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Plan "d’aide à la Grèce"

On est sauvés (I)

vendredi 5 août 2011, par Charles Hoareau

à‡a y est ! Depuis le 21 juillet on est sauvés !
Enfin c’est eux qui le disent. Eux, Sarkozy, Merkel, Trichet…

La Grèce est sauvée, l’euro est sauvé, « l’Europe » (le continent ? l’Union de 27 pays ? les 17 pays de la zone euro ? on ne sait pas bien de quoi ils parlent) elle aussi est sauvée et donc selon eux, de ce fait, nous sommes tous sauvés.

On a évité la catastrophe...parait-il

Imaginez un peu qu’il n’y ait pas eu ce plan… « d’aide » à la Grèce : cela aurait été une catastrophe nous disent nos « sauveurs ».
Sans les 109 milliards d’euros prêtés à la Grèce, (qui s’ajoutent aux 110 de l’an passé qui n’avaient pas suffi [1]) que se serait-il passé ? Je ne suis pas économiste mais si j’ai bien compris les explications des experts en sauvetage et notations que les médias nous envoient, la Grèce, en fait l’état grec aurait été en défaut. Et alors ? Eh bien il n’aurait pas pu payer ! Et payer qui ?

  Les banques qui ont prêté (à 5,5% [2]) à la Grèce de l’argent qu’elles ont emprunté à 1% à la BCE. Avec un défaut de paiement elles auraient dû rogner leurs profits…records depuis la crise . Franchement ça vous ennuie vous ?

  Les commandes passées auprès de ce que l’on nomme pudiquement les investisseurs étrangers. Pour ne prendre qu’un exemple…presque au hasard, en défaut de paiement l’état grec (et non la Grèce dont le peuple dit quotidiennement depuis des mois qu’il ne veut pas payer une dette qu’il n’a pas contractée), cet état donc ne pourrait pas payer à la France 2,5 milliards pour 6 frégates [3], 2,1 milliards pour 15 hélicoptères Puma [4] et 4 milliards pour 40 Rafale (l’avion invendable que notre sauveteur en chef voudrait bien vendre enfin à un pays autre que le nôtre) …soit un total de 8,6 milliards [5] 15 milliards de prêt d’argent public pour 8,6 milliards de recettes d’argent privé…c’est plutôt un bon calcul pour Dassault et consorts qui se révèlent dans cette affaire les vrais secourus de l’opération.
 [6] Franchement si l’état grec ne peut acheter des armes françaises cela est plutôt de nature à nous rassurer, non ?

C’était la seule solution disent-ils

J’entends déjà d’ici des gens des milieux autorisés me dire qu’on voit bien que je ne suis pas économiste et qu’avec mes raccourcis simplistes je propose des solutions irréalisables. Oui mais alors que s’est-il passé en Argentine en 2001 où le pays est tombé en faillite suite à sa décision d’aligner sa monnaie, le peso, sur le dollar, sans pouvoir intervenir sur celui-ci…un peu comme l’euro qui a remplacé le drachme, la monnaie grecque ?

Eh bien l’Argentine a repris sa souveraineté sur le peso (tiens, tiens !) en cessant de l’aligner sur le dollar et s’est déclarée en défaut de paiement, c’est-à -dire qu’elle a refusé de payer, les capitaux et les intérêts de la dette. Elle a imposé aux investisseurs étrangers un plan de réduction de celle-ci et finalement 75% d’entre eux ont fini par accepter les conditions de l’état argentin. Bien sûr plusieurs grands groupes ont tenté le chantage à l’emploi en abandonnant les unités de production arguant que l’état argentin les avait contraints à la faillite. Dans de nombreuses entreprises les salarié-e-s ont alors repris la production et aujourd’hui 10 000 salarié-e-s travaillent dans des entreprises autogérées. Quelques entreprises autogérées ont été maintenant acquises légalement, d’autres sont toujours occupées par les employés sans statut légal. Le gouvernement argentin étudie actuellement une loi d’expropriation qui permettrait le transfert légal des usines occupées aux travailleurs.

Donc aux « experts » qui, lorsque vous leur parlez de non paiement de la dette, vous disent d’aller vous faire voir chez les grecs, répondez leur d’aller se faire voir chez les argentins.

La réalité c’est qu’entre le peuple grec et les institutions financières les gouvernements ont choisi d’épargner ces dernières.

Leur solution à eux c’est quoi ?

