Premier bilan des distributions de terres

jeudi 1er avril 2010
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Intéressant de constater qu’un journal classé « centre droit » en Espagne est obligé de constater, en dépit des piques dont il parsème son article, les succès enregistrés par la politique agricole cubaine.
Une politique qui de plus, sur l’aspect respect de l’environnement, est bien en avance sur celle de nos pays dits civilisés...

Pour réduire la dépendance alimentaire de l’île, 1,5 million d’hectares de friches ont été confiés avec succès à de petits producteurs.

Raúl Hernández Gómez, 43 ans, faisait partie jusqu’au début de 2009 de la légion de “cadres moyens” de l’Etat cubain. Cet ingénieur agronome de Camagüey gagnait 450 pesos (soit environ 15 euros) par mois. L’année dernière, il a décidé d’être candidat au programme d’octroi de terres en usufruit lancé par le gouvernement pour alléger la facture d’un pays qui importe 80 % de ses produits alimentaires et dépense des milliards de dollars à cet effet. Un choix que Raúl Hernández ne regrette pas : aujourd’hui, il gagne 600 pesos et espère augmenter ses revenus avec le temps. L’Etat leur a cédé, à lui et à son frère Alberto, 6 hectares de terres en friche situés à la lisière de Camagüey.

“Il faut revenir à la terre ! Il faut la faire produire !” lançait Raúl Castro en juillet 2008, un an après avoir annoncé des “changements structurels et dans les mentalités” pour y parvenir. Et pour en finir avec cette absurdité qui consiste à payer une fortune des produits agricoles en grande partie achetés à l’“ennemi impérialiste”, alors que la moitié des 3,6 millions d’hectares de terres cultivables sont abandonnés aux mauvaises herbes – en particulier à un arbuste appelé marabú, un adversaire de la Cuba des Castro aussi redoutable que Washington ou le moustique vecteur de la dengue.

Le programme de distribution de plus de 1,5 million d’hectares en friche à de petits agriculteurs se heurte toujours à des obstacles en tout genre, comme l’admettent même les médias officiels : favoritisme et retard dans les procédures de distribution, pénurie de matériel agricole et même de semences, manque de personnel qualifié sur le terrain, problèmes de bureaucratie…

Pourtant, tant bien que mal, le plan commence à donner çà et là quelques résultats. Surtout depuis que l’Etat a décidé d’augmenter les prix auxquels il achète les produits aux agriculteurs. Fin 2008, alors que 700 000 hectares avaient été distribués à 100 000 demandeurs, le secteur agricole avait déjà enregistré une croissance de 7 % par rapport à l’année précédente.

Le cas de Raúl Hernández est emblématique de ces timides avancées. Les terres qu’il partage avec son frère se trouvent en périphérie urbaine, un secteur que le gouvernement souhaite voir exploité en priorité afin d’économiser carburant et autres frais de transport. Les deux frères travaillent avec des bœufs, comme l’avait conseillé Castro dans ses discours. Les Hernández cultivent des patates douces, du maïs, des courges et des haricots ; ils élèvent des porcs et des moutons, qui les aident à se débarrasser de ce qui reste du marabú qu’il a fallu arracher. Leur contrat comprend des accords avec des coopératives et autres organismes d’Etat, qui leur fournissent une aide matérielle et technique.

“Les choses vont bien pour nous, vraiment. Nous bénéficions d’un système d’irrigation moderne et de conseils pour la fertilisation biologique”, explique Raúl. Avec ces aides, ils ont pu introduire sur leur exploitation des méthodes novatrices d’ensemencement et d’élevage afin de tirer le meilleur parti de la terre et des bêtes. Là où ils produisaient auparavant 300 quintaux de patates douces, Raúl et Alberto en récoltent aujourd’hui 700. Sur les 6 tonnes de viande porcine qu’ils sont tenus de vendre à l’Etat en deux ans, ils en ont déjà livré 2, grâce à trois femelles reproductrices sélectionnées. Nous avons interviewé Raúl Hernández au hasard, sans l’entremise d’un quelconque organisme gouvernemental. Sa réussite ne permet pas de tirer de conclusions générales, mais elle est peut-être symptomatique. Loin de La Havane, où l’on brosse un tableau très noir de l’agriculture et où l’évolution du pays suscite pessimisme et déception, on décèle des lueurs ­d’espoir dans la campagne cubaine.

 Par Fernando García dans La Vanguardia le 18/03/2010

Transmis par Linsay



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