Les plages de l’apartheid

dimanche 1er juillet 2012
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Majoritairement privées, la plupart des plages libanaises refusent le droit d’entrée aux domestiques étrangères. Et, lorsque ce droit leur est accordé, le plus souvent la piscine leur est interdite. C’est le moment de relire (ou lire pour celles et ceux qui ne l’ont déjà fait) « Femmes, race et classe » d’Angela Davis qui 30 ans après reste malheureusement encore d’actualité

Dans le cadre d’une campagne de lutte contre le racisme, une ONG a diffusé une vidéo où une femme immigrée se voit refuser l’entrée d’un club de plage populaire de Beyrouth en raison d’une politique de sélection "raciste". Les images, publiées par IndyAct, montrent une militante noire qui accompagne trois autres militants souhaitant accéder au club. A la caisse on entend l’employé demander : "Qui est cette fille ?" L’un des militants répond que la femme est leur bonne, ce à quoi le caissier réplique qu’"elle n’a pas le droit d’entrer". Face aux protestations des trois clients, le caissier déclare que les bonnes ne sont pas les bienvenues dans ce club. Les militants demandent ensuite à l’employé : "Et si je vous dis que ce n’est pas une bonne ? C’est mon amie noire africaine qui veut aller à la plage avec moi." Le caissier maintient qu’elle ne peut toujours pas entrer.

Dans le cadre de sa campagne, IndyAct a fait des recherches sur plusieurs stations balnéaires et identifié celles qui semblaient avoir des politiques discriminatoires. Des militants se sont ensuite rendus sur place pour voir par eux-mêmes ce qu’il en était. "Cette action est la première d’une série qui a pour but de relever ce type de pratiques pour montrer à la société libanaise dans quelle mesure elle contribue à perpétuer le racisme au Liban”, explique Aimée Razanjay, porte-parole d’IndyAct pour cette campagne.

Il y aurait au Liban environ 200 000 femmes immigrées qui travaillent comme domestiques. Elles sont originaires du Sri Lanka, des Philippines, d’Ethiopie et du Népal, entre autres. Le droit libanais du travail impose un salaire minimum et un jour de repos hebdomadaire, mais ces lois ne s’appliquent pas aux travailleurs étrangers et la plupart d’entre eux ne bénéficient donc pas de ces droits. Les employées de maison travaillent souvent vingt heures par jour, sont confrontées à l’isolement forcé et parfois victimes de violences physiques et sexuelles. Leurs passeports leur sont confisqués à leur arrivée, ainsi les employeurs peuvent-ils contrôler l’existence de ces femmes.

Les clubs de plage et les centres de vacances qui appliquent des politiques discriminatoires à l’égard des travailleurs immigrés ne sont pas rares, selon Human Rights Watch (HRW). Parmi les 27 clubs auxquels s’est intéressée l’ONG, 17 ne laissaient pas entrer les employées de maison. Quelques établissements n’imposaient pas de restrictions à l’entrée, mais pour la plupart ils n’autorisaient pas les bonnes à utiliser la piscine.

Selon Nadim Houry, d’HRW, le racisme n’est pas le seul facteur à l’origine de ces politiques. “Plusieurs éléments entrent en jeu, c’est à la fois une question de racisme et de statut social, explique-t-il. Cela concerne non seulement l’origine ethnique, mais également le rang social… Etre domestique est très souvent mal considéré.”

La détresse des travailleurs étrangers au Liban a commencé à attirer l’attention des médias internationaux, suite à quoi plusieurs groupes de défense des droits de l’homme ont appelé le gouvernement à prendre des mesures. “Il est encourageant de voir que de plus en plus d’associations s’attaquent au problème”, estime Human Rights Watch.

Par Richard Hall source The Daily Star le 28/06/2012

Transmis par Linsay



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