« LIP, l’imagination au pouvoir »

mercredi 23 mai 2007
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Un film de Christian Rouaud sur les écrans depuis le 21 mars 2007

Je viens de voir dans une petite salle parisienne comble le documentaire de Christain Rouaud : « Lip, l’imagination au pouvoir ».

Ce film devrait être vu partout et accessible au plus grand nombre, mais je doute que les grands circuits et autres multiplex fassent de la place au documentaire et particulièrement à ce film. Que dire des chaînes de télévision qui le passeront au mieux en fin de soirée ou peut-être même au cÅ“ur de la nuit !

Pourquoi un tel enthousiasme ?

D’abord parce que le réalisateur écrit cette histoire connue (de tous ?) comme un film policier et garde le suspense : véritable tour de force.

Ensuite, parce que, même si l’histoire finit mal, on y rit souvent et on ressort de ce film avec la rage de vaincre l’Etat bourgeois et le grand capital !

Petit rappel pour les plus jeunes d’entre nous ou les mémoires défaillantes des plus anciens :

En avril 1973, l’entreprise d’horlogerie Lip (Besançon) annonce à ses 1 300 salariés que des licenciements vont intervenir alors que les carnets de commande sont pleins et que cette entreprise est reconnue comme le fleuron de l’horlogerie. On peut dire qu’il s’agit là d’une des premières « restructurations » pour des intérêts purement financiers.

Charles Piaget, syndicaliste, est hostile à la grève et propose de freiner le rythme de la production, ce qui s’avère compliqué tant les ouvriers ont intégré les cadences de la chaîne ! Sauver les emplois est la revendication de départ, mais bien vite la lutte va se complexifier et la réflexion politique s’approfondir.
Une phrase lue sur des notes « subtilisées » à la direction lors d’une négociation va mettre le feu aux poudres : 480 à « larguer ».

Ceux qui ne sont pas encore « les LIP » vont séquestrer les administrateurs de l’entreprise pour les forcer à négocier en disant la vérité sur leur plan.
Les cars de CRS encerclent l’usine et c’est l’assaut. Les CRS défoncent les portes : « Ça nous a choqués, nous qui avions été si attentifs au cours des grèves précédentes à ne pas rayer un mur. » . Alors naît l’idée de prendre le stock de montres comme garantie pour continuer à négocier. Bien que certains aient peur que ce soit assimilé à un vol, ils réussiront à avoir l’appui de l’évêque et des lieux appartenant à l’église serviront de planque. Mais que faire de ce trésor de guerre ?

L’idée vient alors de les vendre et de remettre en route l’usine pour en produire de nouvelles. La vente est un énorme succès dans toute la France.En quelques semaines, LIP autogéré réalise 50 % du chiffre d’affaires réalisé dans une année ordinaire. Il faut cacher les montres, l’argent, organiser la paye sauvage, réfléchir aux salaires : une aventure fantastique qui dépasse de loin les quelques expériences de « démocratie participative » timidement proposées ces derniers mois !

Les syndicalistes surmonteront leur peur d’être « débordés » et ouvriront grand les portes de l’usine à tous, y compris aux journalistes. Des visiteurs venus de la France entière et même de l’étranger participent aux assemblées générales, apportent leur aide, des étudiants organisent des concerts. Bien entendu, le quotidien des familles d’ouvriers est difficile, et la question de la place de la femme à l’usine, dans la lutte comme à la maison, est posée.

Cette expérience réussie effraye le pouvoir et le patronat, comme en 1948, lors de l’aventure des quinze entreprises réquisitionnées à Marseille de 1944 à 1948. On ordonnera donc d’en finir avec LIP ! Après la reprise de l’usine par un « patron de gauche » ( Claude Neuschwander) en mai 1974, V.Giscard d’Estaing décide de « punir » les Lip : « Qu’ils soient chômeurs et qu’ils le restent. Ils vont véroler tout le corps social. » Renault (nationalisé) annule du jour au lendemain ses commandes de montres pour les tableaux de bord des voitures, le ministère de l’industrie supprime les aides promises, les capitaux manquent très vite et l’usine est fermée.

Ce résumé ne rend pas compte de toute l’aventure humaine, syndicale et politique, de cette lutte. Si on la met en perspective avec l’histoire des réquisitions de Marseille, on comprend mieux que ce que craignent le plus le pouvoir et le patronat, c’est la formidable leçon politique qui se dégage de ces expériences réussies, tant du point de vue industriel, économique et humain !

Il faut donc d’urgence voir et organiser des soirées où l’on passera les deux films : « Les réquisitions de Marseille » de Sébastien Jousse et Luc Joulé
( 52 minutes) et « Lip, l’imagination au pouvoir » de Christain Rouaud (dont je ne sais pas s’il existe déjà en DVD).

Alors qu’après le karcher, Sarkozy invente le bulldozer supersonique, il faut organiser la riposte avec des syndicats audacieux, rapides, renforcés, offensifs et imaginatifs !

Je crois que ces deux films peuvent nous aider à nous rassembler pour réfléchir. Ils peuvent nous donner l’envie d’inventer le courage de l’action et l’espérance de la victoire.

Autrement dit, le cinéma est encore un merveilleux outil d’éducation populaire qui peut aider l’action éducative des syndicats et des partis qui l’ont malheureusement largement abandonnée !

On peut ainsi retrouver le lien entre des luttes tout aussi vitales, celles des intermittents, celles des chômeurs et précaires et celles des salariés.



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