Le trafic de femmes en pleine expansion
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Transmis par Linsay cet article à propos d’un rapport d’Amnesty International qui constate que la traite des êtres humains a décuplé en dix ans dans le pays est commenté par Eleni originaire de Grèce.
Des milliers de victimes privées de la protection dont elles ont besoin, leurs exploiteurs impunis et un Code pénal grec qui ne prévoit aucune sanction pour les clients qui se trouvent au bout de la chaîne. Le rapport sur la traite des êtres humains en Grèce publié le 12 juin par Amnesty International est aussi sévère qu’alarmant. Les autorités grecques ne peuvent s’en réjouir. Pays charnière entre l’Europe, les Balkans et le Proche-Orient, la Grèce ne peut manquer de servir de plaque tournante au trafic d’êtres humains à des fins de prostitution, mais elle ne semble rien décider pour lutter contre ce phénomène. Il y a pourtant du souci à se faire : ce commerce d’êtres humains, qui concerne principalement des femmes et des filles d’Europe de l’Est et d’Afrique, a décuplé en dix ans.
Amnesty International cite l’exemple caractéristique de l’année 2000, où 90 000 personnes auraient transité par le territoire grec dans le cadre de ce trafic. Les victimes sont principalement des femmes, qui sont de plus en plus jeunes. Triste constat, d’autant que les premières lois contre cette criminalité, qui n’ont été adoptées qu’il y a cinq ans, ne sont pas encore entièrement entrées en application. Les autorités grecques ne sont pas assez sensibilisées au problème et ne reconnaissent pas les victimes du trafic en tant que telles.
Les chiffres officiels évoquent 100 à 200 femmes et enfants victimes de ce trafic chaque année. Ces estimations sont largement inférieures à celles des organisations non gouvernementales grecques, reprises par Amnesty International, qui font état de milliers de victimes non reconnues. Toutes ces victimes ne sont donc pas protégées. Pis, ce sont elles qui sont poursuivies pour prostitution illégale et défaut de visa ou de carte de séjour. Elles sont donc souvent emprisonnées avant d’être reconduites à la frontière, toujours sans aucun droit. Ce manque de considération envers les victimes empêche également la police grecque de remonter la piste des trafiquants, sans même parler des clients. Selon les ONG, sur le millier d’arrestations annoncé par la police ces quatre dernières années, seuls dix ou quinze cas ont fait l’objet d’une enquête judiciaire, une seule condamnation définitive a été prononcée et un jugement est actuellement en appel.
Le système est trop lent, trop complexe. Enfin, depuis l’adoption des premières lois contre la traite en 2002, aucun client n’a été arrêté ! Quatre- vingts pour cent des femmes victimes de trafic sont violées puis envoyées et exploitées dans des bars lugubres où la prostitution est illégale mais permet aux trafiquants de rester loin du regard de la police. Contrairement aux maisons closes, tolérées dans le pays, ces bars sont pour les trafiquants un nid d’échange de “marchandise” en toute illégalité.
Cette situation jette une ombre sur la bonne volonté de la Grèce de mobiliser ses voisins albanais, bulgares et roumains afin de mettre en place avec eux des programmes de coopération anticriminelle. Dans ces trafics, des Grecs s’enrichissent en jouant le rôle de passeurs d’êtres humains.
Comment pouvons-nous le tolérer ? Amnesty International demande aux autorités grecques de faire preuve de davantage de vigilance. Mais est-ce la solution ? La police grecque n’est-elle pas elle-même la source de nombreux problèmes ? Relatons les faits qui se sont déroulés récemment à Athènes. Trois policiers en civil sont entrés dans l’appartement d’une immigrée moldave, employée de maison en situation régulière. Persuadés qu’elle était sous la coupe d’un réseau, ils lui ont demandé ses papiers avant de la conduire au commissariat.
Ils lui ont volé son téléphone portable, l’ont violemment frappée à la tête, puis, toujours sans raison valable, lui ont ordonné de se déshabiller et de regarder le mur, ont fouillé son sac, l’ont frappée à coups de pied et l’ont menacée de la renvoyer dans son pays d’origine si elle ne collaborait pas. Une fois libérée, elle s’est rendue à l’hôpital où les médecins ont constaté des lésions à la tête. Elle a déposé plainte le lendemain, mais à quoi cela sert-il ?
Article d’Ioanna Sotirhou dans Eleftherotypia du 22/06/2007
Transmis par Linsay
Quelques reflexions sur l’article ci-dessus
Par Eleni.
Les constats d’Amnesty international, sont une source riche d’informations. Certes, ils ne suffisent pas à imposer une solution au problème, mais néanmoins ils produisent le déclic d’une analyse. Si on arrive à comprendre comment on en est arrivé là, on peut par la suite supposer le début d’une vrai solution !
