La Belle rouge 2016 : un cru exceptionnel
par
popularité : 6%
Si, malgré les conseils répétés de Rouge Midi vous n’êtes jamais allés au festival La Belle rouge organisé par la compagnie Jolie Môme, autant vous le dire tout de suite : cette année vous avez raté un cru exceptionnel.
Exceptionnel tout d’abord par la participation.
On pensait avoir atteint un sommet l’an passé pour les 10 ans du festival, eh bien non ! Cette année ils ont fait encore plus fort. Si nous n’avons pas les chiffres précis il est sûr qu’il y a eu une participation en nette hausse au point que rapidement il n’y a plus eu de forfait disponible, ce forfait qui donne droit d’entrée à l’ensemble des spectacles qui se déroulent sur les 3 jours.
Juste retournement des choses cette hausse est pour partie directement liée au mouvement contre la loi de dumping social et dans laquelle tous les membres de la compagnie se sont engagés à fond mettant de ce fait au second plan leur activité et leur production artistiques tout en apportant à la lutte leur participation et leur création culturelles. On aurait pu craindre que le festival pâtisse de la mobilisation tant plus de 4 mois de lutte quasi quotidienne, matin, soir et même nuit (debout !) cela prend beaucoup de temps et d’énergie. Et quand en plus dans ce combat vous avez trois membres de l’équipe qui sont pris dans les mailles du filet de la répression cela ne fait que compliquer les choses. Pourtant si l’équipe n’a pas eu le même temps que d’habitude pour préparer « son » festival qui est devenu aussi un peu le nôtre au fil des années, le souffle qu’elle y propage s’est aussi répandu sur le mouvement en particulier en région parisienne où la troupe est basée et a donné envie notamment à nombre de jeunes qui venaient au festival pour la première fois.
Exceptionnel aussi par la programmation de ces 3 jours dédiés au spectacle vivant : théâtre, concerts, théâtre de rue, spectacles chantés, conférences gesticulées, conteurs, marionnettistes, spectacle de poésie mais dédié aussi au cinéma avec chaque année de plus en plus de films projetés.
Jolie Môme, lutte oblige, n’avait pas pu finir son nouveau spectacle et s’en est excusée, mais son « cabaret Etat d’urgence », spectacle de circonstance inspiré de l’actualité et dénonçant entre autres le mariage du MEDEF et de l’Etat, a enchanté les spectateurs.
La pièce « La vraie vie des pirates » de AFAG [1] fable qui avait déjà inspiré à Jolie Môme la chanson « paroles de mutins » s’est taillée un franc succès et la place de l’Eglise où elle a été jouée débordait de spectatrices et spectateurs qui riaient de bon cœur et applaudissaient ces pirates qui, entre deux duels à l’épée ou butins dérobés développaient un discours volontairement anachronique et moqueur sur la casse de la sécurité sociale, le droit à la retraite des capitaines, la démocratie et le vote, la lutte des femmes pour l’égalité….Toute l’assemblée a salué debout la fin de la pièce et le grand jeu des 4 acteurs et actrices.
Bien sûr le Bringuebal, malgré une interruption due à un orage de grêle (mais le festival en a vu d’autres !) a fait danser pour la 10e année consécutive des spectateurs qui en redemandaient (et en redemanderont) encore !
Il faudrait parler aussi de « En route vers le ragtime » concert de la pianiste virtuose Gaëlle THERY, des « Sonnets de Shakespeare » programmation inattendue mais ô combien appréciée, de Sidi Wacho, de La Rabia, de Colette et Noliv…..Bon bref on ne peut résumer un festival de 3 jours pleins de spectacles qui se déroulent sans discontinuer en plusieurs lieux en un seul article !
D’autant qu’à la partie artistique et s’entremêlant souvent avec elle, s’ajoutent les ateliers politiques et cartes blanches données à plusieurs intervenants sur : le travail et l’emploi, le revenu de base, la lutte des sans-papiers, la Palestine, les violences faites aux femmes et bien sûr sur le mouvement contre la loi travail qui se taillait la part belle cette année avec deux débats dont un co-animé par un représentant de l’ANC.
En toute logique plusieurs rendez-vous de lutte étaient donnés aux festivaliers. En voici 3 qui ne sont bien sûr pas exclusifs :
Le 15 septembre pour la grande manifestation appelée par les organisations syndicales qui refusent "la loi travail et son monde"
Le 16 octobre pour un Cabaret d’urgence "dédié au Medef, sa magnifique histoire et sa brûlante actualité, ainsi qu’à la répression des mouvements sociaux" et en "solidarité avec Loïc et toutes et tous les inculpé-e-s du mouvement social"
8 décembre pour le procès de Loïc pour lequel on peut d’ores et déjà signer l’appel à soutien
Le festival La Belle Rouge, au-delà des artistes et des spectateurs, est aussi l’œuvre de dizaines de volontaires qu’on appelle ici « brigadistes » terme préféré à celui de bénévoles. Ils montent les chapiteaux, font les repas, servent au bar, vendent les billets en monnaie locale car ici le temps du festival l’euro disparait pour laisser la place au BRIC, accueillent et orientent le public…bref tout ce qu’il faut pour que le festival se déroule bien pour tout le monde.
Boualem de Rouge Vif 13 découvrait le festival et nous parle de sa première expérience de brigadiste
Pour ma première expérience de brigadiste j’ai été étonné et surpris par la solidarité que ce festival pouvait créer. On était nombreux à répondre à cet appel et la diversité géographique, sociale et culturelle a enrichi cette expérience. J’ai apprécié la simplicité du contact et la fraternité parmi les brigadistes et les responsables du festival. On mangeait ensemble, travaillait ensemble, dormait tous sous des tentes les uns à côté des autres, on veillait les uns sur les autres. Une famille était née on oubliait d’où l’on venait pour se découvrir des liens de pensée avec toutes ces personnes attachantes. J’ai aussi vu que les jeunes étaient plus investis dans le militantisme que l’on peut le croire et ils suivaient les conseils des ainés avec attention. J’ai vu une cohésion entre les différentes générations pour la réussite de ce festival. Je recommencerai cette expérience et conseille à tous de la tenter une fois dans sa vie. Pour ma première visite, j’ai pu voir ce que signifie un festival populaire sans prise de tête, ni prétention. Et ce malgré une météo surprise (lol) j’ai pu assister à plusieurs spectacles et débats passionnants, par des gens passionnés. La lutte était au centre de chaque représentation ce qui les a rendues encore plus vivantes et réelles. Riche en émotion, drôle, triste, enflammé... ce festival est un miroir de notre société la solidarité en plus. |
[1] AFAG : Au fond A Gauche, presque tout est dit ou en tous cas annoncé dans le nom de la compagnie !
Commentaires