Les révolutionnaires ne meurent jamais,

Les mémoires d’un guérillero palestinien
mercredi 25 juin 2008
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Bien peu de résistants palestiniens ont pu vivre assez vieux, et dans des conditions de sérénité qui leur permettent de publier leurs mémoires au soir de leur existence. C’est ce qu’a pu faire le leader historique du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), Georges Habache, invité en janvier 2006 par le journaliste Georges Malbrunot à confier son vécu dans une interview de près de 300 pages (sans compter les annexes).

Les mémoires de Georges Habache nous plongent en des époques que le Zeitgeist actuel tend à occulter complètement ou à figer dans des caricatures : la Naqba en 1947, la montée des mouvements d’émancipation du Tiers-monde dans les années 1950 (mouvement dans lequel s’inscrivait de plain pied le nationalisme palestinien), et les guerres israélo-arabes, la constitution du Front du refus (Libye, Syrie, Irak, OLP, Yémen, Algérie) face à la trahison égyptienne.

On peut y voir avant tout le portrait de la résistance palestinienne du point de vue de l’intransigeance : sévère à l’égard de l’esprit de compromis d’Arafat (dont il admirait cependant les qualités humaines), Habache n’a jamais cessé de défendre des valeurs démocratiques de la gauche révolutionnaire, hostiles à toute domination bourgeoise (celle des anciens colonisateurs occidentaux, et celle des dictatures arabes). Sur la question du sionisme, il n’a cessé de prôner la libération intégrale de la Palestine, le retour de tous les réfugiés, et la création d’un Etat laïque qui intègre sans distinction musulmans, juifs et chrétiens.

La vision de ce dirigeant historique du combat palestinien, auquel Malbrunot témoigne toute son estime dans la préface de l’interview, permet de mieux comprendre l’alternative, telle qu’elle est encore défendue par une bonne part de la gauche palestinienne, au pragmatisme du processus d’Oslo. Habache l’expose avec un certain franc parler sans en nier les échecs, et sans occulter le risque que présente pour elle la concurrence de l’islamisme, qui a le vent en poupe dans l’ensemble du Moyen-Orient depuis vingt ans. La franchise du Dr Habache, qui s’était forgé une réputation très respectable dans l’ensemble du monde en arabe, transparaît notamment dans cette confession finale : « De temps à autre, je me réveille la nuit en pensant à tout ce que je n’ai pas accompli durant ces cinquante années : le socialisme, la lutte armée, la récupération de nos terres… Parfois j’ai l’impression que je n’ai pas réalisé grand-chose ».

Ce livre n’est sans doute pas superflu pour dissiper auprès du grand public les amalgames souvent entretenus par les médias à propos des résistances armées, toutes volontiers assimilées à la violence aveugle d’Al-Qaida – on lira à ce propos avec intérêt les passages consacrés aux détournements d’avions dans les années 1970, évoqués avec beaucoup de nuances. Il est utile aussi pour rappeler la somme d’abandons et de coups de poignards dans le dos endurés par les fedayins palestiniens au cours des quarante dernières années de la part des gouvernements arabes, y compris, à différents degrés de leurs alliés Gamal Abdel Nasser, Mouammar Kadhafi, Hafez El-Assad. Par delà les divisions internes du mouvement palestinien, qui sont livrées sans masque par l’ex-responsable du FPLP, l’aspect majeur qui ressort du récit est finalement l’extrême courage de cette génération de dirigeants nationalistes qui tous ou presque ont tout donné, et risqué plusieurs fois leur vie (ainsi que celle de leur famille, le livre révèle notamment l’étonnante personnalité de Hilda Habache, l’épouse du narrateur) dans un combat de David contre Goliath, seuls contre presque tous les grands pouvoirs planétaires. L’historien quant à lui trouvera sans doute dans cet ouvrage – sous réserve de croisement des sources, notamment avec les archives écrites - des éclairages intéressants sur les relations interarabes, ainsi que sur les rapports des Palestiniens avec le bloc soviétique, ou avec des pays comme la France (dont le rôle, à l’occasion de l’hospitalisation d’Habache en 1991 à Paris, ne sort pas spécialement grandi).

Frédéric Delorca

Georges Habache, Conversations avec Georges Malbrunot
Fayard 2008



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jeudi 26 juin 2008 à 22h13 - par  BENBARA Abdallah
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jeudi 26 juin 2008 à 15h05 - par  abdallah
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