Qui a voulu liquider Roumy ?

mardi 16 septembre 2008
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Florissante société de location de véhicules, Roumy Auto Location a laissé 60 millions de passif, 45 salariés marnais et ardennais sur le carreau. Ou comment
une entreprise viable a été massacrée.

Le groupe Roumy auto location laisse 60 millions d’euros de passif. Les agences Budget étaient pourtant rentables, selon plusieurs repreneurs potentiels.

FRANCIS ROUMY, enfant de la Ddass devenu notable des Ardennes, doit se sentir bien seul ces derniers temps. Finis les vivats quand, président du club de foot de Sedan, il paradait avec ses joueurs.
Ejecté du monde sportif, orphelin de ses amis, lâché par ses proches, Francis Roumy n’a plus grand monde à qui se confier à part les policiers de la section financière de la PJ qui tentent de comprendre comment la société Roumy Auto Location (franchise de Budget dans les Ardennes et la Marne), la SAS Lero et la SRAL Arloc ont laissé un gouffre abyssal de 60 M€ !

Le Crédit Lyonnais qui a accompagné sans sourciller Francis Roumy dans sa descente aux enfers se retrouve avec un sinistre exceptionnel (40 M€) à l’échelle régionale.

Où est passé cet argent ? Mystère.

Francis Roumy qui a possédé des dizaines de maisons et appartements, répète qu’il n’y a pas eu d’enrichissement personnel : « En 1988, je suis parti de rien. Il y a deux ans, j’ai injecté 900.000 € dans mes sociétés. Je n’ai pas détourné un centime ».

En mai 2007, les trois sociétés sont contraintes de déposer le bilan.
Preuve que Roumy Auto Location est encore en vie, le redressement judiciaire, confié au Parisien Me Stoekler, va durer un an et demi. « L’administrateur chargé de faire tourner la boutique envoyait un de ses collaborateurs une matinée par semaine. Deux heures de boulot facturées 1.000 €. Et ça a duré 76 semaines ! », rappelle, écœuré, un ex-salarié qui attend toujours, depuis la liquidation début juillet, d’être payé.

Pendant la période de mise sous tutelle, le chiffre d’affaires des agences Budget de Sedan, Charleville-Mézières, Reims et Châlons-en-Champagne continue de progresser, jusqu’en janvier 2008, date à laquelle intervient la mise en examen de Francis Roumy pour banqueroute, escroquerie et abus de biens sociaux. « A partir de ce moment, tout s’est dégradé. La dette des crédits-bailleurs est passée de deux jours de retard à 4 mois. Le parc automobile a été divisé par deux. Les factures n’étaient plus payées. La boîte a été massacrée », accuse un fin connaisseur du dossier.

Le parquet va-t-il s’intéresser à l’affaire dans l’affaire ? Sachant que c’est à l’administrateur de répondre des dettes contractées pendant le plan de continuation.

La liquidation brutale, cet été, pose question.
Budget France, qui s’est intéressé à une éventuelle reprise, n’est pas parvenu à obtenir tous les documents de la part de l’administrateur.
Deux offres de reprise ont fini par arriver sur le bureau du président du tribunal de commerce de Charleville-Mézières.

La première, présentée par un tandem Bigot-Becker, a été rejetée : « Malgré la rétention d’informations de l’administrateur, nous sommes allés au bout mais tout a été fait pour que cette société meure alors qu’elle disposait de 1.500 véhicules en location longue durée », déplore un porte-parole de Bigot-Becker.
L’autre offre, présentée par des salariés, n’a même pas été étudiée.
Un homme d’affaires, qui
a suivi de près la déconfiture de Roumy Auto Location, si
dit atterré par la gestion
de ce dossier : « On peut
se demander si, avec ce genre
de méthodes, d’autres entreprises en difficulté dans les Ardennes, ont pu, un jour être sauvées ? »

***

Les raisons du naufrage

Les derniers vingt-cinq salariés, rescapés de Roumy Auto Location implanté à Charleville-Mézières, Sedan, Reims et Châlons-en-Champagne, ont cru jusqu’en juillet à la survie de leur entreprise. Ils ont l’impression aujourd’hui d’avoir été floués.
Comment Francis Roumy, PDG, a-t-il pu se retrouver dans une situation financière aussi calamiteuse ? Les difficultés auraient pour origine la déconfiture de la société Léro, spécialisée dans le commerce de voitures importées.

