Syriza gagne-t-il les élections ? Que gagne le peuple grec ?
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Arrivée en tête dimanche dernier aux élections législatives anticipées, SYRIZA est annoncé gagnant dans tous les médias. La question que l’on peut se poser au vu de l’année qui vient de s’écouler en Grèce est : que va-t-il se passer sur l’échiquier politique grec, et surtout quel va être le sort des grecs dans ce jeu ?
Quelques chiffres
Un premier aperçu des résultats met en évidence l’abstention en progression. 700 000 votants en moins par rapport aux législatives de janvier 2015, on se situe au delà des 40% d’abstention du référendum de juillet 2015, avec 45,6 % d’abstentionnistes dimanche ce qui est un record pour le pays.
Si l’on compare les voix de janvier 2015 et celle du scrutin du 20 septembre ; on remarque que Syriza perd 323 258 voix, et donc 4 sièges au parlement.
Les membres dits « frondeurs » du gouvernement SYRIZA 1 sont sortis de l’orbite du parti et du parlement. Syriza a pu renouveler sans accro son alliance avec le parti nationaliste conservateur ANEL.
En dehors de ces résultats, les autres formations se maintiennent ou évoluent peu ; nous y reviendrons.
Syriza dans une position délicate
Vu de France, l’espoir grec de janvier 2015 ou encore celui de juillet 2015 avec le NON au référendum fait penser à celui d’un mai 1981 ou encore à l’arrivée de la gauche plurielle au pouvoir en France en 1997. La douche froide pour les travailleurs est tout aussi brutale dans l’histoire française que dans l’actualité grecque.
Lorsque la gauche se détourne de son combat, ou pire, signe avec les capitalistes, elle provoque invariablement l’abstention. En France lors des derniers scrutins nous avons pointé cette abstention qui augmente. Pour nous c’est l’indicateur d’une société qui ne donne plus confiance aux pouvoirs politiques, que l’espoir porté par les citoyens pour la société se tarit.
Les repères de gauche, de classe, sont volontairement plongé dans l’oubli par les partis dominants. La droite et son extrême sont alors en position de cueillir l’électorat populaire abandonnés par les partis dominants. Dans ce cadre le parti d’extrême droite, Aube Dorée, reconnu responsable de l’assassinat d’un militant anti fasciste, progresse d’un siège de trop.
Les premiers mois de 2015 en Grèce avaient porté un message d’espoir et un programme politique ambitieux face notamment à l’Union Européenne. Une autre Europe semblait (encore) possible par le discours des dirigeants qui trouvait écho chez de nombreux de citoyens, bien au-delà de la Grèce d’ailleurs. L’accord signé au lendemain du référendum liquide littéralement nombre de conquis sociaux, multiplie les privatisations [1] et va bien au-delà de ce que le PAME dénonçait justement avant même le référendum. Cet épisode vient une fois de plus nous conforter dans le fait qu’il n’existe pas d’alternative ne serait-ce que vaguement progressiste dans le cadre de l’Union Européenne. Celle-ci broie, et ne fait que ça, un par un les peuples de l’Europe d’en bas.
Le débat que nous portons sur l’Union Européenne se trouve un peu plus marginalisé en dehors de l’hémicycle grecque car la formation issue de Syriza au lendemain du référendum, dont Yanis Varufakis fait partie, Union Populaire ; se retrouve sans siège, sans voix. Leur ancrage populaire et dans les luttes était-il suffisant ? On peut en douter au vu des résultats.
Les droites capitalistes, les gauches sociales démocrates et les organisations supra nationales (FMI, Banque Européenne, Eurogroup,etc...) de toute l’Union Européenne peuvent se penser confortées dans leur position et estimer avoir mené à bien leur Unième plan d’attaque contre le peuple. Leurs réactions de félicitations à Tsipras, celui-là même qu’elles invectivaient naguère, ne laisse guère de doute. Pour elles c’est sûr, la gauche « radicale » de janvier 2015 va porter le projet du capital...et tuer ainsi l’idée même de gauche ?
Le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, (Pseudo Socialiste, s’il en est...) a déclaré :
le vote de dimanche est un vote de maturité. Alexis Tsipras a fait sa mue. Il a choisi non pas l’austérité, mais la réforme"
Ces forces pensent ainsi laisser les travailleurs grecs sans armes dans la nouvelle phase de l’affrontement capital/travail qui s’annonce.
Le peuple poussé dans la rue
Le drame social, la situation économique et le rapport de force étant ce qu’il est aujourd’hui, n’incitent guère à un optimisme béat. Pour autant l’avenir ne se lit pas dans les boules, les cartes, ni dans les bulletins de vote. Comme le chante si joyeusement la compagnie Jolie Môme dans la rue a Aurillac, c’est dans la rue que ça se passe.
Le KKE [2] se maintient à un pourcentage et un nombre de sièges identiques. Droit sur sa ligne que nous avons détaillée notamment en janvier dernier, le parti, bien que loin de Syriza, maintient son ancrage. Preuve sans doute que la cohérence et la constance de ses positions le rendent moins dépendant que d’autres des fluctuations de l’électorat. Dans un contexte difficile, prônant la sortie de l’UE il continue de s’appuyer sur des valeurs de classes, celles-là même que d’autres, jusqu’au sein du PGE, ont rejetées.
Dans notre article de janvier, nous esquissions le difficile mais nécessaire combat qui allait s’imposer à SYRIZA et surtout aux grecs. Nous posions la question de savoir s’ils allait s’affronter au capital et à son cheval de Troie européen. Les dernières mesures, la stratégie choisie par SYRIZA et cette troisième échéance électorale nous amènent à nous dire qu’ils ont choisi un accommodement de la politique imposé par les banquiers.
A l’opposé, le KKE continue de mobiliser. Il ne progresse pas face au rouleau compresseur du camp d’en face, mais il constitue un point d’appui, une résistance face au capital.
Si Syriza, après le PASOK hier, est en train de tuer l’espoir (et c’est même le plus grand reproche que l’on peut faire à ces deux formations), le KKE et sa branche syndicale le PAME sont là pour maintenir aujourd’hui, même petite et vacillante, la flamme de l’espoir et le faire revivre en grand demain.
Le capital a gagné une bataille, il n’a pas gagné la guerre. La résistance du KKE et du PAME nous interdisent de noircir le tableau. Des drapeaux rouges flottent encore sur la Grèce.
De manière plus large c’est à nous tous de nous mobiliser, en solidarité bien sûr, mais aussi face aux même mécanismes et lois injustes qui enchaînent les travailleurs de toute l’Union Européenne. C’est à nous tous de porter le débat sur ce que doit être le pouvoir politique dans la société, la question des choix souverains dans l’Union Européenne et les rapports entre les peuples du monde.
A nous tous de remplir le réservoir de confiance des citoyens, de redonner l’espoir d’une société qui change.
A nous tous de continuer le combat ordinaire, comme le chantaient les Fatals Picards à la fête de l’huma.
Pour celles et ceux qui auraient un doute, Rouge midi n’est pas responsable du choix des photos sur la vidéo des Fatals Picards...
[1] les mesures prévues du mémorandum feraient des envieux dans les formations les plus à droite en Grèce ou ailleurs
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