Quand BDS fait paniquer Israël
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C’est Le Monde peu suspect de sympathie exagérée avec le combat des palestiniens qui nous l’apprend : c’est donc un encouragement à amplifier la campagne
La contre-offensive sera rendue publique d’ici un mois et prendra la forme d’un vaste plan interministériel : Avigdor Lieberman, le ministre des affaires étrangères, l’a annoncé, lundi 3 février, à la presse israélienne. Parallèlement, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, devrait convoquer prochainement une réunion restreinte du gouvernement pour envisager une riposte. L’adversaire ? Le mouvement international de boycottage des colonies israéliennes, qui s’est nettement renforcé ces dernières semaines.
De façon quelque peu contradictoire au regard de cette mobilisation politique, M. Lieberman a assuré qu’Israël a surmonté bien des boycottages au cours de son histoire, et que celui-ci n’est en rien menaçant. Sauf qu’il intervient dans une période particulièrement sensible : les négociations israélo-palestiniennes doivent (en principe) s’achever le 29 avril, et ce compte à rebours se manifeste notamment par une tension avec celui qui est la cheville ouvrière du processus de paix, le secrétaire d’Etat américain John Kerry.
L’intéressé s’est attiré de vives critiques pour ses propos tenus, le 1er février, lors de la conférence sur la sécurité de Munich : en cas d’échec des négociations, a-t-il insisté, le mouvement de boycottage « va s’intensifier ». Constat réaliste, basé sur de récentes décisions européennes ? Pas pour Israël, où l’avertissement de M. Kerry a été ressenti comme un moyen de pression pour l’amener à faire des concessions aux Palestiniens. Propos « insupportables », a réagi le ministre des affaires stratégiques, Youval Steinitz. « Israël ne peut pas négocier avec un pistolet sur la tempe. »
« Nous attendons de nos amis qu’ils nous soutiennent face aux efforts de boycottage antisémite, et non qu’ils s’en fassent les amplificateurs », a renchéri Naftali Bennett, le ministre (national religieux) de l’économie.
M. Nétanyahou a choisi de ne pas répliquer directement, tout en soulignant que « les tentatives pour imposer un boycottage d’Israël sont immorales et injustes », notamment parce qu’elles confortent les Palestiniens dans « des positions intransigeantes ». « Nous comptons sur les Etats-Unis, a insisté, lundi, le premier ministre israélien, pour continuer à s’opposer aux boycottages contre Israël. »
Cette nouvelle passe d’armes est révélatrice de la nervosité grandissante des dirigeants israéliens face à un mouvement dont ils n’ont pas anticipé la montée en puissance. Depuis son lancement, en 2005, la campagne internationale BDS (boycottage, désinvestissement et sanctions) n’avait jusqu’ici recueilli qu’un succès limité. Peu à peu, elle a quitté la sphère des organisations de défense des droits de l’homme pro-palestiniennes pour s’étendre à des institutions financières, politiques et académiques qui partagent une même volonté de signifier à Israël que sa politique de colonisation des territoires censés constituer celui du futur Etat palestinien n’est plus acceptable.
« Moment charnière »
Même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une décision de boycottage, les « lignes directrices » de l’Union européenne appliquées à Israël, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier, participent d’une même intention. « Si les Européens ont voulu peser dans le débat, c’est raté,commente un haut diplomate israélien ; leur message n’est pas compris, parce qu’ils choisissent de s’associer avec le mouvement BDS, qui est à 100 % anti-israélien. »
« Il est vrai, reconnaît-il, que la perception d’un boycottage d’Israël s’étend. Cela donne l’impression d’un vaste mouvement international contre nous, alors qu’il n’en est rien. »
Le 30 janvier, l’actrice américaine Scarlett Johansson a dû renoncer à son rôle d’ambassadrice de l’organisation humanitaire Oxfam, jugé incompatible avec son partenariat avec l’entreprise israélienne SodaStream, implantée dans la colonie de Maalé Adoumim, proche de Jérusalem. Cette polémique faisait suite à la décision de plusieurs institutions financières de pays scandinaves (Danemark, Norvège, Suède) de rompre leurs liens avec des banques israéliennes impliquées dans le financement des colonies.
Ce mouvement ne représente pas encore une grave menace pour l’économie israélienne, mais ce pourrait être le cas en cas d’échec des négociations de paix, a prévenu Yaïr Lapid, le ministre israélien des finances. Rappelant que 33 % du commerce extérieur d’Israël s’effectuent avec l’Europe, il a souligné qu’un boycottage européen, même partiel, se solderait par des milliers de licenciements.
« Nous sommes à un moment charnière du boycottage, a-t-il insisté, nous devons agir d’urgence. » C’était peu ou prou ce qu’a voulu dire John Kerry…
5 février 2014
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