"Le totem des 35 heures... " Vous avez dit TOTEM !

Chers tous,

J’ai suivi le journal tàlàvisà de France 2 du 18 fàvrier dernier, pràsentà par Nathanaàl de Rincquesen. Le deuxiàme sujet, apràs les manifestations d’agriculteurs, àtait la ràforme du droit du travail. Voici comment elle àtait pràsentàe :

Nathanaàl de Rincquesen : "On revient maintenant sur la ràforme du droit du travail, qui doit àtre pràsentà, dàbut mars, en conseil des ministres. Nous vous en parlions dàjà hier. à Laurent Desbonnets, bonjour : "Ce projet, portà par Myriam El Khomri, casse certains codes qui sont chers à la gauche."

Laurent Desbonnets  : "Oui, à commencer par le totem des 35 heures, àa reste la duràe làgale, mais elles sont complàtement dàtricotàes."

Je m’arràte ici sur le terme "totem".

Qu’est-ce qu’un totem ? C’est un terme du langage des Amàrindiens d’Amàrique du Nord, qui peut dàsigner plusieurs choses (un ancàtre mythique, un lien de parentà, une sculpture...) mais, surtout, religieusement, une entità sacràe, qu’on ne consomme pas, une entità qu’on respecte, qu’on craint, qu’on pràsente comme le fondement des institutions, comme un modàle de comportement, comme une exigence d’organisation."

Cela, c’est la dàfinition brute, telle qu’elle peut àtre ànoncàe par un ethnologue ou par un anthropologue. Mais, dans la France de 2016, cette dàfinition n’est pas peràue de faàon neutre, elle est peràue ràfractàe par notre culture et par notre idàologie. Or, le plus souvent, cette culture et cette idàologie nous ràfractent le totem de faàon nàgative :

1. Si l’on est chràtien, le totàmisme apparaàt comme un paganisme, le signe d’une civilisation antàrieure au christianisme, celle contre laquelle luttàrent les premiers àvangàlistes (en Gaule ou en Germanie) ou les missionnaires europàens des XVIe au XIXe siàcle, la civilisation de la barbarie, de l’anthropophagie et des contràes oà l’on se promàne tout nu.

2. Si l’on est athàe, le totàmisme est, comme toutes les religions, absurde. Il fluctue dans la loi des trois àtats d’Auguste Comte [2], quelque part entre le fàtichisme et le polythàisme, donc antàrieur au monothàisme, lui-màme antàrieur à l’àtat màtaphysique, lui-màme infàrieur à l’àtat scientifique.

3. Si l’on est nào-colonialiste (et, a fortiori, raciste), le totem apparaàt comme un signe de l’arriàration des peuplades du Sud - et de la supàriorità concomitante des ex-colonisateurs.

– La ràsultante de ces idàologies est de faire percevoir la ràvàrence envers le totem (en tant qu’il est saisi à titre de croyance), comme infondàe, irrationnelle, prà-scientifique (on ne peut manger de tel mets, on ne peut accomplir tel geste ou telle actività certains jours de l’annàe, on ne peut se servir de telle main pour tels usages, on ne peut prononcer tels mots, etc.). Bref, le totem est la nàgation, l’antithàse de la civilisation des ordinateurs et de l’Internet, de cette civilisation positiviste qui (màme si Auguste Comte est passà de mode), continue nàanmoins de penser que tout se ràsout par la science.

Ainsi, en pràsentant comme un "totem" la duràe làgale du travail (mais aussi le type de contrat de travail - CDI ou CDD - le salaire minimum, les indemnitàs et les conditions de licenciement, la retraite par ràpartition...), on fait de cette duràe làgale une disposition absurde, arbitraire, infondàe, irrationnelle, à l’instar de ce qu’àtait (aux yeux des colons nord-amàricains), le totem des tribus amàrindiennes - donc une institution appelàe à ne plus figurer qu’au musàe.

Notons, d’ailleurs, que le langage màdiatique (et politique et patronal) fait le màme usage du tout aussi exotique terme "tabou" : le "tabou" des 35 heures, le "tabou" de la retraite à 60 ans (et màme de la retraite tout court), le "tabou" du SMIC, etc.

à Qui ne connaàt la valeur des mots ne saurait connaàtre les hommes à … à Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur libertà à, [3]

la_peniche et Philippe Arnaud.