Et c’est ainsi qu’Obama sera grand*…

mercredi 28 octobre 2009
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En juillet 2009 au cours d’une réunion du Conseil de la Défense Nationale cubaine, Raul Castro a rappelé qu’à la suite de l’attentat contre les Tours Jumelles de New York, l’administration Bush a annoncé ses desseins d’attaquer si nécessaire « les coins les plus obscurs du monde » (une soixantaine).

Le gouvernement nord-américain d’alors avait renforcé le blocus économique et intensifié la guerre médiatique contre Cuba à tel point que la suite logique était une action militaire directe.

Au cours de cette réunion du Conseil de la Défense Nationale cubaine, Raul Castro a évoqué une information rapportée par Bob Woodward, chercheur états-unien, au sujet d’une question que Bush avait posée à un officier de haut rang, peu après l’invasion de l’Irak. Bush lui avait demandé s’il voulait aller en Iran et celui-ci de répondre qu’il préférait aller à Cuba, où le rhum et les cigares sont meilleurs et les femmes plus belles. « Tu as fait mouche, tu as Cuba » avait alors répondu Bush.

Bob Woodward rapporte d’autre part dans son livre « Bush at war » qu’au cours d’une réunion du Conseil de la Sécurité Nationale des USA, Donald Rumsfeld, alors secrétaire à la défense, avait proposé une attaque massive contre Cuba. Le chercheur souligne que Bush n’a pas seulement accepté la proposition mais il a encore demandé un plan circonstancié dans un bref délai.

L’ordre d’attaquer n’a pas été donné, peut-être parce que l’armée US s’était engagée avec moins de succès que prévu dans l’invasion d’un autre pays dont nous savons tous aujourd’hui que, s’il possède du pétrole, il ne disposait pas d’ADM (Armes de Destruction Massive), contrairement à ce qu’avait affirmé l’Administration US relayée par l’ensemble des médias mondiaux.
A un moment, nous y avons tous cru, n’est-ce pas ?

Pour détruire La Havane, il faut le temps d’appuyer sur un bouton depuis la Floride et les missiles feront de la capitale cubaine la copie de Dresde dans une Allemagne vaincue. Pour envahir l’île, il suffit d’ouvrir les portails de Guantanamo qui est d’abord, ne l’oublions pas, une base militaire ennemie.

Militairement, c’est rapidement gagné. Politiquement, il faut d’abord persuader le monde du bien-fondé de l’opération. Là, les choses seront plus difficiles, je vais y revenir.

Par ailleurs, quiconque connaît Cuba mesure ce qui la sépare de l’Afghanistan ou de l’Irak. Les Cubains ont des acquis inestimables à défendre, ils sont fiers de leur révolution, ils sont instruits et un patriotisme exacerbé imprègne même les couches les plus critiques à l’égard du pouvoir. Fidel Castro a prévenu en son temps : en cas d’invasion, la guerre durera cent ans, elle fera un million de morts et Cuba serait sera le dernier pays que les USA se hasarderont à envahir.

Reste donc ce bon vieux blocus.

Blocus ou embargo ?

Des esprits tatillons soutiennent que les USA n’appliquent pas à Cuba un blocus mais un embargo. La preuve : des échanges commerciaux existent avec nombre de pays et il existe du tourisme.

Ne jouons pas sur les mots :
Les USA consacrent des moyens humains, financiers, diplomatiques énormes pour « empêcher [Cuba] de communiquer avec l’extérieur et de se ravitailler » (c’est la définition du blocus).

C’est à perfectionner le BLOCUS qu’ils travaillent. Et c’est, de l’aveu même de toutes les Administrations états-uniennes qui se sont succédé depuis 40 ans, une arme faite pour appauvrir et affamer la population et l’inciter à se révolter.

Au sein du Département du Trésor US, un bureau (OFAC - Office of Foreign Assets Control - Bureau de Contrôles des Biens Etrangers) enquête sur toutes les transactions commerciales et financières suspectes.
En 2004, 4 de ses 120 employés étaient affectés à la traque des finances d’Oussama Ben Laden et de Saddam Hussein, tandis que 25 étaient affectés à l’application du blocus contre Cuba.

