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Les listes de juifs du bon docteur Prasquier

lundi 21 novembre 2011

Incroyable mais vrai : dans un éditorial lamentable, le Président du CRIF dresse la liste des juifs évincés par les investitures du PS.

On se frotte les yeux. On se pince. On reprend la lecture depuis le début. Mais il n’y a pas d’erreur : c’est bien Richard Prasquier, le président du CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) qui dresse une incroyable liste : celle des « évincés juifs » des investitures que s’apprête à attribuer le Parti socialiste : « Les négociations entre le PS et EELV (les Verts) pour le choix des candidats d’union aux prochaines élections législatives ont abouti à l’éviction de Serge Blisko (6e circonscription, 13 et une partie du 14e), de Tony Dreyfus (5e circonscription 10e et une partie du 3e où Martine Billard élue écologiste a rejoint Jean Luc Mélenchon) et de Danièle Hoffman Rispal (6e circonscription, 11e et une partie du 20e). Un autre « évincé » est Daniel Goldberg (sixième circonscription de la Seine Saint Denis, Aubervilliers-Pantin, pour faire la place à Elisabeth Guigou). »

Bien sûr, le Président du CRIF ne hurle pas à l’antisémitisme. Ce serait trop gros. Il préfère fonctionner au déni : « L’effet d’affichage des noms des évincés est désastreux. Il est tentant de parler d’antisémitisme, certains l’ont déjà fait et je me garderai de les suivre. » Pour ajouter immédiatement que les évincés seraient les garants « d’une mémoire des persécutions et des luttes communes dont nous ne pouvons accepter qu’elle soient rangées au rayon des vieilles lunes à honorer du bout des lèvres. »

Richard Prasquier devait être le dernier abonné à l’application « Juif ou pas juif » qui permettait de repérer les citoyens d’origine juive sur I-Tunes avant qu’elle ne soit retirée pour des raisons évidentes. Il sait du coup repérer les juifs dans une série pour en constituer une liste. Si les représentants des autres groupes ou minorités faisaient de même, les partis politiques deviendraient des conglomérats de minorités.

La proportionnelle n’étant pas favorable à la communauté juive - Pascal Boniface l’avait déjà fait remarquer dans une intervention devenue célèbre au PS [1] - Richard Prasquier invoque le poids de l’histoire, le génocide de la seconde guerre mondiale. Mais pourquoi, à cette aune, les Arabes ne pourraient-ils invoquer le colonialisme dans les pays du Maghreb, les Français d’origine africaine, l’esclavagisme ou le génocide du Rwanda ? C’est vraiment cette France-là que veut Monsieur Prasquier ? Doit-on vraiment faire de listes de candidats aux élections en fonction des blessures de l’histoire et de ceux qui sont censés les porter dans leur tête ?

J’ai connu Richard Prasquier avant qu’il ne devienne Président du CRIF. Il faisait plutôt partie des institutionnels juifs modérés et attachés aux principes de la République. Le Richard Prasquier d’aujourd’hui, qui s’est déjà fait remarquer en évoquant un soutien inconditionnel à Israël (personnellement, le mot me rappelle les marxistes-léninistes maoïstes de l’après-68 [2]), n’est que l’ombre de ce qu’il fut.

Est-ce la condition requise pour diriger le CRIF que de devenir ultra-communautariste ? Le R de CRIF renvoie à « représentatif ». Heureusement pour la République et pour les juifs, le genre d’initiative que vient de prendre Richard Prasquier [3] ne risque pas de le rendre plus représentatif auprès des gens qu’il prétend représenter et qu’il abuse, je l’espère, de moins en moins. Bien avant de devenir, comme tous les Prasquier de France et de Navarre, des supporters inconditionnels d’Israël, les juifs se sont fait connaître en tant que fous de la République [4]. Si l’on parle de mémoire, c’est celle-ci que devrait honorer Prasquier.

Par Philippe Cohen
Marianne 2 le 18/11/2011

Transmis par Linsay


[1En 2001 dans une note interne au Parti socialiste Pascal Boniface indiquait à propos du conflit israélo-palestinien, qu’on ne pouvait mettre sur le même plan l’occupé et l’occupant. Il fut alors l’objet d’une violente campagne d’accusation d’antisémitisme. Il répondit par un livre Est-il permis de critiquer Israël ?

A noter que le 5 juillet 2007 la cour d’appel de Paris l’a lavé de toute accusation en indiquant notamment :" Ce document au ton mesuré constitue une analyse, laquelle peut être approuvée ou critiquée, de la situation au Proche-Orient comme de la façon dont elle est perçue en France et propose au Parti Socialiste d’adopter une position plus juste, aux yeux de son auteur, et plus conforme à l’intérêt bien compris des deux communautés particulièrement concernées sur le territoire national par le conflit. N’évoquant qu’en passant et pour mieux convaincre ses destinataires des considérations liées au poids électoral relatif des dites communautés, ce document est clairement dénaturé par le résumé sommaire et partial que Benoît Sabatier en a proposé "

[2difficile de comprendre ce que cette parenthèse vient faire là ! NDR

[3Dans une dépêche publiée par l’AFP à 18h29, Richard Prasquier admet qu’il y a peut-être « des ambiguïtés de compréhension ». Tiens donc ! Actualisation (19h10)

[4Les Fous de la République : Histoire politique des Juifs d’Etat de Gambetta à Vichy de Pierre Birnbaum (Seuil).

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