Le système était simple : Francis Roumy achetait à Renault-France des voitures à l’étranger qu’il revendait avec une commission sur le marché français. Les concessionnaires hexagonaux, passablement énervés, ont exigé la fin du manège. Roumy a dû alors se tourner vers Renault Italie, Renault Allemagne… avec une marge bien moindre et des délais de paiement raccourcis qui l’ont contraint à recourir au crédit.
Dans le même temps, un contrôle fiscal d’un montant de 6 M€ tombe.
C’est le coup de grâce. En février, Francis Roumy, est mis en examen pour banqueroute, abus de biens sociaux et escroquerie… Le parquet avait requis sa mise en détention à l’issue de la garde à vue. Le juge des libertés s’y est opposé.

Aujourd’hui entouré de six avocats, Francis Roumy, pour se défendre, dénonce une cabale, un acharnement. Ses détracteurs estiment que cet autodidacte, excellent commercial, a tenté, de manière désespérée, de maintenir artificiellement son standing. La cavalerie supposée entre ses trois sociétés lui permettait d’afficher un chiffre d’affaires annuel d’un milliard d’euros alors qu’il était en réalité de 350 millions d’euros.
Si la gestion des sociétés Roumy laissait à désirer, chacun s’accorde à dire que les quatre agences Budget étaient viables. « Tout le monde croyait que la boîte allait rester en vie. Tout a basculé en un trimestre », s’étonne un ancien salarié.

Pourquoi le tribunal de commerce a-t-il hésité à céder la société à un repreneur ? Le précédent Lenoir-et-Mernier, boulonnerie ardennaise rachetée par un groupe américain accusé d’avoir bénéficié de fonds publics avant une cessation d’activité, a peut-être pesé dans la balance. « Les juges ont craint que le repreneur se contente de récupérer la clientèle sans vraiment avoir de projet viable sur le long terme », explique Me Emmanuel Brocard, avocat de Francis Roumy.
Dernier avatar de l’affaire, Me Brucelle, le liquidateur, tente actuellement de rapatrier 640 véhicules répartis dans toute la France pour les restituer aux organismes de crédit. Un travail de bénédictin ! Pas plus tard qu’hier, la police municipale de Reims emmenait à la fourrière un fourgon Budget abandonné avenue de Laon.
C.P.

***

Questions à l’administrateur

Malgré plusieurs relances téléphoniques, l’administrateur judiciaire qui a présidé pendant dix-sept mois aux destinées du groupe Roumy, n’a pas répondu à nos sollicitations. Voici les questions qui restent en suspens :

- Pourquoi, alors qu’il y avait deux offres de reprise, la société Roumy Auto Location qui équilibrait les comptes de son exploitation, disposait d’un carnet de commandes plein sur deux ans n’a-t-elle pas été sauvée. Sachant qu’il y avait 25 emplois en jeu ?

- Tous les efforts ont-ils été déployés pour sauver l’entreprise, leader régional sur son marché, soit en initiant des offres intéressantes, soit en accompagnant les repreneurs s’étant fait connaître ?

- Au cours de la procédure, certaines offres auraient été formulées et n’auraient pas été relayées auprès du tribunal de commerce. Pourquoi cette rétention d’informations ? Est-ce à l’administrateur ou aux juges consulaires de décider du bien-fondé d’une offre de reprise ?

- Au cours de la gestion judiciaire, le parc automobile, principal actif de Roumy Auto Location, a presque été divisé par deux.
Et les échéances de crédit-bail impayées ont été multipliées par deux. Quelle est l’explication ?

- Sur quelles bases a été calculée l’intervention de l’administrateur judiciaire que certains estiment à 200.000 € : sur le milliard supposé de chiffre d’affaires ou sur les 350 millions d’euros, chiffre d’affaires réel ?

Par Christophe Perrin le 11/09/2008 dans l’Union

Transmis par Linsay



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