SSP, Starbuck, Prêt à manger … leurs profits, leurs guerres… Nos misères !
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L’enseigne Starbuck de l’aéroport de Marignane a défrayé la chronique en prenant la décision de licencier 4 salariés accusés d’avoir donné des sandwichs invendus à des SDF plutôt que de les jeter...Aujourd’hui Sabri*, employé de SSP, groupe prestataire de Starbuck et Prêt à manger, nous parle...
Il n’en revient pas « ils ont brisé ma vie, je me lève avec ça et me couche avec ça : je ne voulais pas jeter ». Lui ce qu’il veut c’est tout simple, c’est être réintégré dans son honneur, dans son boulot, dans la vie. Aujourd’hui il est suivi par un psychiatre inquiet de son état de santé. Jamais il n’aurait pu penser être licencié pour avoir fait preuve de bon sens… Partagé entre la colère d’une injustice sans nom et le désespoir, la solitude « je vous en supplie, ne nous lâchez pas »…. Après 30 ans, il se retrouve sans travail, sali, accusé à tort, soupçonné.
« ils m’ont sali, je ne vis plus » « je ne pourrai accepter ce qu’ils nous ont fait, je ne suis pas un voyou » « on ne lâchera rien, il faut qu’ils payent » martèle Sabri remercié après 30 ans de service pour avoir … distribué des sandwichs invendus à des SDF, mais aussi sur le site de l’aéroport au personnel de la plateforme (agents d’entretien, agents de sécurité...) et s’il lui restait de la nourriture il lui est arrivé de prendre sa voiture pour aller jusqu’à la gare St Charles pour ne pas jeter et en faire profiter des sans abri ! La direction lui a dit qu’elle ne comprenait pas pourquoi il faisait ça et sa réponse "pour ne pas le mettre à la poubelle" lui passait au-dessus de sa tête. Lui et ses 3 collègues (10 ans d’ancienneté) ont été virés, coupables de leur bon sens et de leur moralité… En système capitaliste, on jette les invendus, hors de question de permettre à quelques dizaines de personnes, essentiellement en errance, sans domicile ou en situation de salarié précaire de « tirer profit » de la situation. En mode de production capitaliste, les profits sont réservés à ceux qui exploitent et qui tuent.
Comme le cynisme de la situation ne suffit pas, Sabri se verra insulté lors de son entretien préalable par M. Guillaume BEUDY Directeur Adjoint des opérations SSP qui s’étonne que Sabri parle si bien le français et qu’il soit resté aussi longtemps dans cette boîte. Pour lui, sa stabilité professionnelle est suspecte et quand Sabri lui parle d’humanité, de générosité, il ne comprend pas. C’est un dialogue de sourd entre un humain et un portefeuille en costume. Selon lui, Sabri aurait organisé un réseau mafieux. Aux yeux de ce directeur, il devenait le suspect idéal à la tête d’un réseau de distribution de sandwichs invendus pour nourrir des frères et sœurs humains que notre système, à force d’exploitation, installent dans la misère. L’accusation à peine voilée d’être un voleur. La justification de ce Directeur adjoint à la faute grave était de s’appuyer sur un règlement intérieur affiché dans une salle de coffre dont aucun salarié, avant cette vague de licenciement, n’avait eu connaissance. "Tu te rends compte ils m’ont même reprocher de ranger les aliments dans le chariot alors que je le faisais pour respecter la dignité de ce à qui je les aliments. Tout était tracé, c’était avec l’accord de la direction et là ils remettent tout en cause"
A aucun moment, les salariés n’avaient signé ce document validant l’information d’une telle procédure. Quelques jours après leurs licenciements, 4 offres d’emploi fleurissent chez SSP en remplacement des 4 personnes licenciées : même poste, même profil, mêmes missions mais une rémunération réduite de 400 à 700 euros selon les postes … Alors plan social déguisé pour remplacer des salariés devenus trop « coûteux », trop influents ? ou la recherche du profit à tout prix qui justifie des pratiques de voyous ? Les deux certainement !
Selon Sabri, les invendus n’ont jamais été un sujet, tous les invendus étaient tracés, enregistrés. Le don aux personnes en fin de service était une pratique courante durant ces 30 ans comme il est d’usage dans nombre de magasins. La pratique était connue de tous, la direction, ses supérieurs hiérarchiques, ses collègues… Partant du principe moral qu’il était essentiel pour lui de ne pas jeter de la nourriture alors que des personnes à proximité ne pouvaient pas se nourrir !
