Gemalto. Un plan social avec la bénédiction des ordonnances Macron

mercredi 7 février 2018
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Par Christophe Deroubaix pour l’Humanité.

Bénéficiaire de centaines de millions d’euros, le leader mondial de la sécurité numérique profite de la fin de la prise en compte des profits du groupe au niveau international pour licencier près de 300 salariés en France.

« Pas une journée sans qu’un salarié ne vienne me voir à la machine à café ou ailleurs pour me dire qu’il a bien regardé les catégories définies dans le PSE (plan de sauvegarde de l’emploi – NDLR) et qu’il pense qu’il peut y échapper. » Ce syndicaliste témoigne du stress, de l’incertitude et de l’atomisation qui règnent sur le site Gemalto de La Ciotat depuis que le groupe a annoncé en décembre dernier un plan de licenciement concernant 288 postes, puis défini, de façon jugée arbitraire par l’intersyndicale, 113 catégories. Ingénieurs, techniciens, responsables commerciaux, salariés du leader mondial de la sécurité numérique, les voilà traités comme des variables d’ajustement. « Il y a énormément de couples, comme sur tous les lieux de travail. Je ne vous dis pas l’ambiance », ajoute le syndicaliste.
Le chantage à l’augmentation

Début décembre, la direction annonce ce « plan social ». Quelques jours plus tard, l’info tombe : Gemalto sera racheté par Thales, dont l’offre coiffe sur le fil celle d’Atos. Le PDG du gagnant de l’enchère évoque « une bourse à l’emploi » : priorité aux licenciés de Gemalto pour des postes chez Thales. Espoir passager. Le rachat tarde à être officialisé tandis que les réunions de négociations ont commencé et que la direction de Gemalto veut boucler l’affaire d’ici à début juin. Les réunions s’enchaînent à un rythme effréné.

Les discussions portent sur les modalités (départs volontaires ou pas, priorité aux seniors), peu sur le bien-fondé. Sauf peut-être à partir de ce lundi, lors d’un comité central d’entreprise. Pour l’anecdote, se mènent parallèlement les NAO (négociations annuelles obligatoires) sur les salaires. La direction veut rendre effective l’augmentation en juillet, soit après le PSE, et non en février, comme à l’accoutumée. Et elle propose une augmentation de 2 % si les syndicats signent un accord concernant ce même PSE, mais 0,5 % en cas de non-signature.

L’entreprise se trouve-t-elle en si mauvaise posture ? La direction argue du déclin du marché américain des cartes SIM et cartes bancaires. L’activité aurait baissé « de 28 à 35 % entre 2016 et 2017 ». Pourtant, les résultats affichés par Gemalto sont presque insolents : 453 millions d’euros de bénéfices nets en 2016 pour un chiffre d’affaires de 3,1 milliards, soit un taux de rendement de 15 %. Et, pour 2017, « les chiffres ne sont pas encore connus », pointe Christophe Bassas, ingénieur à La Ciotat et responsable FO, mais le pactole annuel devrait s’établir à 300 millions d’euros.

Pourtant, la multinationale argue d’un déficit de la filiale française à hauteur de 17 millions d’euros pour justifier son plan de licenciement. « Pour nous, c’est clairement rendu possible par une disposition des ordonnances Macron qui permet de ne plus tenir compte de la santé d’un groupe à l’échelle mondiale, ajoute le syndicaliste. La direction a attendu la publication de ces textes qui permettent de ne considérer le PSE qu’au regard du résultat de la société française. »

Des délocalisations en Inde, à Dubaï...

Un déficit peut s’organiser aisément. Explications : « L’ensemble du top management, soit une trentaine de personnes, est payé par une société qui s’appelle GIS. C’est Gemalto France qui règle l’addition alors qu’ils dirigent clairement Gemalto NV », soit le groupe mondial. Coût total : 26 millions. Une réaffectation du coût à la multinationale basée à Amsterdam et la filiale française afficherait un bénéfice, rendant difficilement justifiable un plan de suppression d’emplois.

En France, le nombre de salariés s’établit à 3 000. C’est donc près de 10 % des effectifs qui vont être concernés. Le site le plus touché sera celui de La Ciotat, avec 130 suppressions de postes sur 750. L’économie prévue sur la masse salariale sera de 28 millions d’euros. Depuis des années, ce centre de recherche et développement est victime de délocalisations en Inde, aux États-Unis, à Dubaï.

Christophe Bassas le sait déjà : tout son service est supprimé, direction Singapour. Le cas de Gemalto et de sa matière grise broyée est en passe de devenir une affaire nationale puisque deux anciens candidats à l’élection présidentielle apportent leur soutien aux salariés en venant les rencontrer sur le site de La Ciotat : Jean-Luc Mélenchon vendredi dernier et Benoît Hamon ce lundi.

Christophe Deroubaix correspondant à Marseille

Légende photo :Les résultats affichés par Gemalto sont insolents : 453/millions d’euros de bénéfice net en 2016. Pour les salariés : 288 postes supprimés bientôt. PHOTOPQR/La Provence/MaxPPP



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