Bien sûr il y a la responsabilité de l’Etat, souvent l’absence. Bien sûr la responsabilité des clients, des petits et des grands trafiquants de la chair, des armes, des êtres humains - que ce trafic serve à la prostitution ou à l’esclavage moderne.
La Grèce est un pays qui se trouve aux portes de l’Europe. Un petit pays, avec une économie faible, peu industrialisé. Avec comme principale source de richesse le tourisme, l’agriculture, le transport maritime.
Concernant son rôle dans l’Europe, la Grèce doit préserver les frontières. D’un côté les autres pays des Balkans (Bulgarie, République de Macédoine, et Albanie, tous des pays hors Europe). De l’autre côté, elle se trouve face à une grande puissance économique, la Turquie. Et puis par le sud, il y a l’ouverture vers le Moyen Orient par le grand large méditerranéen.
Un petit pays avec peu de moyens pour pouvoir répondre aux exigences du grand capital européen.
Si je lis les constats d’Amnestie International sur le manque de considération des victimes de la prostitution importée, avec amertume, mais sans surprise du tout, c’est qu’en Grèce il y a manque de considération tout court, pour tous les problèmes et les victimes du système social du pays, qu’ils soient étrangers en règle, sans papiers ou grecs.
La première inquiétude des populations grecques c’est de subvenir à leurs besoins quotidiens, de survivre ! Des produits de base, sont pratiquement au même prix que dans les grands pays communautaires, avec un smic de 580 euros. Un nombre considérable de gens font deux boulots, au moins un « au noir », pour pouvoir s’en sortir.
Manque de fonctionnaires, structures inadaptées, manque de moyens. Les lois existent mais ne s’appliquent pas. Quand elles s’appliquent, l’application est souvent mauvaise, boiteuse, absurde. Souvent la seule solution pour que certaines lois puissent être appliquées, est de laisser monter le problème, jusqu’à son apogée, jusqu’à son éclatement total, le grand scandale, pour pouvoir demander l’aide internationale et des financements qui l’accompagnent. (Par exemple, le problème du traitement des malades mentaux en Grèce, a été mis au grand jour, suite à une enquête qui a fait la une du journal britannique « The Guardian », en 1984. La communauté internationale s’est alertée, et cinq ans plus tard, on a pu voir de substantielles améliorations, accompagnées de formation et d’une aide financière )
Je lis dans le constat de l’Amnesty international : « les premières lois contre cette criminalité (parlant du trafic de jeunes femmes à des fins de prostitution), ont été adoptés, il y a cinq ans, et ne sont pas encore entièrement entrées en application ». Mais parlons plutôt des défaillances du système pénal, social et carcéral. Parlons de moyens qui doivent être mis en place, de structures adaptées, de fonctionnaires qualifiés.
Mais aussi, de l’avancée du capitalisme, de la libéralisation des lois et des règles. Des règles du marché, des lois européennes et des accords bilatéraux qui se sont substituées au contrôle de l’Etat. Parlons de l’absence des lois territoriales, locales, qui laissent le terrain libre à ceux qui veulent imposer leur propre loi.
L’état étant absent, la démocratie disparaît aussi. La Grèce devient un pays de trafic et de transit. Les émigrés viennent souvent des pays plus pauvres, transitent par la Grèce par différents chemins (trafic, prostitution, esclavage, clandestinité), ayant la vision de partir plus loin, dans les grands pays de l’Europe. Souvent là où le système social est moins défaillant.
Responsabilités de l’Etat, certes. Mais aussi la faible syndicalisation, les grands partis politiques qui pratiquent le trafic d’influence, même et surtout, dans le service public, pour embaucher les copains. La petite mafia du quotidien, le bakchich au chirurgien, aux administrations. Ce que tout le monde pratique, mais que peu de gens dénoncent.
Une économie pourrie s’est installée, où la perspective de justice sociale a cédé sa place à la perspective de celui qui va se servir dans la gamelle de l’autre.
Tout ça a un nom. Simple à retenir, plein de sens, qu’on a voulu souvent remplacer mais dans le fond est unique et ça revient encore et toujours : Le capitalisme.
Certes la Grèce est un pays avec une histoire et pas la moindre. Certes c’est un pays qui a le premier inventé le mot « démocratie ». Des grandes idées comme celles de l’esprit olympique, des arts et des lettres. Le pays des grands intellectuels, des poètes, des musiciens. Un pays d’une solidarité et d’une hospitalité sincère. Mais la Grèce maintenant a perdu ses capacités politiques. Elle s’est désintégrée dans l’impérialisme européen, dont elle constitue le triste reflet...
Eleni
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