Entre 1990 à 2003, l’OFAC a mené 93 enquêtes sur le terrorisme et a infligé des amendes pour un total de 9.000 dollars. Pendant la même période, il a instruit 11.000 enquêtes sur le blocus contre Cuba et a distribué 8.000.0000 dollars d’amendes aux contrevenants.

On lit parfois, exprimé en millions de dollars, pour impressionner, le montant de ventes de céréales des USA à Cuba. Autant dire que le commerce serait libre parce que vous avez vendu un grain de blé tout en interdisant la livraison de produits anesthésiants sans lesquels les malades seront opérés à vif.

Les mesures US ne sont pas efficaces à 100%, des échanges existent entre Cuba et des pays du monde (y compris avec des agriculteurs US).
Cela prouve deux choses :

1 – Le pouvoir des USA a des limites. Ils ne sont pas « les maîtres du monde » et l’appât du gain les plonge dans des contradictions.

2- Le blocus, s’il est plus qu’un simple embargo, est moins qu’une « mise en quarantaine », c’est-à-dire un isolement total (rien ne rentre, rien ne sort) par lequel on attendait jadis l’éradication des épidémies redoutées. Cernée par la mer, comme les galions maudits, Cuba a des côtes trop étendues pour une telle mesure. De plus, elle compte des amis innombrables qui jurent que la peste n’est pas à bord. Et qui y montent.

Dans de multiples domaines (notamment les technologies de pointe, les produits manufacturés complexes) et dans des secteurs vitaux (notamment médicaux, pharmaceutiques) son commerce avec son partenaire naturel (et le plus proche), les USA, est BLOQUE autant qu’il peut l’être. D’où le mot approprié : BLOCUS.

Même si le robinet de mon évier laisse couler quelques gouttes quand il n’est pas ouvert, je maintiens qu’il est fermé. Et il l’est !

Si un rai de lumière passe sous mes volets fermés d’autorité par un voisin irascible, ils ne sont pas entrouverts pour autant. Il veut me confiner dans le noir.

Dirions-vous d’un voyou qui nous porte des coups de couteau depuis 1960 sans nous tueur net que c’est un « blesseur » ?

Dirions-vous d’un viol (sans grossesse consécutive) que c’est un flirt un peu brutal ?

Employons donc le mot « blocus »

.

Chaque année, depuis 17 ans, au mois de novembre, un vote intervient à l’ONU sur la question du blocus. La communauté internationale le condamné chaque année. En 2008, 185 pays sur les 192 que compte l’ONU ont voté contre le blocus et 3 pour (USA, Israël et un micro-Etat de quelques centaines de milliers d’habitants, semi colonie US).

Le blocus contre Cuba perdure, bien que 79% des Etats-uniens le jugent inefficace et que 55% d’entre eux demandent qu’il soit levé. Un autre sondage réalisé par une organisation états-unienne montre que 70 % sont favorables à la levée des interdictions pour les ressortissants états-uniens de voyager dans l’île.

Il n’existe dans l’histoire aucun autre exemple de sanctions unilatérales similaires maintenues depuis si longtemps contre un autre pays.

En général, les détracteurs de Cuba prétendent que le « blocus n’explique pas tout ». Après quoi, ils sont incapables d’expliquer ce qu’il explique, car ils ne savent rien du blocus. D’autres prétendent même que le blocus est une aubaine pour les autorités cubaines car il sert de prétexte au « désastre économique ». Ce à quoi les Cubains répondent pas un défi lancé aux USA : « Faites-nous le tort de lever ce blocus, ne serait-ce qu’une année, pour voir ».

Sur quoi porte le blocus, quels secteurs sont touchés ? Tous les secteurs de la vie économique, financière, culturelle. Le blocus affecte les transports, les importations et exportations, le sport, l’éducation, la construction, les moyens de communication, la culture, la recherche, etc. Il n’est pas un domaine qui lui échappe.

Les autorités cubaines publient régulièrement un bilan sur le sujet. Je l’ai lu. Je ne peux vous imposer l’interminable énumération des méfaits du blocus dans mille domaines. Je vais simplement vous proposer un résumé de sa férocité dans le domaine de la santé publique :

Interdiction est faite aux entreprises US ayant l’exclusivité de leur fabrication de vendre à Cuba des matériels et équipements médicaux. Interdiction est faite à d’autres pays de les vendre à Cuba s’ils sont sous brevet US. Interdiction également d’échanges scientifiques, interdiction de participation à des congrès médicaux.

