Franck, menacé de licenciement parce que CGT :« je reste très combatif et optimiste »
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Interview de Franck MEYNIER, salarié de Carrefour et militant syndical menacé de licenciement
Et de Florence FALANGA, Déléguée Syndicale de la CGT de Carrefour Le Merlan.
RM : Tout d’abord, que se passe-t-il a Carrefour Le Merlan ?
Florence : Notre camarade Franck MEYNIER, salarié de carrefour sans problème depuis 11 ans, subit des pressions pour ses convictions syndicales. Franck milite à la CGT depuis plus de deux ans, et depuis les pressions contre lui ne cessent d’augmenter à mesure que son implication syndicale se renforce.
La direction le surcharge de travail, il est victime de harcèlement de la part de sa hiérarchie voire même parfois d’attaques personnelles. Son manager dénigre son travail manifestement devant les commerciaux extérieurs.
Franck a reçu une convocation pour un entretien préalable à licenciement Samedi 26 Septembre à la grande surprise générale. Son entretien doit avoir lieu le Vendredi 9 Octobre.
Qu’ont-ils à reprocher à Franck, d’après-vous ?
Florence : D’être militant CGT tout simplement et de connaître et défendre ses droits...
Franck est irréprochable dans son travail, tous ses collègues et ceux qui le connaissent peuvent le dire. Il vient à l’heure tous les jours, part à l’heure, respecte le règlement intérieur, sa hiérarchie et ses collègues.
C’est un militant qui ne se cache pas. Il est là à toutes les manifestations CGT et participe à toutes les grèves. Il affiche ses convictions au grand jour et tout le monde dans le magasin et même au-delà connaît son engagement syndical.
Nous verrons bien la raison officielle le jour de la convocation, mais nous ne sommes pas dupes de la réalité.
Franck, comment te sens-tu par rapport à cette situation ?
Franck : Ils veulent me pousser à la dépression, c’est clair, mais je reste très combatif et optimiste...
J’ai confiance à mes camarades de la CGT.
Ça me choque quand je repense à l’époque où je n’étais pas encore militant à la CGT. Ma hiérarchie ne cessait de me faire des éloges sur mon travail, mon rayon, ma gestion. Depuis que je milite et que je le fais savoir, les relations avec ma hiérarchie se sont nettement dégradées, mais surtout depuis quelques mois. Depuis la bataille contre la dernière transformation de notre magasin qu’ils appelaient « ESSENTIEL », la tension est palpable. On manque cruellement de bras et la direction est de plus en plus exigeante envers nous. Cela ajoute au climat anxiogène dans les rayons.
Avant, on était prêts à rendre service dans le travail quand il manquait du monde. Maintenant, cela devient systématique et c’est devenu normal dans la tête des managers. On marche à flux tendu tous les jours, et tout ça pour le même salaire. Et bien sûr, on tire sur la corde des travailleurs, surtout sur les personnes qui ne se laissent pas faire.
L’ambiance dans le magasin s’est largement dégradée.
En ce qui me concerne, la hiérarchie me harcèle depuis plus d’un mois intensément. Tous les jours je viens travailler avec la boule au ventre et je rentre avec le cœur qui bat la chamade en repensant à ma journée de travail. Un jour, en rentrant chez moi, j’ai craqué. J’ai envoyé un texto à mon manager pour lui dire d’arrêter de me harceler car je n’en pouvais plus. Vous imaginez vous ? J’ai plus de 50 ans, et lui en a tout juste 35. Il pourrait être mon fils et il me manque de respect tous les jours !
Je lui ai dit dans ce message que j’étais un père de famille respectable et qu’il fallait arrêter de tirer sur la corde car ça allait mal finir. En réalité, c’était un message de détresse après un mois d’acharnement.
C’est dur pour moi de raconter tout ça en public. Je suis quelqu’un de fier. Mais là c’est allé trop loin !
Quand j’ai reçu mon courrier pour une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement, c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai une colère en moi que je ne pourrai pas vous expliquer. Mais je suis déterminé à me battre car je n’ai rien à me reprocher et je ne vais pas courber l’échine pour mon appartenance syndicale. Je veux laver l’affront et restaurer mon honneur.
Ils rêveraient que l’on devienne des esclaves dociles, mais jamais je ne leur donnerai satisfaction.
Comment les collègues prennent-ils la nouvelle ?
