Le Mondial 2010 une opportunité pour les putschistes
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Alors que la mascarade de la coupe du monde 2010 vient de commencer en Afrique du Sud (voir « Coupe du monde de football : passion, diversion, répression »), Oscar Estrada cinéaste indépendant hondurien s’inquiète de la manipulation de l’engouement national pour le foot que fera certainement le gouvernement de ’Pepe’ Lobo pour écraser la résistance populaire.
Et cette vision pessimiste est malheureusement confortée à la fois par l’usage qui avait été fait de la coupe du monde 78 par la junte argentine et l’augmentation des meurtres et des exactions contre l’opposition populaire depuis que Lobo est au pouvoir.
Le 28 juin prochain, si l’équipe de foot hondurienne est toujours en lice, il faudra porter un regard attentif et perçant sur le Honduras. Car à ce moment là le premier anniversaire du coup d’État risque fort d’être l’occasion d’une grande vague de répression à travers tout le pays.
Les vacances du Loup et de ses agneaux quand le monde a les yeux tournés vers...
Je ne pensais pas écrire sur ce sujet, c’est vrai, je voulais prendre une certaine distance avec le sujet et éviter de gâcher l’une des rares distractions du peuple hondurien. Mais il est impossible de ne pas commenter l’effronterie de la classe gouvernante, qui dans un manque de respect incroyable, 100 grands fonctionnaires, monsieur Lobo y compris, son épouse, ses 3 [vice-présidents] désignés, le président et les vice-présidents du congrès national,les ministres et vice-ministres ont pris 15 jours de vacances, après seulement 3 mois d’exercice du pouvoir, pour aller en Afrique du Sud tous frais payés par le trésor public et pour voir, (parce que voir par soit-même est toujours mieux que se le faire raconter), l’équipe du Honduras, ou l’H, comme l’appelle les médias.
Il est certain, que comme beaucoup de Honduriens qui sont dans la résistance j’aimerais voir le Honduras gagner, se glisser victorieusement entre les meilleures sélections du monde et qu’un peu d’orgueil soit redonné à ce peuple qui vit plein de mauvaises nouvelles. Mais je ne peux pas. Alors que les médias internationaux informent d’un Honduras au pouvoir vacant, ils oublient de mentionner que Pepe Lobo n’a gouverné à aucun moment, ce n’était pas son travail, il a été engagé pour apparaître devant la chambre et pour se faire voir, avec un sourire collé sur le visage alors que les autres nettoient le terrain. Les autres, les personnages obscurs qui se cachent dans l’ombre pour conspirer contre ce peuple digne, pour torturer, pour tuer notre espoir.
Nous savons que ce Mondial, plus que tout autre dans l’histoire, sera utilisé de manière sinistre contre notre peuple. Le show qui se monte avec la complicité de la presse nationale et étrangère, me rappelle ce jour d’août, où tandis que dans les maisons, les bars, les restaurants, les rues, les trottoirs et les bureaux on célébrait les buts de la sélection, des dizaines de personnes souffraient des tortures dans le sous-sol du congrès national pour être transportés peu après dans les cachots humides du bataillon des Cobras [1] : parce que leurs cris pouvaient gâcher la fête footballistique de Micheletti.
Tout à fait comme cela c’est passé il y a 32 ans, en Argentine, quand la dictature a profité de la fête du Mondial 78 pour faire disparaître des milliers de citoyens. Adolfo Perez Esquivel, prix Nobel de la paix 1980 qui a été détenu arbitrairement durant 14 mois nous rappelle comment “Dans la prison, comme les agents voulaient aussi écouter les match, les commentaires de la radio nous arrivait par des haut-parleurs. C’était étrange, mais dans un cri de but nous nous unissions les agents et les prisonniers. Cela me donne la sensation qu’à ce moment, au-delà de la situation que nous vivions, c’était le sentiment pour l’Argentine.”
C’est pour cela que je ne me peux me réjouir. La Résistance hondurienne est dans un intense processus d’organisation. Pratiquement dans chaque coin du pays nous apprenons à travailler ensemble, à débattre, à discuter de politique et à approuver à la majorité ce projet complexe de refondation du pays. Cette force, avec nos avancées et nos reculs, on ne peut l’arrêter qu’avec la terreur.
Et c’est pour cela qu’on a fait sortir les Forces armées, ceux qui profitent d’une accusation suspecte de monsieur Lobo qui disait cette semaine qu’il “se préparait un coup d’État contre lui”, sont redescendus dans les rues, pour soit-disant combattre le crime organisé, mais ils envahissent les villages et les hameaux dirigeant leurs armes contre le peuple comme s’ils se préparaient à quelque chose de plus important.
Pendant ce temps, le lundi 14 les 3 centrales ouvrières indiqueront ce qu’elles vont faire par rapport au salaire minimum qui a dû être défini par le gouvernement en décembre dernier [2] et que Lobo Sosa a évité d’appliquer pour ne pas irriter l’oligarchie. Ils lanceront certainement un appel à la Grève, je crois que c’est la seule possibilité qu’ils ont. A la Choluteca le peuple a pris la mairie d’une commune en protestation contre l’attitude effrontément corrompue du maire et indiquent qu’ils se tiennent prêt à résister contre l’armée, jusqu’à ce que le maire soit destitué.
Nous sommes à deux semaines du premier anniversaire du coup d’État. Si la sélection hondurienne arrive à se classer pour le second tour elle jouera le 28 Juin. Ce même jour, des centaines de milliers de Honduriens seront dans les rues et feront savoir au monde qu’ici personne ne se rend, et que cette équipe elle appartient aussi au patron.
Source:Habla honduras "Las vacaciones del Lobo y sus corderos cuando el mundo con los ojos sobre..."
Traduction : Primitivi
[1] Les Cobras : la section commando de la police anti-émeute. Qui peut-être comparable au GIPN français, même si les Cobras ressemblent bien plus à un bataillon militaire.
[2] Le salaire minimum est une décision prise sous le gouvernement de Zelaya en 2009, il devait être mis en place en décembre et appliqué début 2010. Avec le coup d’État et l’arrivée de Porfirio Lobo Sosa au pouvoir ce projet a été complètement gelé.
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