Exemples de matériel que Cuba ne peut se procurer

 :

Génétique médicale : appareils d’analyse pour étudier l’origine de cancers du sein, du colon, de la prostate, pour traiter l’hypertension, l’asthme, le diabète (fabriqués aux USA).

Chirurgie cardiovasculaire : équipement d’ablation d’électrode permanente sans lequel la solution est l’opération à thorax ouvert. Brevet US. Prothèses vasculaires, pinces pour biopsie (Société US).

Equipements pour hôpitaux pédiatriques : Sondes digestives et trachéales, aiguilles de Huber pour trachéotomie et ponction lombaires (fabrication états-unienne pour la plupart).
Médicament contre la leucémie (fabrication US).

Equipements contre les cardiopathies permettant d’éviter les opérations à cœur ouvert (fabrication US).
Microscope électronique fabriqué par Hitachi, au Japon (refus de vente pour cause d’extraterritorialité des lois sur le blocus).

Pièces de rechange pour des équipements fournis. Refus de livrer par Philips Médical.

Equipements de pointe, comme une chambre gamma utilisée pour des études d’isotopes radioactifs en médecine nucléaire, des appareils de résonance magnétique et des équipements d’échographie de haute précision. Refus par Toshiba.

Une association de pasteurs US veut offrir à Cuba trois ambulances Ford d’occasion. On le leur interdit.

Voila pour ce qui concerne la santé des hommes, des femmes, des enfants cubains.
Sachez que ces pratiques sont généralisées et touchent les moindres détails dans tous les domaines. On m’a cité l’exemple d’une ambassade cubaine en Europe qui a même eu du mal à se procurer du toner pour photocopieuse, la succursale du fabricant états-unien refusant la vente en application des lois extraterritoriales sur le blocus.

Le blocus est génocidaire.

La Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1948, souscrite par le gouvernement des États-Unis et par Cuba, entrée en vigueur en 1951, souscrite et ratifiée par 124 États, stipule textuellement en son article II :

« Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quelconque des actes énumérés ci-après, commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux... ».

Actes concernés : la « Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ».

Huit mois à peine après l’adoption de cette Convention sur le génocide (1948), les Nations Unies à Genève adoptaient, dans une conférence internationale convoquée par le gouvernement suisse, une nouvelle Convention relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, souscrite et ratifiée par les gouvernements des États-Unis et de Cuba, entrée en vigueur le 21 octobre 1950 et ratifiée à ce jour par 188 États.

Ladite Convention stipule à son article 23 :

« Chaque partie contractante accordera le libre passage de tout envoi de médicaments et de matériel sanitaire, ainsi que des objets nécessaires au culte, destinés uniquement à la population civile d’une autre Partie contractante, même ennemie. Elle autorisera également le libre passage de tout envoi de vivres indispensables, de vêtements et de fortifiants réservés aux enfants de moins de quinze ans, aux femmes enceintes ou en couches. »

Le Protocole additionnel I à ladite Convention stipule dans son article 54 qui traite de « la protection de biens indispensables à la survie de la population civile. »

« 1. Il est interdit d’utiliser contre les civils la famine comme méthode de guerre ».

Le 23 septembre 2009, Barack Obama a déclaré devant l’ONU « Aucune nation ne doit être forcée d’accepter la tyrannie d’une autre nation, aucune nation ne peut ni ne doit tenter de dominer une autre nation ».

Il paraphrasait ainsi avec bonheur un texte que Victor Hugo avait écrit en 1870 pour les femmes cubaines réfugiées à New York pour échapper aux soldats espagnols : « Aucune nation n’a le droit de poser son ongle sur l’autre, pas plus l’Espagne sur Cuba que l’Angleterre sur Gibraltar. Un peuple ne possède pas plus un autre peuple qu’un homme ne possède un autre homme. Le crime est plus odieux encore sur une nation que sur un individu ; voilà tout ».

