Dérapages américains en série
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Les forces spéciales américaines voulaient éliminer des responsables d’Al-Qaida. Elles n’auront réussi qu’à tuer des dizaines de bergers nomades du sud de la Somalie...
A la nuit tombée, les bergers s’étaient réunis avec leurs bêtes autour de grands feux de camp pour chasser les moustiques. La lueur des flammes a fait d’eux les dernières victimes innocentes de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis. Ils ont eu le malheur d’être pris pour cibles par les forces spéciales américaines, dans le cadre d’une opération secrète visant à éliminer trois membres importants d’Al-Qaida : Fazul Abdullah Mohammed, Saleh Ali Saleh Nabhan et Abu Taha Al-Sudani. Ces trois hommes seraient impliqués dans les attentats contre les ambassades des Etats-Unis à Nairobi [Kenya] et à Dar es-Salaam [Tanzanie] en 1998. L’Union des tribunaux islamiques les aurait protégés pendant la brève période où elle a gouverné [de juin à décembre 2006] la capitale, Mogadiscio, et ils auraient trouvé refuge dans le sud de la Somalie.
L’ONG britannique Oxfam a confirmé le 12 janvier qu’au moins 72 nomades avaient été tués dans le district d’Afmadow, près de la frontière kényane. Ils ont été mitraillés pendant la nuit et les attaques se sont poursuivies le lendemain, alors qu’ils étaient à la recherche de points d’eau. L’ambassadeur américain au Kenya a reconnu qu’aucun des trois terroristes recherchés n’avait été tué pendant l’attaque.
Cette action, qui a ouvert un nouveau front dans le combat antiterroriste de Washington, semble s’être retournée de façon spectaculaire contre les Américains. Outre le lourd bilan des pertes civiles, elle semble avoir attisé la guerre civile qui couve dans le pays.
Les raids aériens vont attiser la guerre civile
Tout au long de la journée du 12 janvier, les préoccupations au sujet du nombre de morts sont devenues de plus en plus vives, en dépit d’une déclaration de l’ambassadeur américain, Michael Ranneberger, affirmant qu’aucun civil n’avait été tué ou blessé et qu’une seule attaque avait été menée. Mais, d’après le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), une centaine de personnes ont été blessées dans un raid aérien lancé le 8 janvier depuis la base américaine de Djibouti sur le petit village de pêcheurs de Ras Kamboni, après l’interception d’une conversation sur téléphone portable.
Le Pentagone a attendu vingt-quatre heures avant de confirmer le lancement de l’opération, et l’a poursuivie malgré les condamnations de la communauté internationale et les avertissements qu’elle risquait d’aller à l’encontre du but recherché.
Le 12 janvier, des soldats américains foulaient le sol somalien pour la première fois depuis 1993, où un échec militaire les avait obligés à quitter le pays dans l’humiliation. [Les corps de soldats américains tués par des milices avaient été traînés dans les rues de Mogadiscio. Les images de ce lynchage avaient fait le tour du monde. Peu de temps après, le président Bill Clinton avait annoncé le retrait des troupes américaines.] Selon The Washington Post, ces soldats avaient été envoyés sur le terrain pour essayer de déterminer qui avait été tué dans les raids aériens, menés par un AC-130.
Selon Oxfam - qui a été informée de la mort des bergers nomades par ses partenaires somaliens - et Amnesty International, ces attaques aériennes ont été effectuées en violation des lois internationales. “Le droit international oblige à faire la distinction entre les cibles militaires et civiles”, explique Paul Smith-Lomas, directeur régional d’Oxfam. “Nous craignons que ce principe n’ait pas été respecté et que des innocents aient payé pour d’autres.”
Il est également à craindre que les raids n’aient attisé la guerre civile. Depuis le début de la semaine dernière, une nouvelle vague de violence s’est abattue sur le pays. Les chefs de guerre, qui semblaient avoir accepté de désarmer leurs milices pour former une nouvelle armée nationale, se sont battus pour récupérer leurs anciens territoires. Et les islamistes, qui venaient juste d’être boutés hors de la capitale par l’armée éthiopienne (qui prêtait son concours au gouvernement de transition somalien, soutenu par les Etats-Unis), ont attaqué les forces gouvernementales et leurs alliés.
Et, vendredi 12 janvier, alors que les chefs de guerre étaient réunis avec le président, Abdullahi Yusuf, une fusillade a éclaté à l’extérieur de la Villa Somalia [résidence des présidents somaliens], ce qui montre bien l’ampleur des problèmes de sécurité. Ces affrontements entre les milices et l’armée, provoqués au départ par une simple dispute pour une place de parking, ont fait au moins six morts parmi les miliciens.
Source : The Independent
Transmis par Linsay
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