Quelle éducation pour nos enfants dans un monde qui change ?
popularité : 5%
Le Burkina, à l’instar des autres pays du monde, commémore le 15 mai de chaque année, la Journée Internationale de la Famille. Le thème qui a été choisi à cet effet cette année est : « Les jeunes et la famille : défis dans un monde qui change ». Serges Gaétan Combary, administrateur des affaires sociales voudrait apporter à travers cette réflexion sa contribution aux débats suscités par le thème.
Les pressions de la vie moderne ont mis la famille dans une situation difficile, la plongeant dans l’instabilité, changeant sans cesse sa configuration et suscitant des interrogations sur sa capacité à accomplir à l’avenir sa mission de cellule de base de la société, lieu privilégié d’intégration de l’individu dans cette société. De ce fait, les personnes qui veulent fonder une famille de nos jours, avoir des enfants et s’occuper de leur éducation rencontrent de nombreux obstacles et doivent faire face à des défis de taille.
Le premier défi me parait celui de la présence éducationnelle des parents, si indispensable au développement des jeunes, à l’éveil et au développement de leurs facultés intellectuelles, en particulier de leurs créativités et de leurs capacités de socialisation. Ce qui était le rôle traditionnel de la famille à savoir l’éducation, se réalise de moins en moins : le temps que les parents passent avec leurs enfants diminue de plus en plus. Le problème n’est pas tant le fait que les parents restent trop longtemps au bureau.
Cette absence n’est pas compensée par une présence plus grande de la mère, tout au contraire. Un nombre sans cesse croissant de mères travaillent hors du foyer, contraintes en général par les besoins matériels. Mais le phénomène le plus marquant à ce niveau semble être l’absence d’un des parents, soit que le couple est séparé, soit qu’un des parents a été muté ou, pour trouver du travail, a du s’éloigner du foyer. Le vide laissé par les parents dans la vie des jeunes et des enfants est comblé par les média. Avec le déclin de la famille comme matrice socialisatrice du jeune, les média, surtout la télévision, tend en effet, de plus en plus, à être la source d’influence principale dans la vie de ces derniers. Cela engendre d’énormes conséquences sur les jeunes : ils sont exposés aux violences que véhiculent souvent certains films et émissions et risquent de s’identifier à des modèles négatifs.
Le deuxième défi, le plus angoissant à mon avis, se pose en ces termes : « quelle éducation donner au jeune quand tout change vite ? y compris les valeurs et les normes sociales ? » Autrefois, les changements survenaient très lentement, en s’intégrant progressivement dans les manières de vivre. De sorte qu’au long des générations, tout se transmettait, se reproduisait et se transmettait à nouveau.
Mais de nos jours, les changements arrivent par vagues rapides, bouleversant les cadres éducatifs anciens, les points de repère et d’ancrage et dévaluant les notions de devoir et de responsabilité sociale. La recherche de liberté individuelle et d’autosatisfaction est devenue une obsession. Dans ces conditions, comment savoir ? Comment savoir ce qui est bon comme valeur à inculquer au jeune, vu la « divertisse » et la succession des modèles d’éducation, des modes et des habitudes de vie ? D’où le désarroi et l’embarras des parents à l’idée de devoir transmettre des règles de vie et des valeurs à leurs enfants.
Le troisième défi est l’apprentissage des jeunes à la prise de décision et de responsabilité. Le développement de la famille s’inscrit nécessairement dans une perspective systémique. Tout bien considéré, les différents maillons du système familial que sont le père, la mère et l’enfant sont interdépendants pour leur épanouissement. Par conséquent, l’enfant jeune ou moins jeune, devrait jouer un rôle actif, au même titre que le père et la mère, exprimant librement leurs opinions, ayant leur mot à dire dans les affaires intéressant leur vie et leurs familles, en un mot, participant à la destinée de leurs familles respectives. Or, la réalité est tout autre. Les jeunes sont perçus comme des personnes à nourrir ou à loger. Souvent, ils ne sont pas considèrés comme des personnes à part entière de la famille. Les réalités sociétales sont en effet, telles que seuls les adultes ont le droit de prendre des décisions et de participer au développement de leurs familles.
L’instabilité de la famille, la réduction de la dimension de la famille avec l’émergence de familles monoparentales, la fréquente absence d’un des parents du domicile conjugal, l’incapacité des époux à inculquer des directives de vie et des valeurs, et la faible implication des jeunes dans la marche de la famille comportent des conséquences défavorables à l’épanouissement des jeunes et au fonctionnement harmonieux de la famille. Les spécialistes estiment qu’ils exposent les jeunes à des troubles psychiques. L’on noterait en effet, une difficulté croissante de ces derniers à s’insérer dans la société, faute d’une personnalité équilibrée et sûre d’elle-même. Au demeurant, les psychologues ont régulièrement mis en exergue le fait que la demission des parents vis-à-vis de leurs responsabilités éducatives laisse les jeunes à eux-mêmes, sans guide, ni soutien, sans boussole pour la vie, avec une liberté dont ils ne savent que faire, dans un triste état de vide moral qui ne facilite pas la prise de responsabilité.
Que faire alors ? Dans l’environnement social et économique du Burkina, le premier défi semble quasi-insurmontable. La plupart des spécialistes de l’éducation des enfants s’accordent à dire que les parents sont irremplaçables. Néanmoins, l’on pourrait envisager de créer et de développer un corps de métier d’éducateurs et d’éducatrices d’enfants et d’adolescents à domicile. Ces éducateurs vont jouer le rôle de substituts parentaux, en étant appelés à suppléer aux carences dans l’administration des rôles paternels et maternels subséquentes à l’absence d’un ou des parents. La rémunération des services rendus devrait être à la charge des demandeurs. L’éducation à la vie familiale me paraît aussi une alternative probante pour développer la responsabilité parentale. Les mêmes pistes de solutions valent aussi pour le troisième défi.
En ce qui concerne le deuxième défi, il me semble que dans ce monde sans cesse changeant, nous ne pouvons que chercher ce qui ne serait pas soumis aux fluctuations du temps, des modes et des habitudes. Précisément, ce qui serait indispensable pour qu’un enfant grandisse, qu’il soit solide, qu’il développe son autonomie, son sens de la responsabilité et du discernement, qu’il soit capable de s’aimer et d’aimer les autres. Cela signifierait qu’il faut assurer une sécurité de base à l’enfant, lui fournir des repères identitaires, mettre des limites à ses désirs et développer son imaginaire. L’on n’oubliera pas de développer aussi en lui des valeurs humaines et spirituelles. C’est au regard de tout cela que je voudrais souligner la pertinence et l’opportunité du thème de cette année. Bonne fête aux familles, aux parents et aux jeunes, bon courage et bon vent à la Direction de la Protection et de la Promotion de la Famille, qui travaille avec compétence et abnégation au développement de la famille.
Par Serges Gaétan COMBARY Administrateur des Affaires sociales Direction régionale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale de l’Est/Fada N’Gourma
Le Pays du 29/04/2010
Transmis par Linsay
Commentaires