« La démocratie, a poursuivi Obama, ne peut pas être imposée à une autre nation de l’extérieur. Chaque société doit trouver sa propre voie, et aucune voie n’est parfaite. Chaque pays doit poursuivre une voie ancrée dans la culture de son peuple et dans ses traditions, et je reconnais que les Etats-Unis ont, trop souvent, été sélectifs dans leur promotion de la démocratie ».

Il a ajouté que les Etats-Unis devaient « entrer dans une nouvelle ère d’engagement basée sur les intérêts et le respect mutuels ». Et il a demandé aux sceptiques « de jeter un œil aux actions concrètes prises en à peine neuf mois ».

Le ministre des Affaires étrangères cubain a salué la bonne volonté d’Obama le qualifiant d’« homme politique moderne, intelligent et animé de bonnes intentions », tout en regrettant qu’il n’ait pu saisir « l’opportunité historique d’user de ses facultés exécutives et d’être à l’origine de l’élimination du blocus contre Cuba ».

Il faut déplorer des contradictions notables entre le discours et les actes, rares et timides.
En avril 2009, Obama avait affirmé vouloir ouvrir un nouveau chapitre de rapprochement avec Cuba tout au long de son mandat.

Il a effectivement levé en septembre des restrictions affectant les Cubains vivant aux Etats-Unis et ayant de la famille sur l’île. Désormais, les Cubains peuvent se rendre tous les ans dans l’île (au lieu de 14 jours tous les trois ans auparavant), et effectuer des transferts de fonds plus importants à leurs familles (100 dollars par mois auparavant).

Mais il faut savoir qu’avec cette mesure, Obama a simplement rétabli la règle en vigueur jusqu’en 2004. Cependant, les citoyens cubains vivant aux Etats-Unis et n’ayant pas de famille dans leur pays d’origine ne peuvent toujours pas s’y rendre. Par ailleurs les citoyens états-uniens peuvent se rendre partout dans le monde, même en Chine, au Vietnam ou en Corée du Nord, mais pas à Cuba.

L’administration Obama a également élargi la gamme de produits qui peuvent être envoyés à Cuba (aux vêtements, produits hygiéniques et au matériel de pêche (interdits auparavant). Elle a également permis aux entreprises états-uniennes de télécommunication de fournir certains services à Cuba.

En septembre 2009, la sous-secrétaire d’Etat aux Affaires interaméricaine, s’est rendue à La Havane pour entamer des discussions sur la restauration du service postal entre Cuba et les Etats-Unis suspendu depuis 1963 et sur les questions migratoires. Elle est le plus haut fonctionnaire en visite officielle à Cuba depuis 2002. On note aussi dans les discours de l’administration Obama un decrescendo dans l’agressivité.

Cependant, Obama n’a pas abrogé la loi d’ajustement cubain qui favorise l’émigration illégale à destination des Etats-Unis. En effet, tout Cubain entrant, même illégalement, aux Etats-Unis, obtient automatiquement au bout d’un an le statut de résident permanent et diverses aides pour obtenir un logement et un emploi. Cette législation, unique au monde, favorise la fuite des cerveaux et elle prive Cuba d’un capital humain considérable. Elle ne concerne pas d’autres étrangers que les Cubains. Et pour cause : imaginez qu’un Mexicain mettant le pied aux USA dispose des même droits qu’un Cubain… A l’exception des Cubains, tous les étrangers entrant illégalement aux USA sont emprisonnés puis refoulés, quand ils ne sont pas abattus.

L’administration Obama continue à financer des groupuscules dans l’île, financement illégal aux yeux du code pénal cubain et de la législation internationale.

Les USA continuent à inonder l’île d’émissions de Radio et télévision, destinées à déstabiliser le gouvernement cubain.

Les USA refusent toujours de rendre la base de Guantanamo occupée illégalement depuis 1902, contre la volonté des Cubains.

Un bateau qui mouille dans un port Cubain ne peut toujours plus approcher d’un port US avant 6 mois.
Cuba est toujours le seul pays au monde à qui les USA interdisent l’accès à Internet par le câble.
Depuis l’élection d’Obama, sept multinationales ont été sanctionnées financièrement pour un montant total dépassant les six millions de dollars pour ne pas avoir respecté les restrictions à caractère extraterritorial relatives au commerce ou aux flux de capitaux avec Cuba.

