes non fondés afin d’exécuter ses projets politiques relatifs au démantèlement et à la reconstruction des régions comprises dans sa stratégie d’hégémonie", estime l’hebdomadaire égyptien.
En ce qui concerne le Darfour, "si l’administration Bush s’intéressait réellement aux questions humanitaires, son comportement aurait été entièrement différent, elle aurait apporté son soutien à l’accord d’Abuja et aurait exercé des pressions sur les mouvements qui s’opposaient à l’accord pour qu’ils acceptent les solutions pacifiques et qu’ils mettent un terme à la violence. Elle aurait accordé son soutien financier et technique aux forces africaines Å“uvrant au Darfour afin qu’elles réussissent leur mission. Les Etats-Unis ne feront rien pour alléger les souffrances des habitants du Darfour. Leur principal objectif est d’avoir, à travers les forces internationales, une présence dans cette région soudanaise. Ceci s’inscrit dans la stratégie américaine visant à reconstruire le grand Moyen-Orient et la région de la Corne de l’Afrique."
Source : Le Courrier international.
Transmis par : Linsay.
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