« Peur » et « brimades » à la prison de Liancourt

mardi 27 février 2007

Climat de peur et de représailles, brimades, provocations et humiliations exercées sur les détenus." C’est ainsi que la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) décrit la prison de Liancourt (Oise), dans cinq avis datés du 15 janvier.

Depuis sa création, en 2000, la commission n’avait jamais reçu autant de plaintes pour un seul établissement pénitentiaire. Deux des avis ont été directement transmis au procureur de la République à Beauvais, ville où la justice a condamné en décembre 2006 deux surveillants de Liancourt à quatre mois de prison avec sursis, pour violence sur un détenu, Daouda Siné.

Outre les témoignages de prisonniers, la CNDS a bénéficié de ceux de surveillants « qui ont déclaré ne plus pouvoir supporter les agissements non professionnels, graves de certains de leurs collègues à l’égard des détenus et qui ont décidé de briser la loi du silence ». La fin de l’omerta à Liancourt met en évidence, selon la commission, « la responsabilité particulière de l’équipe d’encadrement, principalement celle du directeur adjoint et du premier surveillant ». Le nom de ce premier surveillant, déjà condamné dans l’affaire Daouda Siné, se retrouve dans plusieurs autres avis. Un surveillant interrogé par la commission confirme : « C’est au niveau de la hiérarchie que s’organisait ce climat et ce régime de terreur. » La CNDS relève toutefois que ces agissements sont « le fait d’une minorité ».

La première affaire remonte à mai 2005. Un groupe de surveillants intervient en pleine nuit en aspergeant la cellule d’un détenu avec une lance à incendie. Le détenu a croupi toute la nuit dans sa cellule inondée. Un surveillant a reçu un blâme. La commission recommande que les autres membres du personnel ayant participé à l’opération passent devant les instances disciplinaires.

Le 24 mars 2006, un détenu est retrouvé pendu dans sa cellule, située dans le quartier disciplinaire. La veille, une altercation avec des surveillants l’avait conduit à l’hôpital pour des points de suture. Placé en quartier disciplinaire dès son retour, il cesse de s’alimenter, demande un médecin. En vain. Pour la commission, il « n’a pas bénéficié de l’assistance que requérait l’état de danger manifeste dans lequel il se trouvait ». Plus grave : « Il est fortement probable que c’est délibérément que les professionnels de santé et la direction (...) ont été tenus à l’écart. » L’avis a été transmis au procureur, tout comme celui concernant des violences intervenues en août 2006.

Le 24 août, un détenu, suivi par des médecins et des psychologues pour un traitement de désintoxication par méthadone, a été frappé. Un médecin a pu constater des hématomes faciaux dix jours après les faits, qui se sont produits alors que le premier surveillant occupait la fonction de responsable de la maison d’arrêt.

La commission juge « disproportionnée » la force utilisée « par rapport au comportement du détenu ». Elle dénonce l’attitude d’un responsable de la hiérarchie qui a tenté d’étouffer l’affaire et « constate avec gravité un état de délitement généralisé des fonctions et des responsabilités d’une partie de l’encadrement de Liancourt ».

Dans un communiqué du vendredi 19 janvier, la direction de l’administration pénitentiaire rappelle que des procédures disciplinaires sont en cours et que des changements ont eu lieu dans l’équipe de direction. Elle assure qu’elle « tirera toutes les conséquences » de ces avis.

Source : LE MONDE

Transmis par Linsay



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