Au delà des textes (II) L’Union Européenne contrepoids des USA ?
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En 2005, lors du débat sur la constitution européenne, nous avions été amenés à produire un ensemble d’articles de réflexion sur la nécessité ou non de construire une UE, la possibilité de réorienter sa construction et surtout la possibilité de construire une société de progrès dans chaque pays membres de cette union-là.
Nous reproduisons aujourd’hui ces articles en les actualisant si nécessaire bien qu’ils n’aient pour nous pas perdu grand chose de leur actualité. 7 ans après les questions demeurent et ont même pris de l’ampleur :
peut-il y avoir un bon traité ?
faut-il une Union Européenne ?
Après le 1er texte consacré à la nation nous poursuivons ici la série annoncée d’articles pour mener de concert bataille unitaire pour la victoire du NON et approfondissement de la réflexion sur le fond de ce qui est en jeu. Evidemment ces articles sont pour nous des contributions au débat qui doit avoir lieu et appellent donc critiques, enrichissement, réponse, voire contradiction.
L’UE contre poids économique et politique aux USA :
Cet argument a pris beaucoup de plomb dans l’aile ces dernières années et ce, bien avant que Sarkozy ne se place en valet zélé des USA. Le conseiller de G BUSCH pour l’Europe déclarait en pleine tourmente Ukrainienne : « Pour que l’Ukraine s’en sorte il faut que le plus rapidement possible elle rentre dans l’OTAN et adhère à l’Union Européenne »...De même lors d’une visite en Europe à Bruxelles G Bush n’a-t-il pas clairement dit son souhait d’une « Europe » forte (en réalité une Union Européenne forte) ?
Sur ce point Obama n’a pas démenti son prédécesseur et cela s’est particulièrement lors du traitement de la crise en 2008 ou dans les positons respectives sur le Moyen Orient où l’o peut parler de complémentarité...
On citait souvent en 2005 comme argument pour le NON le fait que si la constitution était déjà adoptée la France aurait été dans l’obligation de s’engager dans la guerre en Irak pour la conjonction de deux raisons : la constitution européenne aurait enlevé à la France son libre arbitre sur cette question et le poids de l’impérialisme est fort sur notre continent. Cela est vrai mais on pourrait en prendre d’autres.
Comment imaginer une Union Européenne indépendante politiquement des USA quand sa constitution prévoit un alignement de sa politique militaire sur l’OTAN ? Nous ne sommes plus au temps d’un De Gaulle rêvant de la construction d’une 3e superpuissance - ce qui n’était de toute façon pas une garantie pour la paix - mais dans une construction alignée sur les intérêts capitalistes mondiaux tels qu’ils sont régulièrement redéfinis lors des G8.
L’ EURO dont le taux a été fixé pour être au niveau du Dollar ne protége ni de la fuite des capitaux, ni des délocalisations, ni de la pénétration américaine grandissante sur le territoire. La pénétration des marchés américains est telle qu’aujourd’hui les USA sont le 1er investisseur de la région Ile De France qui représente 1/4 de la population française [1] et ce n’était ni le cas quand l’UE s’est mise en place, ni un processus fatal.
L’or n’étant plus l’étalon mondial la « santé économique » française (au sens capitalistique du terme santé économique) est dépendante directement des soubresauts du dollar et du déficit chronique américain. Pire la mise en œuvre de l’Euro, outre le fait qu’elle a retiré à la nation la maîtrise de sa monnaie et donc d’une grande part de ses choix budgétaires, a eu des conséquences directes sur la vie des gens. Le chômage n’a cessé de grandir dans la zone euro et le pouvoir d’achat n’a cessé de fondre. A contrario les trois pays qui n’ont pas adopté l’Euro (Danemark, Suède, Angleterre) ont un taux de chômage moitié moindre que la France.
