Derrière les paysages, des hommes (IV)
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Comme l’an dernier Rouge midi vous emmène Sur les Chemins du Monde.
Rendez vous chaque samedi avec les terres sauvages d’Amérique du sud…
Rencontre fortuite intemporelle
Un soir plutôt saoulés par le vent et le froid, nous refusons de rentrer à la tente, pour cuisiner avec bonnet et gants. Nous décidons d’aller manger au restaurant. Après quelques recherches nous trouvons un petit boui-boui (si si c’est français !), un peu en dehors du village, fréquenté uniquement par des argentins.
Au cours du repas un personnage prend un micro et se met à chanter. Il chante du tango et avec cœur s’il vous plait. Il chante et le patron se fait un plaisir de l’accompagner.
Nous voilà tout étonnés et ravis du spectacle improvisé, mais ça se complique : ça vient à notre tour de chanter...
Il nous propose Balavoine, Joe Dassin… sans commentaires.
Sébastien, un compagnon de route, a plutôt : I AM, et la Mano Negra pas forcément facile...
A reculons d’accord, mais, une fois choisi notre répertoire, nous y allons quand même. Et nous voilà chantant au milieu du resto, des versions que, j’espère, Brel n’a pas entendu la haut...
Après le massacre de quelque fleurons de la culture française ce curieux personnage qui nous pousse à chanter, s’invite à notre table nous parle du tango et de ses origines, des peuples qui ont fait, ce pays, l’Argentine.
Il nous parle de sa région qui le passionne tant qu’il nous supplie d’y rester plus de temps, à parcourir les montagnes à ramasser les calafatés (on sait toujours pas vraiment ce que c’est, surement des sortes de myrtilles) [1], à chanter du tango à boire du maté. Nous étions venus ici, chercher des paysages, des montagnes loin du gris, une sorte d’image. On découvre que ce pays, nous donne bien d’autres choses : une langue, une culture, en fait, surtout des hommes.
Feliz navidad !
Ça avait pourtant plutôt mal commencé
Après avoir passé la nuit dans une sympathique auberge de Puerto Cisnes, petit port situé dans le nord de la Patagonie chilienne au bout de 4 heures de piste dans une forêt pluviale (une autre façon de dire jungle froide), autrement dit au milieu de nulle part, nous nous retrouvons de bon matin sacs au dos, sous la pluie, sans savoir si le bateau que nous espérons prendre le soir même à minuit serait au rendez-vous ou si nous allons devoir en prendre un autre le lendemain à 14 heures (beaucoup plus cher).
Je vous épargne notre journée d’errance d’abri en abri, ne sachant où aller et que faire de nos sacs, un 24 décembre dans une ville déserte. En désespoir de cause nous décidons d’aller cacher nos sacs dans le jardin de l’auberge où nous avions passé la nuit précédente (les propriétaires nous avaient dit qu’ils seraient absents), mais à peine entrés dans le jardin, surprise, la porte s’ouvre !
Confus nous essayons d’expliquer notre présence, mais l’homme jovial nous fait entrer nous offre une bière et nous propose de rester manger. Nous sommes un peu gênés, craignons de déranger, mais sa femme arrive et réitère l’invitation, que nous acceptons avec soulagement. Plus légers nous partons faire quelques courses, quelques trucs à grignoter pour le voyage en bateau (qui entre temps s’est confirmé) et du vin pour nos hôtes. Et surtout chercher un téléphone pour appeler en France En vain. Après avoir traversé toute la ville nous nous asseyons sur la plage, l’un comme l’autre nous sommes un peu las de cette dure journée, et la pensée de nos familles réunies pour Noël n’arrange pas notre moral.
Un peu moroses donc, nous contemplons le fiord sous cette lumière si particulière de la fin du jour en Patagonie, quand émerge de la surface... un aileron... et puis deux...des dauphins !
Majestueux tout en grâce et en fluidité ils traversent quelques fois la baie sous nos yeux ébahis et s’évanouissent dans les eaux du fjord redevenu limpide comme un lac. Nous repartons vers l’auberge, heureux de ce cadeau aussi inespéré que peu commun.
Mais un autre cadeau nous attend, l’hospitalité de ces gens qui nous accueillent à leur table, avec leur famille, un soir de réveillon. Ce fut très simple et très sympathique, nous avons beaucoup parlé malgré nos difficultés avec la langue et beaucoup ri souvent à cause de celles-ci. Nous nous sommes réellement sentis accueillis et c’était ce dont nous avions besoin ce soir-là.
Peu avant minuit, nous décidons de partir pour les laisser ouvrir leurs cadeaux en famille. Quelle surprise de voir notre hôte décrocher son portable et appeler notre bateau pour s’assurer qu’il n’a pas de retard et que nous n’allons pas l’attendre trop longtemps dehors sous la pluie. Pas de retard nous sommes donc autorisés à partir mais c’est au tour de notre hôtesse de m’entrainer vers la cuisine et de me tendre un tupperware contenant de la viande et des pommes de terre, (et même 2 fourchettes) : notre repas pour le lendemain sur le bateau...
Confus et touchés par toutes ces attentions nous avons du mal à trouver les mots pour prendre congé et les adieux s’étirent jusque sur le perron de la maison.
Nous avons marché vers notre bateau avec le sentiment d’avoir trouvé une famille d’un soir, le cœur plein de gratitude envers ces gens si généreux et plein de remerciements pour ce Noël si particulier et tout ce qu’il nous a appris.
[1] En fait le Calafate est un arbuste épineux aux fleurs jaunes et au fruit violet auquel il a donné son nom NDR
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