A Kaboul, quelques-uns sont devenus très riches, mais les autres...
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Samir Hamdard est président du Comité de Solidarité ’Afghan Cultural Center’. Il habite Bruxelles, mais a ses racines en Afghanistan. Samir revenait de Kaboul lorsque nous l’avons rencontré.
Il a vécu quelques semaines dans les quartiers pauvres de Kaboul et il y a contracté un sérieux refroidissement. Un témoignage direct sur la vie réelle dans la capitale de l’Afghanistan.
Samir : “Ne vous attendez pas de ma part à une vue d’ensemble de la situation dans le pays. J’ai vu Kaboul, j’y ai cohabité avec la population dans les camps de réfugiés et dans les quartiers populaires. Mais je n’ai pas vu le restant du pays et ceci pour deux raisons. Tout d’abord, à 25 km de Kaboul, il y a déjà de l’insécurité et on risque – même comme ‘Afghan étranger’ – sa vie, et de plus j’étais pleinement occupé par la mise en place de notre initiative de solidarité ’Solidarity Shop’.
La première chose que vous remarquez lorsque vous vous promenez dans Kaboul, c’est la différence entre riches et pauvres. Entre les grandes villas des nouveaux riches, les buildings modernes des banques étrangères, les voitures prestigieuses des importantes ONG d’une part, et la vie de tous les jours des gens communs d’autre part. Les enfants essaient de gagner un petit sou en cirant les chaussures, en vendant de l’eau ainsi que des petits livres religieux. Ils arrivent ainsi à rassembler quelques pauvres 50 afghanis (0,75 €). Tandis que la villa – avec piscine – d’un membre du gouvernement ou d’un autre personnage important coûte 35.000€ par mois en frais de location.
Les ‘shopping centers’ brillent de luxe et de richesse. Mais on n’y rencontre pas d’Afghans moyens, seulement des Occidentaux ou des hommes d’affaires indiens… Tous les ‘shopping centers’ sont également très surveillés. Partout l’on peut voir l’image suivante : le progrès est présent pour les quelques personnes qui sont devenues très riches, mais pour les gens communs il n’y a qu’insécurité et pauvreté. La ville elle-même est très sale, non entretenue. C’est de plus un goulot pour les milliers de voitures qui sont plus à l’arrêt qu’en circulation.
Un mur contre la population
Les riches se cachent. Leurs villas sont entourées d’un, deux, voire trois murs. A chaque mur il y a une sécurité, vous y êtes fouillé et contrôlé. La même chose pour tous les bâtiments gouvernementaux. Des blocs entiers de maisons sont isolés par des check points, où l’on ne passe qu’avec un passeport. Les rues principales de la ville peuvent être empruntées, mais partout il est « interdit de tourner ». Tout le monde a peur. Un chauffeur de taxi m’a raconté que chaque matin il dit au revoir à sa famille, comme si c’était le dernier jour de sa vie. La sécurité est améliorée, nous dit-on, mais je n’en ai pas l’impression. Lorsque les troupes américaines reviennent d’une mission et se dirigent vers leur caserne, la circulation est paralysée. Tout le monde doit s’écarter. Et tout le monde s’enfuit, car regarder calmement passer les Américains, c’est également risquer sa vie. Pendant mon séjour de quelques semaines j’ai même entendu parler de deux attentats, dont un juste à côté de l’Ambassade pakistanaise. La réaction générale est : « Sauver sa propre peau avant tout ». Une femme qui s’était enfuie d’une zone guerrière me raconta comment l’armée américaine opère. Lorsque qu’ils rentrent dans un village ‘suspect’, ils obligent tous les hommes à se déshabiller, à la recherche d’armes ou de munitions cachées. Et ceci en présence des enfants, ce qui est très humiliant. Cela suffit pour que ces gens décident de s’allier aux talibans.
Corruption
Lorsqu’on parle avec l’homme de la rue, le premier sujet de conversation est la corruption, avec des histoires sur les ministres ou gouverneurs qui tout à coup deviennent immensément riches. Un nom qui est constamment prononcé est celui du demi-frère du président Karzai, Ahmed Wali, que l’on appelle ‘Mister Asphalte’. Il aurait gagné des millions de dollars via des contrats très lucratifs pour la réparation des routes. Mais ce qui irrite le plus les gens, c’est la corruption journalière. Des policiers et des officiers de l’état civil reçoivent le salaire ‘dérisoire’ de 100 à 200 dollars par mois et l’arrondissent sans honte au moyen de ‘primes’. Pour chaque papier officiel, vous devez payer deux fois, une fois au guichet et une autre à l’entrée du bureau, chez un ‘entremetteur’. Tous ces soldats, tous ces policiers qui sont engagés et ‘formés’ par l’Occident, sont une vraie plaie. Et cela s’appelle dès lors “Aide à la construction d’un Etat de droit”. Les gens disent que la corruption n’ jamais été aussi importante qu’à présent.
Les fugitifs oubliés
Les situations les plus terribles dans la ville, vous les trouvez dans les camps de réfugiés. ‘Camp’ est un grand mot : quelques tentes et tôles sur un terrain en friche, sans sanitaires ou d’accès à l’eau. L’aide des instances internationales est absente. Il s’agit d’un groupe de population oublié et personne ne s’en occupe.
L’arrivage des fugitifs est énorme. Il s’agit de personnes – des centaines de milliers – qui reviennent du Pakistan ou d’Iran et qui fuient les zones de combats. Attention, les familles avec lesquelles j’ai parlé disent que la raison de leur fuite ce sont les bombardements des Etats-Unis et de l’OTAN. Les gens restent assez laconiques au sujet des talibans : « Nos filles ne pouvaient aller à l’école sous le règne précédent, elles ne pouvaient aller à l’école sous les talibans et à présent elles ne peuvent toujours pas aller à l’école, car nous sommes trop pauvres. Quelle est la différence ?”. Et en effet, les enfants des familles en fuite ne vont pratiquement pas à l’école. Beaucoup s’en vont tous les jours afin de gagner quelques sous. Et ceux qui se rendent à l’école, se retrouvent dans une ….tente, dans le meilleur des cas devant un tableau scolaire. Lorsqu’il pleut il n’y a pas d’école, car la classe se trouve sous eau. Ce qui veut dire : les trois quarts de l’année. Les enfants sont constamment malades. En été surtout à cause de la malaria, et en hiver à cause d’affections pulmonaires et de membres gelés. Car dans les tentes il n’y a pas de chauffage.
L’Afghanistan a le triste record du plus grand nombre de veuves proportionnellement à sa population. On parle d’un million et demi de veuves, dont 30 à 50.000 rien qu’à Kaboul. C’est le groupe cible de notre ’Solidarity Shop’. Nous soutenons les familles dont le père est décédé. Il s’agit de familles qui ont fui les zones de guerre. Le but est d’aider ces familles, de veiller à ce que les enfants puissent aller à l’école et que les mères deviennent plus vaillantes.
Par Samir Handard Source : Intal le 02/02/2010
Transmis par Linsay
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