Il est intéressant à ce propos de lire la tribune parue le 15 janvier 2005 dans Le Monde, rédigée par deux économistes partisans de la construction européenne actuelle et aboutissant à la conclusion que le retour aux monnaies nationales était inévitable au moins pour certains pays de la zone Euro : « Le contraste est saisissant avec les économies des pays dits « eurosceptiques » - Royaume-Uni, Suède et Danemark -, qui partagent des taux de chômage notablement plus faibles, des taux de croissance plus élevés et des déficits budgétaires très limités (quand ils ne connaissent pas un excédent budgétaire). Conclusion : à ce jour, la monnaie unique n’a guère enrayé le malaise économique européen et l’on ne peut manquer de s’interroger sur son éventuelle responsabilité dans les difficultés économiques actuelles de la zone euro. [....] L’élargissement en bloc de l’UE à dix nouveaux pays d’Europe de l’Est ne fera qu’affaiblir davantage un attelage déjà bien branlant. Si traumatisant que cela soit de restaurer certaines monnaies nationales - pas nécessairement toutes -, certains pays, notamment les plus petits, pourraient décider d’abandonner l’euro. » [2]
Et cela date d’il y a 7 ans donc bien avant ce qui se passe en Grèce ou en Espagne aujourd’hui...qui était donc prévisible...
Dans le même ordre d’idée une étude récente de « Que Choisir » a mis en évidence une forte augmentation des prix depuis l’Euro. Si la CGT avait conservé son indice des prix il y a fort à parier que la démonstration aurait été plus flagrante encore. Ainsi un directeur régional de la grande distribution en PACA a-t-il pu observer une baisse de la consommation de l’ordre de 30% sur les produits alimentaires dans les mois qui ont suivi la mise en place de l’Euro.
De même dans toutes les instances internationales qu’il s’agisse de l’OMC, de l’AGCS ou à l’ONU, l’Union Européenne ne s’oppose pas aux Etats Unis mais s’aligne sur ceux-ci quand il s’agit de défendre les intérêts des pays du Nord contre ceux du Sud.
Plus l’Union Européenne se renforce plus nous nous rapprochons du mode, de vie, de pensée, de fonctionnement de la société américaine au détriment des valeurs de solidarité mises en avant tout au long de notre histoire sociale et en particulier par le CNR : fonds de pensions à la française, tolérance zéro, appauvrissement du débat politique et recul de la perspective du changement de société, marchandisation de la culture et du sport...
L’UE n’est pas un contrepoids de l’empire américain dans l’intérêt des peuples, mais elle est un état impérialiste en construction tantôt allié, tantôt opposé aux USA, sur la base des intérêts des multinationales ce qui en soi est une menace pour la paix dans le monde. Est- ce que l’on compte sur Coca Cola France pour combattre l’hégémonie américaine ? Est ce que la concurrence BOEING /AIRBUS profite aux salariés ? Bien sur pour l’instant l’un emploie des salariés en Europe et l’autre en Amérique du nord, mais est ce que cela va empêcher qu’ils délocalisent un jour une part des emplois dans des pays du tiers monde ? Ne connaît-on pas de multiples exemples de profits réalisés à un endroit de la planète et réinvestis à un autre endroit avec comme seul critère la rentabilité maximum ?
Le capitalisme n’a pas plus de patrie qu’il n’a de morale. Un véritable contrepoids passerait par le développement d’industries et de services nationalisés, échappant par là même au pouvoir des multinationales, ayant d’autres critères de gestion et de fonctionnement. C’est ce qui est en question en Amérique du sud avec des pays comme le Venezuela, qui n’ont pas une conception des relations internationales prenant la forme de carcans mais d’alliances pour le bien des peuples et qui là s’opposent à l’impérialisme américain. Force est de constater qu’en Europe nous n’en sommes pas là...
[1] 7 ans après le phénomène s’est encore amplifié. Les USA sont le 2e investisseur étranger en France en 2011 ’source www.invest-in-france.org )
[2] Anthony Gribe banquier d’affaires et Laurent Jacque professeur de finance internationale.
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