Pour un pays, refuser de payer sa dette, c’est tout à fait possible !
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Voilà un excellent article transmis par Linsay et qui pourrait donner des idées aux artisans des révolutions en cours...et des sueurs froides aux gouvernements occidentaux qui cherchent éperdument à maitriser les processus actuels...
Le Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde invite les gouvernements africains à suivre l’exemple de certains pays de l’Amérique du Sud qui ont refusé de payer la dette illégitime, réclamée aux pays en développement. De l’avis de Eric Toussaint, "c’est parfaitement possible pour un pays de refuser de payer sa dette". Et les exemples sont légion dans le monde.
Equateur, Argentine, Paraguay. Voilà autant de pays qui ont refusé de payer leurs dettes à la Banque mondiale, au Fmi, au Club de Paris et aux banquiers. C’est le Belge Eric Toussaint, le président du Comité pour l’annulation de la dette du Tiers monde (Cadtm) qui l’a révélé, hier, au cours d’une conférence de presse à l’Ucad dans le cadre du Forum social mondial. « Si je vous donne tous ces exemples, c’est pour vous montrer que c’est parfaitement possible pour un pays de refuser de payer sa dette. Et que contrairement à ce qu’on fait passer comme message, cela ne produit pas le chaos. L’Argentine connaît un taux de croissance de plus de 8 % depuis 2003. L’Equateur connaît un taux de croissance de 3 à 4 %. Ces pays n’ont pas connu le chaos. Bien au contraire, ils ont enregistré une amélioration des salaires, des pensions et des conditions de vie des populations », soutient Eric Toussaint qui a participé à l’audit de la dette de ces pays.
Ce qui lui fait dire que cela peut inspirer les pays africains à qui on réclame une « dette illégitime et illégale ». Parmi toutes ces expériences, sources d’inspiration en Amérique latine, le plus intéressant, c’est l’Equateur où le Cadtm a directement participé à l’audit de la dette. ‘Un nouveau président a été élu fin 2006 qui s’appelle Raphaël Corréa à la tête d’un processus qu’il appelle lui-même révolution citoyenne. Immédiatement il s’est engagé à faire l’audit de l’endettement de l’équateur de 1976 à 2006 par une commission de dix-huit experts en dette dont moi-même. Après quatorze mois de travaux, après avoir épluché des dizaines de milliers de dossiers et des centaines de contrats, nous avons soumis nos recommandations au gouvernement. Et après avoir identifié que 80 % de la dette publique de l’Equateur était de la dette illégitime, et sur la base de nos recommandations, le gouvernement a unilatéralement décidé de suspendre le paiement de la dette sous forme de bons’, renseigne Toussaint.
Il s’agit, dit-il, des titres de la dette publique vendus sous forme de bons sur les marchés financiers, en particulier à Wall Street. Des bons qui venaient à échéance entre 2012 et 2030 pour un montant de 3 230 millions de dollars. ‘Il y a eu donc un acte souverain unilatéral de suspension du paiement de la dette. Du coup, les détenteurs de ces titres de la dette, qui étaient des banquiers nord-américains, se sont mis à les vendre sur le marché à 20 % de leur valeur. Finalement, le gouvernement équatorien est arrivé à racheter 91 % des titres pour un coup total de 900 millions de dollars. Ce qui fait une économie, si on calcule le stock de capital racheté à bas prix et les intérêts qui ne sont pas payés jusqu’en 2030, d’où un bénéfice de plus de 7000 millions de dollars. Ce qui a permis au gouvernement très concrètement de faire passer dans le budget de l’Etat le service de la dette qui était de 32 % à 15 % et de faire passer les dépenses sociales qui représentaient 12% à 25% du budget. Donc, il y a une inversion des priorités’, informe-t-il.
Eric Toussaint révèle que « l’Equateur, et vous n’en avez pas entendu parler, a expulsé le représentant permanent de la Banque mondiale. Parce que la Banque mondiale ne veut pas qu’on sache qu’on peut expulser ses représentants. L’Equateur a mis dehors le Fmi qui avait ses locaux au sein de la banque centrale. L’Equateur a quitté le tribunal de la banque mondiale qui est le Centre international de règlement des différends. Ce que la Bolivie a fait, deux ans auparavant. Donc nous pensons que cet exemple, qui s’est passé en Equateur, peut parfaitement se passer dans la majorité des pays en Afrique. Cela devrait être reproductible en Grèce, par exemple, qui est confronté à une crise terrible de la dette ».
Le temps des audits de la dette
Autre exemple servi lors de cette conférence : l’Argentine. D’après Toussaint, ce pays a suspendu en 2001 le paiement de la dette, justement après un mouvement social un peu comparable à celui de la Tunisie de janvier 2011. « L’Argentine a suspendu le remboursement de 1000 milliards de remboursement de titres de la dette de décembre 2001 à mars 2005. L’Argentine a également suspendu les remboursements de la dette au Club de Paris qui est un des principaux créanciers des pays d’Afrique subsaharienne avec le Fmi et la Bm... L’Argentine a suspendu le paiement de sa dette à l’égard du Club de Paris pour un montant de 6 milliards de dollars de 2001 jusqu’à aujourd’hui. Il n’y a aucun journaliste qui a entendu parler de cela. Parce que le Club de Paris ne veut pas qu’on sache ailleurs dans le monde qu’on peut refuser de le payer. Le Club de Paris ne dit rien et fait tout pour que cela ne se sache pas. Après dix ans de non paiement, l’Argentine dit qu’on peut recommencer à dialoguer avec le Club de Paris, mais le Fmi n’en fera pas partie. Le Club de Paris a accepté ; alors que d’habitude, il exige la présence du Fmi », fait-il remarquer.
Le dernier exemple qu’Eric Toussaint a donné, c’est le Paraguay qui a répudié sa dette à l’égard des banquiers suisses en 2005. « La Suisse n’est pas contente et a porté plainte contre le Paraguay qui a dit : "on s’en fout de ces condamnations. Mieux que cela, nous allons déposer une plante à la Haye contre la Suisse qui protège ses banquiers suisses." "Et la Suisse ne dit rien non plus", » ajoute-t-il. Avant de souligner qu’il donne cet exemple, pour qu’on sache qu’il y a d’autres sources d’inspiration pour d’autres gouvernements. « Les gouvernements sous la pression des mouvements sociaux doivent lancer des audits de la dette. Et prendre des mesures unilatérales de non-paiement de la dette », commente Toussaint. Il pense que la Tunisie pourrait suivre l’exemple « si on a un gouvernement dont sont absents les représentants du Rcd, un gouvernement réellement en rapport avec les mouvements sociaux pourra mettre en place une commission d’audit de la dette et à l’issue des résultats décider la suspension du paiement ».
Par Eric Toussaint le 17 février 2011
Source : Walf
Transmis par Linsay
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