Construction, les raisons d’une addition salée.

De la production à l’acheteur, le prix est multiplié par trois.
mardi 11 juillet 2006
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Entre le coût de production et le prix d’achat d’un logement, les prix se multiplient par trois. Du prix des matériaux au coût du foncier en passant par la réglementation, les exigences des banques... Les arguments ne manquent pas pour motiver ces prix à défaut de les expliquer.

De 1000 à 1200ââ€Å¡¬ : tel est le coût d’un logement, matériaux et main d’Å“uvre, livré par le monde du BTP. Sur le marché de l’immobilier, le Marseillais pourra le récupérer, dans le meilleur des cas, à 3 000 ââ€Å¡¬.
Que s’est-il passé entre ces deux prix ? Où et pourquoi le logement est-il cher ?

"Il y a 30 ans, 75 à 80% du prix payé par un particulier pour un logement était consacré à la construction réelle. Aujourd’hui la part du BTP dans le prix d’un logement est de 30 à 35%" : ce comparatif de René Nostriano, président de la fédération départementale du BTP est explicite. "La promotion privée a remplacé la puissance publique comme opérateur urbain. Comment s’étonner que dans une opération à 3000 ââ€Å¡¬ le m2, la marge du promoteur et les frais de commercialisation dépassent le prix de la construction ?" interroge Lionel de Coninck, syndicaliste à la CGT.

Foncier, réglementation, augmentation des matières premières... sont autant d’arguments souvent mis en avant, qui n’enlèvent rien à ce constat : la production stricto sensu représente un tiers du coût final.

"Aux 1000 / 1200euros hors taxe de la construction, il faut ajouter le gros poste du foncier puis tous les aménagements du terrain, égout, électricité..." explique Bernard Bartalier, promoteur marseillais. "Il faut ensuite prendre en compte les honoraires des architectes, du bureau de contrôle, l’assurance dommage ouvrage, le chargé de sécurité, le bureau d’étude qui ajoutent 15 à 18%. Reste encore la commercialisation et ses 4 ou 4,5% du prix de vente. Au final il reste 10% pour le promoteur. C’est certes une marge mais aussi une prise de risques. D’autant que les banques l’exigent pour suivre un projet."

10% : ces deux chiffres qui chagrinent plus d’un. "Je ne vois que peu de promoteur en danger" ironise Annick Boët, présidente du groupe communiste à la ville de Marseille. "Le problème est que le logement est dans une logique financière. La cherté ne correspond pas à de la qualité mais à la rentabilité. Tout est sous la main mise de grands groupes et de promoteurs qui imposent des prix élevés pour des constructions de qualité architecturale médiocre, répondant rarement aux normes Hautes Qualités Environnementale".

Le foncier a longtemps été "la" raison expliquant la cherté des prix. "Sauf à considérer que le prix du foncier n’est le résultat du compte à rebours réalisé par les promoteurs. Ce qu’une politique pourrait modifier" conteste Lionel de Coninck. Effectivement, les travaux menés par l’établissement public foncier régional attestent que les prix qui flambent ne sont pas une fatalité. Le gel des terrains via des Zones d’aménagement concerté sur 2500 hectares autour de Cadarache ont déjà calmé les ardeurs des promoteurs pour le projet ITER.

Ces coûts galopants interrogent cependant les professionnels de l’habitat, car sur cette joyeuse flambée financière plane le risque de tuer le veau d’or. Nombre de commissions sont organisées, la fédération départementale du BTP a même placé son A.G. du 15 septembre sur cette question des coûts. Si chacun se défend de reporter sur l’autre les raisons de la cherté, les entrepreneurs estiment que les sources d’économie dans leur secteur ne sont pas légions. "Si l’innovation nous permet un gain de productivité de 2% pas an, ce n’est phénoménal" explique René Nostriano, président de la fédération départementale du BTP, "les économies viendront surtout d’un habitat réinventé où les architectes sauront créer une typologie adaptée aux souhaits des gens, réalisable à des coûts maîtrisés".

Si le besoin de plus de travail entre architecte et entrepreneur est reconnu, Lionel de Coninck estime que "cela montre surtout que la construction est une chaîne complexe et seule une intervention du début à la fin, du donneur d’ordre à l’entretien, pourra permettre d’agir efficacement".

Président de l’ordre des architectes, André Jollivet sort facilement de ses gongs face à l’accusation de projets trop chers à réaliser : "Pas cher, on sait faire : des tours, des barres... On a vu ce que cela a donné. Et cela ne correspond qu’à une vue à court terme. Frais Vallon a été construit à la fin des années 60. Dix-sept réhabilitations ont été depuis effectuées. Si on ajoute à cela le coût social, on aurait pu avec la facture actuelle, mettre les portes en or dans la cité. "

Et de synthétiser : "Il faut arrêter d’être obnubilé par les prix. La qualité a un prix et l’exigence environnementale encore plus. "
Des arguments que promoteurs et entrepreneurs ont du mal à entendre, appréciant le développement durable comme un concept flou, "multipliant les règlementations plus coûteuses qu’efficaces" pour reprendre la formule de René Nostriano.

"C’est vrai qu’un logement de qualité coûte cher. La vraie question est comment on finance ce "cher", comment la collectivité prend en charge cela pour, qu’in fine, ce ne soit pas les petits salariés qui finissent étranglés" conclut Lionel de Coninck. "Et cela, c’est de la politique".

Réglementation, un coût évidemment

Matériaux, main d’Å“uvre, foncier, promotion : à tous ces paramètres s’ajoute le coût du respect de la réglementation. "Et la tendance naturelle est à l’amplification", prévient André Jollivet, Président de l’Ordre des Architectes.

Un exemple ancien est celui du coordinateur SPS : "C’est lui qui assure que les interventions ultérieures, du changement d’ampoule à l’intervention sur le toit, se feront sans risque" explique André Jollivet. Mais la sécurité n’est pas le seul domaine d’intervention de la réglementation.

Le "développement durable" est un autre volet, en cours de compréhension. "A défaut d’avoir commandé une construction Haute Qualité Environnementale, le maître d’ouvrage demandera volontiers un "chantier vert qui implique des procédures particulières" illustre encore l’architecte avant de développer un exemple à venir. "A partir de septembre, nous devrons appliquer la réglementation thermique 2005 qui nous imposera de passer de 200 Kilo watts Heure (KwH) par mètre carré (m²) et par an à 80 Kw. A terme, cela permettra de baisser la facture énergétique et de réduire l’effet de serre. Cela a certes un coût, tout comme le fait d’être vigilant sur les matériaux que l’on utilise, mais c’est peut-être celui à payer pour ne pas léguer n’importe quoi aux générations futures."

Promotion

Entre 2000 et 2004, 37,3 % des logements ont été réalisés par vingt promoteurs. Les deux premiers groupes sont, dans la région, NEXITY GEORGES V (Groupe Vinci) et BOUYGUES IMMOBILIER. Pour le premier, le prix moyen au m² est de 3.189 euros, pour le second 3.252 euros. A eux deux, ils assurent 10,8 % du marché.



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