« Comment se fait-il que l’on voit dans certains de ces campements tant de si belles voitures, alors qu’il y a si peu de gens qui travaillent ? » Non ce n’est pas un propos de café du commerce mais celui d’un ministre de l’intérieur nommé Sarkozy qui en 2002, suite à cette puissante « réflexion » décidait de prendre (déjà !) à bras-le-corps « le problème rom ». Quelques démantèlements plus tard l’opération fait flop en particulier pour des problèmes de procédure et de règles européennes que le même s’acharne à défendre par ailleurs…

8 ans plus tard notre cafetier limonadier en chef [1] remet ça en découvrant sur le zinc que tous les roms sont des délinquants dangereux et illégaux…et que depuis 2002 il n’a rien réglé du tout !

Nombre de scientifiques et de journalistes ont dénoncé à juste titre l’amalgame fait par notre limonadier entre roms et gens du voyage, amalgame d’autant plus surprenant qu’il était fait au lendemain d’une affaire qui avait mis en cause un français sédentaire (ne faisant donc pas partie des gens du voyage) d’origine gitane…et ne se disant donc pas rom ! A partir de là une question se pose : soit notre limonadier est un escroc, soit c’est un inculte…soit il est les deux à la fois !

Roms, gitans, manouches

Il n’est pas inutile de rappeler succinctement qui sont les « amalgamés » :

 Les Manouches et les Sinti, sont des européens ayant quitté l’Inde aux alentours de l’an 1000 installés en France (et aussi en Italie, au Benelux et en Allemagne) depuis. C’est de cette communauté que sont issus Django Reinhart, les familles Bouglione et Zavata...

 Les Gitans, andalous ou catalans (midi de la France, Italie, Espagne) parlent espagnol et comme les manouches refusent souvent d’être assimilés aux roms tant leur histoire s’est différenciée au cours des siècles depuis l’Inde originelle. Nombre d’entre eux viennent d’Afrique du Nord et sont des pieds noirs rapatriés qui n’ont eu droit qu’à des bidonvilles comme lieux « accueil ». Le plus connu d’entre eux est Manitas de Plata

 Les Roms vivent surtout en Europe Centrale, en particulier Roumanie (où ils représentent 2,5% de la population du pays) et Bulgarie..

 Les Yéniches ou tsiganes blancs (Allemagne, Suisse, Autriche, Alsace et Belgique.) dont l’origine est encore mal connue, ils auraient à la suite d’événements historiques, quittés le Palatinat vers 1600 et adopté le mode de vie itinérant.

Quant aux gens du voyage, rien à voir ! Comme le terme l’indique il désigne des voyageurs et il s’agissait jusqu’à ce mois de juillet 2010 (et encore depuis, quoique tente de faire croire l’UMP en ordre de marche derrière leur pétainiste de chef) d’une catégorie juridique définie par deux décrets de 1972 régissant les professions ambulantes et en aucun cas une référence à une nationalité ou une ethnie !!! Il ne peut d’ailleurs en être autrement puisque seuls 15% des tsiganes de France sont itinérants et parmi la population itinérante en France ils ne sont qu’une minorité.

Le drame c’est que notre limonadier faisant des émules un maire de Bretagne vient d’ailleurs d’interdire à un cirque de s’installer dans sa ville au prétexte qu’il s’agissait de « gens du voyage » : et donc de roms voleurs d’enfants et de poules ?
A Pertuis le maire UMP a décidé de chasser les gitans des maisons qu’ils occupent parfois depuis plusieurs décennies [2] et parle d’eux comme de « gens du voyage »…Pour des pertuisiens installés depuis plus de 20 ans cela fait bizarre.

Une montée organisée du rejet.

Car les propos de l’équipe au pouvoir ont cela pour première conséquence : faire monter dans la population de France le rejet de l’autre et le rendre responsable de tout : la délinquance, la saleté, la mal-vie, le chômage….Permettre aux français de se diviser en se trompant de colère voilà le but. D’autant que pendant ce temps ça les distraira de l’affaire Woerth/Bettencourt ou de la bataille sur les retraites.

Cette montée organisée ne se limite d’ailleurs pas à la France puis qu’outre l’Italie ou Romano Prodi avait entamé le bal [3] (pour le plus grand profit de Berlusconi qui s’était appuyé sur l’offensive raciste envers les roms pour mener sa campagne électorale), en Bulgarie le parti Ataka, avait appelé à « transformer les Tziganes en savon », en Hongrie, en Tchéquie, en Scandinavie et dans d’autres pays d’Europe [4] le même phénomène de rejet s’exprime. Et il est bien pratique pour masquer la responsabilité du capitalisme international et son outil qu’est l’UE dans l’opposition des travailleurs entre eux.

Dans un espace politique où le plombier polonais devenu le menuisier allemand se trouve en concurrence avec les chômeurs de nombre de pays de l’UE et cela uniquement à cause de choix économiques, les roms sont une cible idéale en particulier depuis que les changements politiques à l’Est de l’Europe les contraignent à l’exil.