Leur solution c’est que les pays s’acquittent à tout prix de leurs dettes en faisant payer les peuples : casse protection sociale, services publics…etc. Cela le peuple grec et les autres l’ont bien compris…

Mais est ce que d’un point de vue strictement économique, dans leur vision à eux et sans se préoccuper du social, leur solution en est une ? Eh bien pas du tout !

En fait leur sauvetage miracle c’est la mise en œuvre d’un fonds européen dont les états de la zone euro sont actionnaires. Ce fonds, abondé donc par chaque état (80 milliards pour la France), prête moyennant garanties à l’état en difficulté [7]. C’est ce fonds qui intervient pour la Grèce [8]

Ce fonds, le FESF exige de chaque état une garantie de 165% du montant du prêt que celui-ci accorde. Ainsi la décision de l’état français de prêter à l’état grec 15 milliards nous engage tous en tant que contribuable à hauteur de 15 milliards X par 165% = 25 milliards. C’est facile de prêter avec notre argent….

Donc pour résumer, leur solution c’est de prêter de l’argent à un état qui est déjà surendetté.

Drôle de solution qui, si on l’appliquait à un particulier qui est en surendettement, passerait pour de l’acharnement thérapeutique économique… et au final, pour un remède pire que le mal [9]. Mais il y a encore pire car les prêteurs sont eux-mêmes surendettés !

Si on a bien compris la crise qui menace toute la zone euro vient de ce que la Grèce est trop endettée. Un pays, qui ne représente que 1,8% du PIB total, peut donc à lui tout seul faire chuter tout l’édifice économique de cette union !

Les chiffres donnés par les médias le sont toujours en pourcentage du PIB faisant apparaître la Grèce dans le peloton de tête des mauvais élèves (on remarquera que la France 4ème n’est déjà pas bien placée pour donner des leçons !)

Mais si on considère le total des sommes dues par pays et par l’ensemble de l’union, alors là leur plan n’apparaît plus du tout comme une solution mais comme une fuite en avant.

Les chiffres du tableau ci-dessous sont ceux de 2010, donc avant que leur fameux plan ne vienne encore aggraver l’endettement général.

source Eurostat

Non seulement la Grèce n’est pas le seul pays endetté mais d’autres le sont dans des proportions encore plus importantes. Ainsi la dette de la France est près de 5 fois supérieure à celle de la Grèce et la France et l’Allemagne totalisent à elles seules plus de 28% de la dette de la zone euro !...

On n’en a donc pas fini et déjà ils nous préparent le coup sur l’Espagne et l’Italie.

Je ne sais pas vous mais moi c’est dans ces moments là que je repense à un certain Karl qui disait que le capitalisme est un système historiquement condamné.


En document joint le rapport complet de Eurostat à partir duquel ont été réalisés les graphiques.


[1non seulement ils n’ont pas suffi mais la dette a continué de grimper

[2ce taux a été revu par deux fois à la baisse, il est actuellement à 3,5% ce qui laisse aux banques une marge encore considérable de profits et la baisse prouve que quand on veut on peut !

[3commandées en 2010

[4déjà vendus

[5Sur ce sujet plusieurs articles sont parus dont entre autre celui de Rue 89 : en l’absence de données officielles et pour cause ! tous arrivent aux mêmes chiffres

[6Faut il rappeler au passage qu’avec 6 milliards et 2,8% du PIB en 2010, l’état grec est le 1er pays de l’UE et le 2ème de l’OTAN pour le budget de l’armement et qu’il est également le 3ème client de la France dans ce domaine…ce qui est une des causes de l’endettement du pays bien plus que le niveau de vie des travailleurs grecs et dont nos ministres se gardent bien de parler.

[7en fait la création de ce fonds permet de contourner une disposition européenne qui interdit à un état de venir directement en aide à un autre état. Conception assez particulière de la solidarité dont ils nous rebattent les oreilles

[8On ne va pas parler ici de « l’engagement volontaire » du privé qui serait à tout casser de 30 milliards sur les 350 milliards nécessaires pour la dette grecque

[9D’autant que tout le monde sait que la Grèce ne pourra pas s’acquitter de la totalité de sa dette et payer indéfiniment

Messages

  • Politiques 22/10/2007 à 07h00

    Le traité européen « est un viol politique »

    Déjà pourfendeur du projet de Constitution européenne rejeté par les français en 2005, l’économiste et professeur d’informatique Etienne Chouard dénonce violemment le nouveau traité de Lisbonne. Une copie conforme du texte précédent, estime-t-il

    François VIGNAL

    Etienne Chouard s’était fait connaître en 2005 grâce à son site internet qui décortiquait et dénonçait la Constitution européenne. Il revient aujourd’hui à la charge contre le nouveau traité européen de Lisbonne. Pour ce professeur d’économie, de droit et d’informatique d’un lycée du sud de la France, il s’agit sur le fond de la même Constitution, pourtant rejetée par les Français et les Hollandais. Et appelle à la combattre.

