PAMAR : incroyable mais vrai !

mardi 6 août 2024
par  Charles Hoareau
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Rappel : Les salariés de la blanchisserie en lutte depuis le 20 décembre dernier, soit 226 jours aujourd’hui, ont tous été licenciés le 22 mai. Par ailleurs, pour les deux délégués la direction a fait une demande de licenciement.
Le 18 juillet, les prud’hommes saisis en référé pour les salariés non protégés ont rendu leur verdict : obligation de réintégration sous astreinte de 500 euros par jour et par salarié.
Dans la foulée, pour les deux délégués, l’inspection du travail a aussi logiquement refusé leur licenciement.

La date limite d’application du jugement de réintégration était le vendredi 2 août. Soifia la 1re a reçu ce samedi une lettre de mise en demeure de reprise, donc ce lundi, sans attendre les autres lettres, l’ensemble des salariés s’est présenté au portail de l’entreprise.

Tout d’abord, pendant qu’à quelques mètres des personnes inconnues se présentent à l’entreprise par une nouvelle entrée, certains faisant passer leur cyclomoteur par l’étroit passage alors que le large portail reste fermé, il y a, pour les habitués de la lutte, le rituel du thermo de café que l’on ouvre au fur et à mesure des arrivées. Sans sucre pour Sonia, bien chaud avec un sucre pour Fatou : on connait les goûts de chacune et chacun. Quand ils sont toutes et tous là, Kala la déléguée sonne au portail témoin de tant de moments de chants, de slogans et de drapeaux agités. La directrice arrive un énorme trousseau de clefs à la main, non au portail comme d’ordinaire mais, à côté, au tout nouveau portillon de sécurité aux imposants barreaux carrés que PAMAR a fait construire et surmonté de magnifiques barbelés : sans doute pour éviter que des inconnus passent par-dessus les imposantes grilles pour aller se jeter dans de sales draps.

Celle qui fait plus penser à une gardienne de lieu dangereux qu’à une personne chargée de l’accueil, le visage aussi fermé que son portillon, entrouvre à peine la grille et aboie plus qu’elle ne parle à Kala et à ses collègues derrière elle : « qu’est-ce que vous voulez ?
- Ben reprendre nos postes de travail !
- Non »
. Le portail se referme.
Kala reprend alors « Mais on a reçu une mise en demeure de reprise...
- Je ne suis pas au courant »
. Là tout le monde est interloqué et les questions se bousculent. Pas au courant ? Mais qui dirige cette entreprise si ce n’est pas la directrice ? Ils pensaient qu’on n’allait pas revenir ? Mais ils sont malades !! On n’a jamais vu ça !!
A travers la grille maintenant fermée à double tour de clef, s’échappe : « je me renseigne ». Et la voilà qui s’en retourne en saisissant nerveusement son téléphone portable.
Depuis la rue on peut la voir à travers les vitres, le téléphone vissé à l’oreille, faire les cent pas en zigzagant au milieu des personnes aperçues le matin qui s’affairent sur les draps qu’elles mettent dans des chariots : les postes de travail sont pris...

20 mn plus tard, notre gardienne de prison revient toujours aussi souriante. Deux tours de clefs, le portillon blindé s’entrouvre : « entrez ». Les réintégrés (pestiférés ?) entrent un à un tranquillement pour la 1re fois depuis 226 jours. [1] Le portillon est refermé et double tour de clef à nouveau. La gardienne fait tomber une partie de ses clefs : la joie sans doute...Elle les ramasse sans un mot. Ils et elles traversent le court espace qui les sépare de l’immeuble. Arrivé à la porte vitrée, une nouvelle conversation s’engage que la lettre des salariés ci-dessous retransmet fidèlement. Evidemment la direction n’a pris aucune mesure. Le droit de retrait est donc à nouveau déposé et continué pour les salariés que la direction n’a pas pu licencier.
Ils et elles ressortent un discret sourire en coin. Madame « Clefs-de-prison-figure-d’enterrement » referme à double tour (et même à triple si elle pouvait) derrière nos camarades souriants et sereins.

Soifia, elle qui a connu les pleurs, l’angoisse, le malaise, la prise en charge par les pompiers, l’hospitalisation et les soins qui ont suivi, Soifia l’avait dit en arrivant ce matin « aujourd’hui c’est la journée du rire ».

De retour à l’UL c’est la rédaction collective de la déclaration. Demain on en sera au 227e jour de lutte et ce sera l’occasion pour la CGT de rappeler à la direction qu’elle n’a toujours pas répondu aux questions du CSE alors que le délai légal des 6 jours est dépassé...
Décidément la loi, PAMAR connais pas !
Ce n’est pas cela qui va arrêter le combat !

Amandla ! comme on dit en Afrique du Sud depuis la lutte contre l’apartheid.

Lettre de la CGT PAMAR à la direction

Le 5 août
GIE PAMAR

Madame la Directrice

Nous nous sommes présentés à 7h 20 ce matin comme préconisé par le jugement de référé et comme votre mise en demeure adressée à Mme TOIYBOU Soifia (et sans doute à d’autres) nous y enjoignait. Cela correspondait à ce que nous vous avions déclaré au CSE du 30 juillet. Je précise que nous étions accompagnés de militants de la CGT qui ont filmé le déroulement des événements.
A l’heure d’embauche nous sommes allés de surprise en surprise.
- D’abord nous avons vu entrer en même temps que nous au moins une dizaine de salariés pour occuper nos postes de travail.
- Nous avons sonné, Mme DELLAROCCA a entrouvert le portillon nouvellement créé et nous a demandé ce que l’on voulait. Quand on lui a dit que l’on venait réintégrer nos postes, elle a fermé le portillon pour signifier son refus de nous laisser entrer. Nous avons alors dit que nous avions reçu une mise en demeure. Mme DELLAROCCA nous a dit qu’elle n’était pas informée de la mise en demeure (sic !). Elle nous a alors dit qu’elle appelait Mme FOSSIER et nous a demandé d’attendre dehors sans nous ouvrir le portillon.
- A travers les vitres du bâtiment, nous avons pu voir les salariés travailler en mettant les draps dans un cabri.
- A 7h 49, Mme DELLAROCCA est revenue et nous a laissé entrer dans la cour de l’usine. A ce moment-là, j’ai demandé au nom des salariés quelles mesures avaient été prises en matière de sécurité et d’hygiène publique comme préconisé par le conseil de prud’hommes et l’inspection du travail et rappelé lors du CSE.
- Sa réponse nous a laissés sans voix. Elle nous a dit qu’il n’y avait pas de mesure à prendre et qu’il n’y avait plus de problèmes puisque les échelles ont été changées (?).
- Concernant notre remplacement à nos postes de travail, elle nous a dit de monter au vestiaire et d’attendre.
- Bien sûr il n’a pas été annoncé l’éloignement de la chef ni de mesures pour le respect de l’hygiène et la santé publique comme nous le demandons depuis des mois.
- Dans ces conditions je vous confirme ce que j’ai dit ce matin : les salariés réintégrés se remettent en droit de retrait à compter d’aujourd’hui et bien sûr les deux délégués maintiennent leur droit de retrait.

Fait ce jour pour valoir ce que de droit

Pour les salariés, la RSS
Kalathoumi IBOUROI

Copies : Inspection du travail, ARS

[1On peut voir la vidéo de la scène sur ma page Facebook ) à la date du 5 août.



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