Franck : Mal. Déjà que la situation était tendue, là, les collègues sont révoltés. On dirait que la direction a mis le feu aux poudres. Je suis d’ailleurs impressionné de la solidarité dont fait preuve la majorité des collègues. Beaucoup de gens m’apprécient dans le magasin et beaucoup m’ont interpellé pour me montrer leur soutien. Cela m’aide vraiment à tenir bon.
Florence : J’ai eu beaucoup de retours de salariés m’indiquant leur soutien et leur solidarité. Les salariés sont conscients que ce qui arrive à Franck peut arriver à n’importe quel salarié si on laisse faire. On est dans un magasin où les salariés ont pour habitude de faire preuve de solidarité entre eux.
N’y a-t-il pas un lien avec l’histoire d’Amir [1], il y a deux ans ?
Florence : Je pense que oui. Lui aussi était un syndiqué CGT et tout le monde le savait. À travers les salariés, ils essaient d’atteindre la CGT. Le seul syndicat qui défend réellement les droits des salariés dans le magasin.
Franck : Bien sûr qu’il y a un lien. Ils veulent reproduire l’histoire.
Cette histoire est un mal pour un bien au final. Il faut qu’ils comprennent que les travailleurs ne sont pas des objets qu’on utilise puis qu’on jette quand on a fini.
Florence : Grâce à l’action syndicale et la solidarité, Amir est toujours parmi nous et touche un salaire. Le manager qui l’avait pris en grippe a été licencié par la suite... C’est ce qui pend au nez du manager qui met la pression à Franck.
Pensez -vous qu’il y a autre chose derrière la convocation de Franck ?
Florence : En vérité, on le sait bien, c’est toute la grande distribution qui est en transformation. Nous avons subi déjà l’année dernière une très grosse restructuration qui a permis à Carrefour de supprimer des emplois, de réduire la surface du magasin, de supprimer beaucoup de produits que l’on vendait bien. Ceci a entrainé un service dégradé et la perte de nombreux clients.
De nouveaux projets font leur apparition dans notre magasin. Le dernier en date consiste à la mise place de la polyvalence à outrance, à la chasse aux temps morts et d’autres dispositions qui dégradent considérablement les conditions de travail des employés et continuent de supprimer des emplois. Ils appellent ça le projet « TOP » ... Encore une occasion d’économiser sur le dos des salariés en prétextant que le magasin ne fait pas suffisamment de chiffre d’affaires.
Vous entrez dans un conflit Vendredi, comment voyez-vous la mobilisation ?
Florence : La raison principale de la mobilisation est évidemment due au courrier que notre camarade Franck a reçu, mais nous avons bien d’autres raisons de mobiliser...
Les salariés sont en souffrance depuis trop longtemps. Nous subissons un sous-effectif cruel dans tout le magasin, notamment dans les secteurs clefs du magasin comme le secteur caisses qui est dans un état déplorable. L’outil de travail est délabré et à l’abandon. Carrefour n’investit plus dans le matériel. Les services sont de plus en plus restreints, même des services essentiels comme le service technique, la sécurité ou encore le nettoyage. Le recours aux prestataires et à l’intérim est abusif. On ne peut pas fonctionner comme cela et tout le monde le sait. Il faut que cela cesse.
Donc Vendredi, notre lutte ne s’en tiendra pas qu’à Francky. Nous nous battrons aussi pour l’amélioration de nos conditions de travail, pour des embauches et ne nous arrêterons pas avant d’avoir obtenu gain de cause.
RDV Vendredi 9 Octobre à 10h00 À Carrefour Le Merlan !
HORS ENTRETIEN : L’ANC, qui est de toutes les batailles et soutient toutes les luttes des travailleurs, appelle ses membres à se rendre massivement au rassemblement à l’initiative de la CGT de Carrefour Le Merlan en solidarité avec Franck MEYNIER. Outre son engagement syndical, Franck MEYNIER dédie également son temps au militantisme politique. C’est un adhérent de l’ANC depuis quelques mois après avoir été sympathisant durant plus d’un an. C’est à plus forte raison que l’ANC doit être présente pour participer à défendre Franck du mieux qu’elle pourra. |
Les Carrefour avec Amar LAGHA secrétaire général de la fédération commerce CGT, le 2 octobre à la marche pour l’emploi à Avignon
[1] Amir syndiqué CGT devait être licencié par la direction de l’époque. Le blocage du magasin par les salarié-e-s en grève a fait reculer la direction NDLR
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