Que prévoit la règlementation ? De la loi Garot en 2016, et à la loi EGalim en 2018, jusqu’à la loi Climat et Résilience en 2021, la France a pris de nombreuses dispositions législatives pour lutter contre le gaspillage alimentaire. Dans le même temps, elle soutient le développement d’outils dans les territoires pour que la réduction du gaspillage alimentaire revête une dimension concrète, au quotidien. Le gaspillage alimentaire est défini comme toute nourriture destinée à la consommation humaine qui, à une étape de la chaîne alimentaire, est perdue, jetée ou dégradée.
Désormais, l’interdiction de rendre impropre à la consommation des denrées encore consommables s’applique aux industries agroalimentaires, aux grossistes, aux distributeurs et à la restauration collective. De même, ces acteurs ont l’obligation au délà d’un seuil de 400m² de proposer une convention de don à une association.
Après le licenciement abusif, le Directeur adjoint des opérations a produit une note précisant que la société n’était pas soumise à cette obligation considérant que la surface était inférieure à 400 m². Sauf que considérant que l’entreprise est une unité économique et social intégrant, de fait, l’ensemble des structures, cet argument ne tient pas…. Starbuck, SSP et Prêt à manger sont dans l’illégalité. Ils auraient dû, compte tenu de la taille de l’entreprise se conformer à la loi et prévoir de passer une convention avec une ou des associations pour lutter activement contre le gaspillage en cadrant règlementairement le don de nourriture invendue.
Au moment où en France, l’enquête « conditions de vie et aspirations des Français » réalisée au second trimestre 2022 par le CREDOC établit que 16 % des Français éprouvent des difficultés pour manger suffisamment, SSP, Starbuck et Prêt à manger licencient 4 personnes pour avoir tenté de répondre à un besoin vital, celui de se nourrir pour des personnes exclues des droits les plus élémentaires. N’y a-t-il pas lieu dans ce cas de reconnaitre l’état de nécessité [1] ? Comment reprocher et sanctionner des salariés qui, logiquement préfèrent donner les invendus du jour pour des personnes dans la plus grande pauvreté plutôt que de jeter ?
La direction de l’aéroport, interpellée par la CGT, reste sourde et muette. Elle qui vante sur son site vouloir défendre une "économie plus vertueuse... une utilisation raisonnée de nos ressources, qui nous inspire et auquel nous contribuons activement à travers aujourd’hui 15 résolutions emblématiques. Parce que ce sont nos actions d’aujourd’hui qui façonnent le monde de demain." a une drôle de conception de la vertu et de l’utilisation raisonnée et le monde d’aujourd’hui qu’ils défendent ne nous laisse rien augurer de bon pour "le monde de demain" si les travailleurs ne s’en mêlent pas.
La faute grave, d’après sa direction, c’est d’avoir « provoqué » un manque à gagner pour l’entreprise d’environ 2000 euros...comme si Sabri et ses collègues auraient dû vendre des invendus !!! Un manque à gagner à comparer avec un chiffre d’affaires de plus de 4 milliards en mars 2025 : soit 0,00005%...
Dans l’article paru sur le site investing.com, malgré des bénéfices importants en hausse de + 20 %, le groupe SSP prévoit de lancer un programme de réduction des coûts… Bizarre, plan social déguisé ? Quant à Starbuck, selon les derniers rapports financiers, les bénéfices actuels de l’entreprise sont de 36.34 Milliards d’euros. Starbucks, qui rappelons le, finance et soutient le génocide palestinien en soutenant l’entité sioniste. Pour sauver leur profit, ils n’hésiteront jamais à fomenter des guerres et des massacres dans d’autres pays et appauvrir, ici, les travailleurs et travailleuses… Au moins 2 raisons de boycotter ces enseignes, au moins mille raisons de soutenir Sabri et les travailleurs, travailleuses victimes de leur ignominie.
Corinne F
* Le prénom a été changé
En médaillon, une manif à l’appel de la CGT en soutien aux 4 salariés
[1] L’état de nécessité est une notion juridique qui consiste à autoriser une action illégale pour empêcher la réalisation d’un dommage plus grave. C’est une notion ancienne reconnue dans de nombreux pays.
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