Les mots et les actes

mardi 29 janvier 2008

Sur le discours de Constantine

Les déclarations de Nicolas Sarkozy à l’université de Mentouri à Constantine le 5 décembre 2007 ont été saluées par ses fidèles puisqu’il affirmait que « le système colonial était injuste par nature » et qu’il « ne pouvait être vécu autrement que comme une entreprise d’asservissement et d’exploitation. [1] »

Revirement ? Lucidité tardive ? Reconnaissance implicite des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis par la monarchie de Juillet puis par plusieurs Républiques au cours des cent trente deux ans de “présence française” en Algérie comme certains osent encore l’écrire ? Démagogie, opportunisme et mise en scène, encore et toujours. De même que le président flatte les passions populaires, comme on dit, il sait aussi jouer avec les sentiments de ses homologues étrangers lorsque des contrats importants, dont il s’attribue le mérite, sont en jeu.

En Chine, le problème des droits de l’homme ne fut pas évoqué et l’inutile secrétaire d’Etat Rama Yade, supposée les défendre, sommée de rester à Paris pour ne pas compromettre les résultats de ce voyage. C’est à l’aune de cette politique extérieure mercantile, que nulle rupture n’est venue réformer, qu’il faut interpréter les déclarations de Constantine. Elles ne sont que des moyens cyniquement mis au service d’une fin : la promotion de l’industrie nationale à quoi s’ajoute le désir de rehausser le prestige d’un président-voyageur représentant de commerce supposé être au service du pays, de ses entreprises et des Français. Le succès économique et financier de ce séjour en Algérie exigeait quelques concessions verbales, ainsi fut fait, mais comme tous les démagogues, N. Sarkozy ignore la contradiction ce pour quoi il peut dire tout et son contraire ; en ces matières rien ne l’engage et son principe est de n’en avoir pas.

A preuve, le même dirige un Etat qui est le seul, parmi les anciennes puissances impériales européennes, à avoir juridiquement sanctionné une interprétation apologétique de son passé colonial par la grâce de la loi du 23 février 2005, toujours en vigueur en dépit du retrait de l’article 4. Pour les amateurs d’exception française, en voilà une remarquable mais sinistre. Nicolas Sarkozy pense ce qu’il a déclaré et prétend faire ce qu’il dit ?

Qu’il le prouve en demandant à son diaphane premier ministre et à sa majorité soumise d’abroger cette législation scélérate.

Quant aux députés de l’opposition, qu’ils déposent, sans plus attendre, une proposition de loi en ce sens. Tous, nous les jugerons sur leurs actes, pas sur leurs déclarations.

Olivier Le Cour Grandmaison. Université d’Evry-Val-d’Essonne. Dernier ouvrage paru : Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’Etat colonial, Fayard, 2005.


[1« Discours de M. le Président de la République. Université de Mentouri. Constantine – Mercredi 5 décembre 2007. » Site Internet de la « Présidence de la République. »



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