En septembre 2009, Obama a décidé de reconduire la Loi de Commerce avec l’ennemi qui établit les sanctions économiques contre Cuba.

Cuba figure toujours sur la liste des pays terroristes établie par les Etats-Unis. Pour l’anecdote, Nelson Mandela figurait sur cette liste jusqu’en juillet 2008.

Autres signes qui montrent les limites de la décrispation annoncée, des refus de visas à des Cubains voulant participer à des congrès ou des manifestations culturelles aux USA, ou des refus de laisser des médecins étasuniens participer à des Congrès internationaux à La Havane.

Cependant, 161 représentants et 33 sénateurs, veulent faire adopter une loi pour mettre fin à cette interdiction de voyager à Cuba. Pour être adoptée, elle doit réunir 218 voix à la Chambre et 60 au Sénat. Néanmoins, Barack Obama dispose des prérogatives nécessaires pour mettre un terme à cette interdiction en signant un simple ordre exécutif. Cuba se déclare prête à accueillir deux millions de touristes états-uniens qui pourront circuler librement dans l’île.

L’ancien président Bill Clinton, époux d’Hillary Clinton secrétaire d’Etat, a qualifié les sanctions économiques de politique « absurde » et d’« échec total ».

Le président OBAMA ne dispose pas des pouvoirs pour éliminer le blocus, mais il peut considérablement l’assouplir par le biais de décisions exécutives et de licences.

En attendant, l’état de siège se prolonge contre un petit pays pauvre qui n’a jamais commis la moindre agression contre les USA.

Depuis 1960, le blocus a coûté environ 96 milliards de dollars à l’économie cubaine.

Mais Cuba reste debout, indépendante, souveraine aux portes d’un empire. C’est une situation inédite car la loi historique naturelle est que les petits pays, à plus forte raison les îles, tombent dans le giron des puissances voisines (voyez la Corse, voyez la Sardaigne, etc.). Or, les USA, depuis qu’ils existent, revendiquent Cuba comme une partie de leur territoire.

Cuba paie d’un prix terrible cette résistance, mais elle préserve l’essentiel de l’âme de sa Révolution.

Juste une anecdote pour étayer cette affirmation, sans m’éloigner de la question du blocus. Je la tiens d’un témoin direct. Au cours d’une réunion au sommet à Cuba, un intervenant dit : « Le blocus de l’Irak imposé par Bush senior depuis dix ans, a entraîné la mort de faim de 500 000 enfants irakiens ». Fidel Castro, alors aux affaires, l’interrompt pour lui rétorquer : « Non, ce n’est pas le blocus qui a tué 500 000 enfants irakiens, c’est Saddam Hussein. Nous, ici, nous subissons un blocus depuis plus de 40 ans, et aucun enfant cubain n’est mort de faim ».

Pour conclure, le blocus sera-t-il levé ? Oui, mais quand ?

Tout dépend de plusieurs facteurs :

1 - La pression de l’opinion publique mondiale. Elle existe. Les pays du tiers monde ont pour Cuba les yeux de Chimène pour Rodrigue. Lors de la première tournée de Barack Obama en Amérique latine les représentants des pays du sous-continent lui ont demandé, par motions, résolutions, ou les yeux dans les yeux, de lever le blocus contre Cuba.

Il faut savoir que la France est un cas particulier, s’agissant de la question cubaine. Dans de grands pays d’Europe, comme l’Allemagne, la Grande-Bretagne, l’Espagne, la classe médiatico-politique est mieux informée que chez nous. On voit des journalistes écrire des articles sur, par exemple « les cinq cubains », ces antiterroristes encagés aux USA, on voit des parlementaires intervenir dans ces pays sur cette question, on lit des articles, jusque dans la presse états-unienne, mais rien en France. Douze prestigieux prix Nobel sont déjà intervenus sur Cuba, mais pas un seul député ou sous-ministre français ou président de région ou journaliste de renom. C’est l’exception française dont j’attribue la cause à une fausse ONG française qui s’appelle Reporters sans frontières, qui publie chaque année un millier de communiqués prêts-écrits pour les médias (un coupe-collé suffit pour les diffuser) et qui s’acharne depuis plus de 20 ans, sans répit, contre Cuba. Intervient ensuite le phénomène que Pierre Bourdieu appelait « la circulation circulaire de l’information ». Les journalistes se lisent entre eux, un discours s’auto-construit. Prenons l’exemple de l’expression « lider maximo » qui est une invention de la CIA pour faire croire que les officiels Cubains parlent ainsi de Fidel Castro, comme les Chinois parlèrent du « grand timonier » ou les Russes du « petit père des peuples ». Jamais un Cubain n’a employé cette expression (de haut en bas, ils disent « Fidel »), mais vous ne pouvez échapper à un article, un reportage, sans que le journaliste vous la serve.

