Rue du Sud : le procès
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C’est le 6 avril qu’avait lieu le procès des haitants du 12 rue du Sud. Papier d’ambiance par Angélique Schaller paru dans La Marsellaise du lendemain.
« Là pour parler de droit »
C’EST à 16h15 qu’a commencé l’audience sur l’assignation en référé par la ville de Marseille des familles installées 12 rue du Sud depuis décembre dernier.
Depuis deux heures, quelques familles, des militants et de rares élus(1) attendent patiemment devant le tribunal, une attente égayée un temps par les jeunes faisant un crochet de soutien dans leur périple de protestation dans les rues de la ville.
Pour l’avocat de la mairie, Me Chiche, l’affaire est entendue : « il y a eu infraction pour entrer ce qui est un délit et un squat ce qui est illégal ». C’est là le contenu juridique de sa plaidoirie qui s’est ensuite largement développé sur « la dimension politique ».
Stigmatisant le meneur Charles Hoareau, « président d’honneur et salarié à la CGT », qui « manipule » des familles rapidement classées dans la catégorie des « mauvais squateurs » puisqu’ils « ont, pour beaucoup, un travail et de nombreux enfants - j’ai ici des livrets de familles épais de dix pages - et qui touchent donc des allocations ». Après avoir précisé que « la ville n’était pas responsable si ces gens ne trouvent pas de logement », Me Chiche a du répondre à la Présidente, Mme Gaudin, qui interroge : « à quoi est destiné cet immeuble ? » La réponse tombe : « le céder à un Centre d’action sociale communal pour en faire des logements relais dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne ».
Non seulement l’argument surprend Me Sanguinetti, avocate des familles, qui n’a reçu « aucun document attestant de cela », mais il interpelle aussi Annick Boët, présidente du groupe communiste à la Ville de Marseille qui commente après l’audience : « cela n’a jamais été acté en conseil municipal ce qui est la procédure légale ».
« Je ne suis pas là pour faire pleurer dans les chaumières mais pour parler de droit » a d’emblée précisé Me Sanguinetti. Après avoir rappeler les faits : « un immeuble dégradé, inoccupé, dont on ne sait que faire, que l’on propose à la vente pour 200.000 ââ€Å¡¬ mais qui décline la proposition d’achat à l’association de la rue du Sud à qui on refuse aussi tout bail », l’avocate a donc parlé de droit.
Violation de domicile ? « La jurisprudence s’est exprimée sur le sujet : un logement insalubre n’est pas considéré comme un domicile ». Aucun droit sur un squat ? « La cour européenne a statué sur un homme qui dans un lieu squatté a vécu un drame : elle l’a indemnisé pour le préjudice moral mais aussi pour les pertes matérielles ».
Et de poursuivre : « je ne parle pas de droit à la propriété mais de droit au logement. Je voudrais que l’on soit clair, que l’on me dise une fois pour toutes si la loi de lutte contre les exclusions et la loi Solidarité et Renouvellement Urbain ne s’appliquent pas ». Estimant qu’il « n’y a pas de troubles à l’ordre public » - les appartements rénovés par les familles ne présentant aucun danger, le quartier ayant manifesté sa solidarité par écrit et la ville n’ayant pas de projet « officiel » en cours - Me Sanguinetti a donc demandé à ce que la présidente se dise incompétente pour que la question ne soit pas jugée en référé mais sur le fond.
Mme Gaudin a largement invité les parties à une « médiation », une proposition immédiatement refusée par l’avocat de la mairie(2). Mais la présidente a insisté, rappelant que « cela ne portait que sur trois mois ». A défaut de médiation, le délibéré sera rendu le 18 mai.
Angélique SCHALLER
1/ Annick Boët présidente du groupe communiste à la mairie de Marseille, et les élus communistes Joël Dutto, Marie-Josée Cermolacce et Mireille Mavrides.
2/ Annick Boët a, dès hier, envoyé un courrier à Jean-Claude Gaudin pour lui « demander d’accepter cette proposition de médiation autant dans l’intérêt des habitants que celui de notre ville ».
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