Ceausescu le regretté ?

Car si le rejet des tsiganes, roms et autres gitans a toujours existé au cours de l’histoire, il y a un phénomène nouveau concernant les roms de Roumanie, dont peu de commentateurs parlent.

Pourquoi, aujourd’hui, plus que dans le passé, des roms (mais aussi des habitants des pays de l’Est) et en particulier des Balkans viennent-ils en France ?

Avec la chute de l’union soviétique les populations ont connu la guerre des Balkans et l’offensive d’un capitalisme n’ayant plus de frein en face. Nombre de roms de Roumanie le disent : « Avant on avait un lopin de terre, l’école et la santé gratuites, maintenant on n’a plus rien et en plus on est discriminés. On nous a tout pris » Et certains de dire ouvertement leur regret de l’ancien dirigeant Ceausescu. Qui l’eut cru ?...

Le système roumain comme celui de ses voisins avait ses failles et ses défauts, mais le système qui lui a succédé produit lui exclusion, discrimination, appauvrissement…et donc fuite pour la survie. Le gouvernement français peut bien montrer du doigt la Roumanie ou la Bulgarie censés ne pas savoir tenir leurs ressortissants chez eux la situation actuelle résulte des règles économiques et sociales de l’UE, de son élargissement, de ses normes de circulation à l’intérieur des pays membres et des différences de niveau de vie nation par nation, toutes conséquences de choix que l’UMP et le PS ont toujours approuvés. Ce sont ces choix-là qui expliquent que près d’un million d’est européens vivent aujourd’hui en Europe de l’Ouest et que 335 000 de plus sont attendus pour les 10 ans à venir [5]. A comparer avec les 15 000 roms de Roumanie [6] actuellement en France.

Un état protecteur des droits humains fondamentaux ne serait pas confronté à cet exode massif d’une partie de sa population et de ce point de vue on ne peut pas dire que la chute de l’union soviétique constitue un progrès. Comme le dit la journaliste roumaine Doina Doru : « Comment pourrions-nous nous soucier de la minorité quand l’avenir de la majorité est si incertain ? »

L’exode d’ailleurs est d’autant moins évitable que la libre circulation est la règle à l’intérieur de l’UE. La France le sait bien qui a tenté de se justifier devant le CERD [7]. La délégation française a expliqué qu’il est possible de maintenir certaines restrictions de circulation durant 7 ans à l’encontre des ressortissants de pays membres depuis peu de l’UE [8]. Quant au renvoi dans leur pays d’origine, il est également "conforme", selon elle, au droit européen qui stipule que tout Etat peut mettre fin au séjour de plus de trois mois d’une personne sans emploi et « qui constitue un poids social » (sic !). Affirmations gratuites démenties par la réalité qui voit revenir en France des roumains, roms ou pas, immédiatement après leur expulsion….définitive !

On le sait ces explications n’ont pas convaincu le CERD qui a pointé une "recrudescence notable du racisme et de la xénophobie" dans le pays, épinglant notamment la politique du gouvernement envers les Roms et les "Français d’origine étrangère". L’expert turc Gun Kut du CERD a dit "Je ne comprends pas ce que c’est qu’un Français d’origine étrangère" et "je me demande si cela est compatible avec la Constitution" et l’expert nigérien Waliakoye Saidou a dénoncé « Le carnet de circulation nous effraie, nous rappelle l’époque de Pétain ».

Délinquance et café du commerce

Cette politique de café du commerce qui stigmatise en permanence des populations en raison de leurs différences soulève de plus en plus de protestations à gauche comme à droite même si nous ne sommes pas dupes sur le degré de sincérité de des auteurs de certaines de ces déclarations. Nombre d’hommes de droite de Kahn aux villepinistes, font aujourd’hui – fait nouveau – à leur tour référence à Vichy et Pétain et aux rafles de cette époque en particulier depuis l’épisode de Montreuil. Sur le plan politique si cette politique divise l’UMP, elle produit ce qu’il fallait redouter, une augmentation de 3% du FN dans les sondages…

Elle divise les habitant-e-s de France et fait craindre pour la cohésion nationale et la montée des haines entre populations qui se côtoient. Nous ne sommes pas au Kirghizistan ou en Italie mais nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle montée des violences racistes qu’elles visent les arabes, les noirs, les musulmans ou maintenant les roms et les gitans.

Cette politique qui nous enfonce un peu plus à chaque déclaration musclée dans le fascisme fait craindre pour les libertés qui se sont bien restreintes depuis 10 ans et fait craindre aujourd’hui pour la liberté et la démocratie. Elle fait craindre aussi pour les droits des travailleurs de France dont, au nom de la sécurité, le droit de revendiquer contre un capitalisme toujours plus agressif et vorace, est sans cesse rogné et remis en question comme le montrent le nombre grandissant de dossiers de criminalisation du militantisme sous toutes ses formes.