    Entretien.Le nouveau traité européen a été adopté vendredi à Lisbonne. Ce texte ressemble-t-il à la Constitution rejetée en 2005 ?

    Ce n’est pas une version édulcorée, c’est la même version et je la combats violemment. On a retiré trois détails sans importance : le drapeau, l’hymne, la référence à la monnaie, le mot Constitution, comme si le fait de retirer l’étiquette retirait le danger. Et puis on nous impose par voie parlementaire ce qu’on vient de refuser par référendum. Pour moi, c’est un viol, un viol politique, c’est une cause de guerre civile. Et les journalistes qui défendent cela sont subordonnés. Ils ne font pas leur boulot de journaliste.

    Pour vous, un nouveau référendum est un minimum ?

    Oui, ça me paraît évident, pour cinq raisons. Parce que sur le fond, tout ce qui est dangereux est là : la confusion des pouvoirs dans les mains de l’exécutif, avec les « procédures législatives spéciales » ou les « actes non législatifs ». Le Parlement ne les contrôle pas et ce sont des normes obligatoires qui s’appliquent à tout le monde. C’est incroyable. Et cela peut concerner la concurrence, le marché intérieur, la circulation de capitaux, des choses très importantes, qui sont hors contrôle !

    Deuxième point : la dépendance des juges européens vis-à-vis de l’exécutif pour leur carrière. Ils sont nommés pour six ans par les gouvernements, et renouvelables. Dans les démocraties, ça ne se fait pas comme ça. L’indépendance des magistrats est l’un des fondements de la démocratie.

    Troisièmement : l’article 104 de Maastricht, c’est-à-dire l’interdiction pour les Etats de créer la monnaie. On est fou d’accepter ça. Les Etats l’ont accepté à Maastricht, c’est toujours là aujourd’hui. Maintenant, ils doivent s’endetter quand ils ont besoin d’argent et payer un intérêt aux banques. Mais on est fou ! C’est contraire à l’intérêt général. La souveraineté politique dépend de la souveraineté monétaire. Si vous l’abandonnée, vous avez tout perdu.

    Autre point : la révision de la Constitution. Elle se fait sans les peuples.

    Et enfin, dans cette Constitution, aucun organe n’est responsable de ses actes. A part la motion de censure, qui est théorique, parce qu’à la majorité des 2/3, il n’y a pas de mécanisme de responsabilité. Le Conseil des ministres, le Conseil européen, le Parlement ne peuvent être renversés ou dissous par personne. La Banque centrale n’a de compte à rendre à personne. Mais qui est responsable de ses actes là-dedans ?

    L’article sur la concurrence libre et non-faussée ne figure plus dans le traité. Mais dans les annexes sur les dispositions pour le marché intérieur, il est toujours dit que la concurrence doit être non-faussée. Pensez-vous que les gouvernements veulent contourner les « non » français et hollandais ?

    Ils ne les contournent pas, ils les violent. Ils ont retiré le mot Constitution et la partie III. Mais en réalité, elle est encore en œuvre. C’est le royaume de l’hypocrisie. C’est de la violence.

    Pensez-vous que la chancelière allemande Angela Merckel a pris l’ascendant sur Nicolas Sarkozy ?

    Non, pour moi, ils sont en collusion parfaite. Ils ont convenu du jeu que Sarkozy allait jouer. Il a dit du mal d’eux, mais il sait très bien qu’il ne peut rien faire. Il n’a qu’une envie, c’est de passer son traité en force, comme les autres dirigeants européens.

    La contestation peut-elle monter, notamment par Internet, comme en 2005 ?

    Ça dépend des journalistes. En 2005, il a pu y avoir une contestation car il y avait une perspective, un référendum. Mais si les gens qui vous gouvernent ont décidé de vous violer, c’est-à-dire de ne plus vous demander votre avis, de remettre le bâillon à la victime, eh bien elle ne peut plus crier. On ne nous demande plus notre avis, là. Pourquoi les gens se mobiliseraient dans ce cas ? Les visites sur mon site n’ont pas augmenté pour le moment. Mais je compte sur les journalistes pour être les sentinelles du peuple et l’alerter.

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