Au Kurdistan, la démocratie est encore à la peine
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La fameuse démocratie que devait apporter la guerre...
Les dirigeants kurdes parlent souvent de « démocratie florissante » au Kurdistan irakien et c’est grâce à cet effet d’annonce qu’ils se sont assuré le soutien des Occidentaux. Nous avons lu des centaines d’articles sur « cet autre Irak » [1] mais aujourd’hui il est temps de mettre fin à ce mensonge. De nombreux journalistes, intellectuels, universitaires et leaders de l’opposition ont répété – à de nombreuses reprises – que la « démocratie » du Gouvernement régional du Kurdistan n’était qu’un masque – un masque arboré par de nombreux régimes dictatoriaux. Pourtant, à cause de l’instabilité qui règne dans le reste de l’Irak, ni les médias internationaux, ni les diplomates occidentaux ne veulent le reconnaître.
La démocratie n’a pas recours à la force contre les civils qui manifestent contre la corruption et réclament de meilleurs services publics et davantage de démocratie et de liberté d’expression. Et pourtant les autorités kurdes répriment dans la violence les manifestations qui ont débuté le 17 février dernier. En Egypte, les manifestants ont réussi à renverser le régime en seulement 18 jours. Malheureusement après 64 jours de mobilisation dans la province de Souleimanieh, place forte de l’opposition et de la presse libre, les manifestants kurdes n’ont toujours rien obtenu.
Dans une démocratie digne de ce nom, les partis politiques n’ont pas de milices armées. Ici le Parti démocratique kurde (le PDK), dirigé par Masoud Barzani, président de la Région autonome du Kurdistan, et l’Union Patriotique du Kurdistan (le PUK) de Jalal Talabani, Président de l’Irak, ont chacun leurs propres Peshmergas [combattants kurdes]. Ces deux partis au pouvoir ont également leurs services secrets : le Zaniyari pour le PUK et le Parastan pour le KDP. Et comme l’ancien régime de Moubarak en Egypte, ils contrôlent une grande partie des médias. Le Kurdistan Irakien est en train de devenir un Etat policier. La région autonome du Kurdistan s’enfonce dans la dictature au lieu de progresser en démocratie. La loi sur les manifestations a donné une idée de ce que nous réservait l’avenir. Plusieurs manifestations ont eu lieu cet hiver pour protester contre cette loi répressive sans que personne n’y prête attention. Massoud Barzani a expliqué que cette loi avait été votée par le Parlement à la majorité, et que donc il devait la faire promulguer. Or cette majorité manifestait clairement des tendances totalitaires.
Les représentants du Kurdistan dans les pays occidentaux, notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, ne peuvent plus parler de démocratie. Les diplomates étrangers et les universitaires, qui sont souvent invités à écrire sur le Kurdistan, ne peuvent plus tromper leurs lecteurs en évoquant une « démocratie en pleine expansion ». Il n’y a pas si longtemps encore, après un séjour dans la région, les visiteurs étrangers, diplomates, journalistes, universitaires et simples civils, rentraient dans leur pays en évoquant les actes barbares commis par le régime de Saddam Hussein contre le peuple kurde innocent. Désormais ce sont les autorités kurdes qu’ils accusent de barbarie envers les civils, les intellectuels et les journalistes.
Les violations des droits de l’homme et de la liberté d’expression au Kurdistan Irakien ont atteint des niveaux choquants. Dernièrement j’ai vu à la télévision, une députée suédoise pleurer sur le sort d’une mère de Chamchamal [ville du nord de l’Irak] dont le fils avait été tué par les milices du PDK, et j’ai eu honte. Hier encore c’était à cause de Saddam. Aujourd’hui ils déplorent les méfaits de notre propre gouvernement. Par le passé, Human Rights Watch, Amnesty International et de nombreuses autres organisations et même la communauté internationale demandaient au régime de Saddam d’arrêter les violences faites aux Kurdes. Et aujourd’hui ces organisations demandent que le gouvernement autonome du Kurdistan arrête de s’en prendre à ses populations civiles.
Le 17 février 2011, premier jour du mouvement de protestation populaire dans la région a marqué le réveil des conscience. La vie politique ne sera plus la même, du moins nous l’espérons. Le gouvernement n’a qu’une chose à faire pour résoudre cette crise politique et sociale : accéder aux demandes de son peuple et jouer le jeu de la démocratie. Les jours de cette démocratie kurde de façade sont comptés. Il est temps de mettre en place un gouvernement démocratique institutionnel. Les Kurdes ne se satisferont pas d’un simulacre de démocratie. Et mieux vaut commencer aujourd’hui que demain, car l’enjeu est vital. Terminés les grands discours, depuis le 17 février dernier, il est temps de passer à l’action.
Par Kamal Chomani dans The Kurdish Tribune le 30/05/2011
Transmis par Linsay
En médaillon manifestation du 18 avril 2011
[1] d’après le nom de la campagne de communication internationale lancée par le gouvernement régional
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