Car ne nous y trompons pas, je ne sais si le gouvernement est raciste par calcul ou par conviction mais ce qui est sûr c’est qu’il est anti pauvres parce qu’il a pris le parti des riches ! Un émir sera reçu à bras ouvert à Deauville pendant qu’un chômeur maghrébin sera discriminé dans son quartier. La mise en place de l’immigration choisie pour des soi-disant « métiers en tension » en est un autre exemple… [9] Ce gouvernement au luxe insolent, dont les seuls frais de déplacement du chef de l’état, en hausse de plus de 50% en 2009, ont largement franchi la barre des 22 millions d’euros [10] (sans parler de son avion joujou qui coûte une fortune) est de plus en plus mal supporté par des français à qui on veut faire subir la rigueur d’où bien sûr les opérations diversion que l’on peut mettre en échec d’autant que 10 millions de français sont, sur 3 générations, issus de l’immigration…

Agir pour une autre politique

Qui nierait qu’il y a en France des problèmes dus au chômage, à la mal vie, à la délinquance et que cela ne fait que s’aggraver depuis plus de 10 ans ? Personne.

Les points sur lequel nous devons nous rassembler, et là-dessus le peuple des militant-e-s a une responsabilité particulière, c’est de déterminer les causes et les remèdes à ces problèmes réels. Et nous avons des atouts pour le faire. Le récent sondage commandité par Marianne indique entre autres que :

 69% d’entre eux trouve que la politique menée depuis 8 ans n’a pas été efficace en matière de lutte contre l’insécurité (un comble pour quelqu’un qui voulait mener une politique au Karcher !),
 73% (dont 68% chez les sympathisants de droite) jugent que les inégalités sociales sont la principale cause de ce problème : tout l’inverse des rodomontades présidentielles.

Ce même sondage montre d’ailleurs qu’une majorité de français serait favorable à ce qu’on retire leur nationalité aux français exilés fiscaux en Suisse ou ailleurs…Effectivement on peut dire qu’il y a dans ce cas « trouble à l’ordre public » et « atteinte aux intérêts supérieurs de la nation » !

A partir de là nous devons faire sur les questions du racisme aucune concession ni couper cette question du reste des choix politiques.

 Démontrer par les chiffres que la part des étrangers dans le taux de délinquance n’est pas plus élevées que parmi les français [11]

 Dire et redire qu’aucune thèse sur l’échelle des races n’est scientifiquement fondée, mais que par contre l’histoire a montré qu’elles ont toujours été source de guerre et de monstruosité

 Dire et redire qu’en accord avec ¾ des français nous savons qu’il y a corrélation directe entre inégalités sociales et montée de la délinquance et de la pauvreté. Que des cités ghettos où la fatalité et le désespoir dominent sont les lieux idéaux de propagation de toutes les combines de la survie et ce d’autant que le gouvernement des cigares de Blanc à Bettencourt, montre tous les jours l’exemple de la délinquance en col blanc…et de l’impunité pour des sommes qui font pâlir d’envie tous les petits dealers de quartiers.

 Que si des problèmes d’hygiène ou de respect du voisinage sont parfois posés par des habitant-e-s de ce pays la solution se nomme prévention, accompagnement social, émancipation politique, police de proximité…mais certainement pas expulsion. Car franchement qui peut croire que quelque pays au monde peut devenir par une politique d’exclusion massive un ilot d’opulence dans un monde contraint à la misère, d’autant que cette opulence vient pour une large part de pays étrangers que l’on pille ?

 Exiger, aux côtés des roms et autres populations discriminées, des lieux d’accueil décents auprès des mairies et préfectures concernées : tout le contraire de ces maires et élus de « gôche » qui ont manifesté ou écrit [12] pour avoir des roms…ailleurs que « chez eux ».

On peut regretter que ce ne soit pas le 7 qui a été choisi (et avoir une opinion sur le choix de la date) comme jour de protestation à la politique raciste. Le 4 septembre ayant été choisi, on y sera.

Il reste que si le 4 est important, le 7, d’une part parce que c’est le jour ou le projet de loi raciste doit être présenté au conseil des ministres, d’autre part parce que nous devons montrer la cohérence de ce gouvernement de la droite la plus dure, nous devons manifester pour la sécurité sociale dans toutes ses dimensions : santé, travail, logement, vie tranquille…

La sécurité sociale c’est tous ce que les différents gouvernements nous rognent depuis des années ce qui produit la mal vie que notre peuple connait. Le 7 septembre nous manifesterons pour mieux vivre dans un pays à la cohésion retrouvée grâce à une répartition des richesses qui soit décidée par et pour les travailleurs garantissant ainsi leurs droits humains fondamentaux et le progrès social.

Travaillons toutes et tous, pour que les premières victimes de l’insécurité sociale - des roms aux chômeurs des quartiers populaires - soient massivement présents le 7 pour exiger, au côté des travailleurs à statut, une sécurité sociale à laquelle ils n’osent même pas rêver.

La cohésion sociale des travailleurs formels ou informels, précaires ou en emploi stable, en un mot la solidarité de classe est une dimension de la lutte que la crise qui s’aggrave rend encore plus nécessaire.
Le progrès, humain et social est à ce prix.