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Visite de Hollande aux Fralib : lettre à un ami

lundi 8 juin 2015, par Charles Hoareau

Cher ami, tu me demandes pourquoi les fralibs ont accepté que Hollande vienne leur rendre visite et pourquoi il n’y a pas eu de manif ? En gros tu as l’impression qu’ils se sont faits avoir (volontairement ?) par un coup de pub d’un président en mal de sondages…

Alors reprenons les choses :

 D’abord c’est Hollande qui était demandeur. Les copains ont appris la nouvelle de la visite quelques jours à peine avant celle-ci et il leur a été demandé le plus grand secret au risque que la visite soit annulée.

 Quand ils l’ont su ils avaient deux choses en tête : leur dossier où des points de blocage importants subsistaient et leurs camarades de combat des autres entreprises en lutte. Ils ont donc posé leurs conditions pour accepter cette visite en prenant en compte ces deux éléments.

 Sur leur dossier, la mise à disposition des locaux et du terrain par la communauté urbaine de Marseille n’était toujours pas réglée. D’autres points de blocage, face à UNILEVER notamment et sur lesquels nos camarades butaient depuis des mois, y compris depuis la signature de l’accord, étaient en jeu. Les camarades, ont donc mis comme première condition que les derniers verrous soient levés : cela a été le cas en quelques jours et le matin même de la visite pour le dernier. Cela fera dire à Olivier « c’est la preuve que quand le pouvoir veut, il peut » : c’est le moins que l’on puisse dire et cela est de nature à donner des arguments ailleurs pour d’autres luttes.

 En ce qui concerne les camarades des autres boites en lutte, il a été décidé en accord avec eux (et je sais que tu mesures ce que ces mots veulent dire) qu’un point de chaque dossier (TOTAL, Moulins Maurel, NEXCIS, SNCM….) serait fait en tête à tête avec le président sur la base d’un dossier remis par chaque entreprise en lutte : c’est ce qui a été fait. Et peut-être que cela permettra des avancées sur l’un ou l’autre de ces dossiers. On verra bien…

Ceci dit fallait-il, dans l’état actuel du rapport des forces, refuser la visite et prendre le risque que les derniers acquis arrachés en 48h et qui mettent définitivement SCOP-TI sur les rails soient encore l’enjeu d’un long combat avec les banques, UNILEVER et la communauté d’agglomération marseillaise ? Ou au contraire, accepter (comme leur ont aussi conseillé leurs autres camarades en lutte) en toute lucidité et dire, comme ils l’ont dit, tant à la presse que dans leurs interventions qu’ils savaient bien quels étaient par ailleurs les choix politiques mis en œuvres et leurs désaccords avec ceux-ci ? Vu du banc de touche on peut toujours discuter, mais c’est sur le terrain que se gagnent les matchs !! Comme le dit l’un des acteurs privilégiés de ce combat que se livrent le capital et le travail à Fralib et ailleurs : « Ce n’est pas la guerre mais la guérilla » et nous savons toi et moi que celle-ci est faite d’avancées, de replis tactiques, de prises d’usines et de compromis…sans jamais lâcher l’objectif !

Juste une question : c’est Léon Blum qui par un accès de grandeur d’âme a donné aux français les congés payés ou Pompidou par une soudaine générosité qui a augmenté le SMIC de 35% ou, comme nous le savons toi et moi, c’est dans ces deux cas, comme dans tant d’autres, la lutte qui a imposé aux gouvernants de donner force de loi à une revendication portée par tout un peuple ? Les fralibs doivent leur succès à eux-mêmes et à toutes celles et tous ceux qui les ont soutenus dans leur lutte.

Si François Hollande, qui est président de la république (ce qui lui donne des responsabilités devant lesquelles on doit le mettre) est venu voir les Fralib après avoir vu les camarades de La Belle Aude, c’est que dans ces deux boites la lutte acharnée, les multiples initiatives ont rendu ces conflits populaires au point que le journal La Provence publiait deux jours avant la visite du président, un sondage qui faisait ressortir que 91% de ses lecteurs disaient vouloir acheter du thé 1336 !!

Sa visite est d’abord le signe que ce conflit a gagné la bataille de l’opinion et qu’il ne peut l’ignorer. Qu’il cherche à en tirer avantage c’est sûr, il n’est ni le premier ni le seul [1] mais les fralib, celles et ceux qui les ont soutenus de près et plus largement le pays, personne n’est dupe. Hollande le sait et il sait où il a mis les pieds témoin son commentaire sur la couleur rouge de certains équipements de travail… Et quand je vois que le contrat de Rim, notre camarade qui fait pleurer la salle à chaque représentation de la pièce sur le conflit, celle qui dit que c’est la CGT qui l’a embauchée à UNILEVER, car elle a été la dernière intérimaire à qui le syndicat a réussi à faire avoir un CDI, celle qui a animé avec enthousiasme un des débats de Rouge Midi le 30 mai, quand je vois donc que c’est ce président-là que nous combattons et combattrons encore, qui a paraphé son contrat de travail, je me dis que c’est un sacré pied de nez de l’histoire !!