Je reviens aux facteurs qui pourraient favoriser la levée du blocus :

2 - La pression des industriels et agriculteurs US. Elle ne cesse d’augmenter. Celle des pétroliers, aussi qui voient des compagnies vénézuéliennes, espagnoles, chinoises entreprendre des forages dans le golfe de Floride dans les eaux territoriales cubaines, et qui craignent de voir leur échapper cette source d’approvisionnement qui peut jaillir devant leur porte.

Dernier facteur :

3 - Le courage politique et physique de Barack Obama.

Courage physique dont ont toujours dû faire preuve les grandes figures politiques du continent américain : voyez José Marti, Bolivar, Sandino, le Che, Raul et Fidel Castro, Chavez, Allende, voyez le hondurien Zelaya qui est revenu clandestinement à Tegucigalpa après avoir été expulsé du pays par l’armée, voyez Martin Luther King…

L’écrivain Etats-unien William Blum a expliqué dans son livre « L’État Voyou » (Éditions Parangon) ce qu’il ferait s’il présidait les USA.

« Si j’étais président, j’arrêterais en quelques jours les attaques terroristes contre les États-Unis. Définitivement.

D’abord, je présenterais mes excuses à toutes les veuves, aux orphelins, aux personnes torturées, à celles tombées dans la misère, aux millions d’autres victimes de l’impérialisme américain.

Ensuite, j’annoncerais aux quatre coins du monde que les interventions américaines dans le monde sont définitivement terminées, et j’informerais Israël qu’il n’est plus le 51e État des États-Unis mais dorénavant — chose curieuse à dire — un pays étranger.

Et puis, je réduirais le budget militaire d’au moins 90 %, utilisant le surplus à payer des réparations aux victimes. Ce serait plus que suffisant. Le budget militaire d’une année, soit 330 milliards de dollars, équivaut à plus de 18 000 dollars de l’heure depuis la naissance de Jésus-Christ.

Voilà ce que je ferais les trois premiers jours.

Le quatrième jour, je serais assassiné. »

Le 18 septembre 2009, 7 anciens directeurs de la CIA ont exhorté le président à clore les enquêtes ouvertes contre les excès commis lors des interrogatoires de terroristes sous l’ère de Bush (en clair, la torture).

On voit à quels intérêts puissants, à quel conservatisme, parfois à quel obscurantisme, Barack Obama se heurte. Mais dans la marge de manoeuvre étroite dont il dispose, il peut se tailler, ou un costume de gestionnaire, ou un costume de grand homme d’Etat.

L’ancien sénateur de l’Illinois a obtenu le prix Nobel de la paix 2009. Fidel Castro a jugé cette attribution positive car elle est à ses yeux « une critique de la politique génocidaire suivie par nombre de présidents de ce pays qui ont conduit le monde au carrefour où il se trouve aujourd’hui, une exhortation à la paix et à la recherche de solutions qui permettrait à notre espèce de survivre ».

La plupart des citoyens du monde encouragent Obama à mériter ce prix, y compris son compatriote Michael Moore quand il lui dit « Mes félicitations, président, pour le prix Nobel de la paix. Maintenant, s’il vous plaît gagnez-le donc ! »

Ce qui nous ramène au blocus. Mettre fin à cet acte de guerre génocidaire, serait un petit pas pour Obama et un grand pas pour l’humanité.



*Texte d’une conférence donnée le 22 octobre 2009 dans les locaux de l’Institut d’Etudes Politiques de Toulouse en présence de l’ambassadeur de Cuba en France, sous le titre : « Cuba : Obama va-t-il enfin lever le blocus ? » dans le cadre des « Trois jours par Cuba » organisés par France-Cuba et les Jeunesses communistes.



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