Dernier élément. Tu t’es réjoui comme moi du fait que le même Hollande ait cru bon d’aller à Cuba et même de serrer la main de celui que naguère il traitait, comme nombre de chefs d’états avec lui, de dictateur : crois-tu que cela soit le signe que Fidel Castro s’est renié ou qu’au contraire c’est Cuba qui a fait plier ses adversaires ? A une échelle bien sûr plus modeste c’est la même chose pour les Fralib.

Et puisqu’on parle de Cuba, l’entretien en privé sur les autres boites en lutte et la remise des dossiers a eu lieu dans la salle rebaptisée par les scoptistes, salle Guevara.
C’était ça ou celle juste à côté, la salle Tchae (du nom d’une des marques d’UNILEVER) rebaptisée depuis le 26 mai salle Castro….

T’inquiètes pas, nos amis coopérateurs, frères et sœurs de combat, sont bien toujours aussi rouges, et même… vivement rouges !


[1à la télé ce samedi le représentant local du MEDEF saluait la lutte des fralib (sic !).
20 ans après la mairie de La Ciotat se félicitait de la lutte des ouvriers qui ont sauvé les chantiers (resic !!) et s’en attribuait presque le mérite !!

Messages

  • de la part d’un camarade qui n’est pas sur le banc de touche mais des tribunes,

    Bravo à Toutes et à Tous bravo pour votre pugnacité bravo pour les camarades qui vous entoure, votre capacité à voir au delà des écueils. Merci d’être venu soutenir les contis de saint saturnin d’Avignon en cherchant la convergence des luttes. merci à Charles et aux autres qui vous soutiennent à ceux qui comprendront que ce mot comme celui de solidarité n’est pas un concept que l’on brandit seulement dans les congrès mais quelque chose que vous avez fait vivre et mêm ravivé chez d’autres qui avaient tourné les yeux.

    avec mes salutations fraternelles JC pas le dégout...

  • C’est bien de citer Blum, mais Mitterand a bel et bien permis (de 1981 à 1983) de superbes avancées sociales (y compris certaines mesures, par exemple la suppression de la peine de mort, auxquelles les citoyens étaient hostiles). Certes le mouvement social était à l’époque bien plus fort qu’aujourd’hui (où il est de toute façon quasi inerte)

    Cuba a fait plier ses opposants ? Foutaises ! Cuba a souffert de ce blocus ignoble, mais le capitalisme y déferle désormais en même temps que la fin (programmée...) du blocus.

    Mais Hollande a bien fait d’aller voir Fidel (et quand on peut lire que ça a énervé certains droitistes, c’est encore plus réjouissant), de même les Fralib ont évidemment bien fait d’accueillir le Président de la République (encore plus pour toutes les raisons que vous évoquez), ceux qui ne comprennent pas ça sont des opposants sectaires qui ne font rien progresser, alors que c’est si dur en ce moment de limiter la régression.

    Bonne chance à la SCOP-TI :)

  • On est rassurés : les gars ne se sont pas faits arnaquer.
    C’était juste surprenant que Flanbi aille se faire relooker chez les Fralib, et que ceux-ci le reçoivent sachant les défauts de la politique du P’’S’’. Un lifting social, un coup de blush prolo : c’est toujours ça de pris pour le chef du gouvernement libéralo-social-traître, entre les lois anti sociales (à défaut d’être bonnes pour l’emploi) et les abandons de souveraineté qui plombent l’activité industrielle locale et les travailleurs du pays. Ainsi, le gouvernement nous impose-t-il de graves reculs avec la loi Rebsamen, et la loi Macron en sa version remusclée pour son 2° passage à l’assemblée.
    Que les Fralib aient eu à gagner dans l’affaire, tant mieux. Cela ne les empêchera pas de mener encore leur bagarre pour survivre, contre les patrons voyous, et contre ce gouvernement qui aime l’entreprise mais pas les travailleurs qui la font tourner. Hollande de son côté ne trompe pas grand monde en s’affichant aux côtés de la Scop.

    • MERCI CHARLES , pour ce texte qui démontre que les FRALIB ne se sont pas fait avoir par HOLLANDE mais qu’au contraire ils ont même si on le savait déja , fait preuve d’une grande maitrise pour continuer la lutte sans se laisser approprier leur combat par quiconque . Pour ma part je pense qu’ils ont bien fait d’ utiliser ce moment médiatique pour faire de la pub pour leur SCOP et "mouiller " HOLLANDE et le gouvernement .

      Je fais totale confiance aux FRALIB pour mener avec succès la deuxième étape de leur combat : la pérennisation de leur coopérative .

      quand aux pisse- froid je leur adresse une de mes devises favorites : "bien faire et laisser braire ..."

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