L’Amérique Latine et le capitalisme global

jeudi 20 octobre 2016
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Il y a des livres qui réussissent à ébranler leurs lecteurs par leur profondeur, leur cohérence et leur envergure théorique dans l’analyse d’une réalité donnée, qui parviennent à laisser une empreinte de longue haleine et à devenir une référence obligée dans le champ thématique dans lequel ils font irruption, qui provoquent le débat et la réflexion parce qu’il s’éloignent de l’académisme et font irruption dans la pensée critique, comme celle que proposent les mayas zapatistes pour s’opposer à l’hydre capitaliste. C’est le cas de l’œuvre de William I. Robinson, « America Latina y el capitalismo global : una perspectiva critica de la globalizacion » (Mexico : Siglo XXI, 2015).
Classée à des fins éditoriales dans les disciplines de « sociologie et politique », l’œuvre est un exemple de complémentarité entre ces branches de la science sociale et une économie politique orientée à comprendre l’essence de l’actuel modèle de mondialisation capitaliste.

Robinson reconnaît que huit ans après la publication de son livre en anglais, la société globale se trouve dans un chaos toujours plus grand et que nous affrontons ce qu’il dénomme une crise de l’humanité : « l’impulsion implacable du capital transnational d’accumuler à l’échelle mondiale précipite un holocauste écologique et la guerre sans fin. Plus que jamais, l’Amérique Latine est impliquée dans cette incertaine conjoncture globale ». Cette crise se distingue par six aspects qui la rende distincte et plus grave que les précédentes :
- 1.- L’effondrement de la société humaine est une véritable possibilité, parce que le système atteint rapidement les confins écologiques de sa reproduction.
- 2.- L’ampleur des inégalités globales est sans précédent.
- 3.- La dimension des moyens de violence aux mains de petits groupes puissants n’a pas non plus d’antécédents.
- 4.- Nous atteignons les limites de l’expansion extensive et intensive du système capitaliste.
- 5.-Le nombre croissant de marginalisés, condamnés à être une « humanité superflue », sujets à des systèmes sophistiqués de contrôle et de répression -jusqu’au génocide- affrontent un cycle mortel de dépouillement -exploitation-exclusion.
- 6.- A l’origine de l’effondrement économique de 2008, il y a le décalage entre une économie en voie de globalisation et un système d’autorité politique basé sur l’Etat-Nation.

Les élites globales en appellent toujours plus à des mécanismes transnationaux de coordination et de régulation qui pourraient réfreiner les fortes contradictions et contrecarrer l’anarchie du système. Robinson souligne qu’à partir de l’aggravation de cette crise, la classe capitaliste transnationale a mis en pratique trois mécanismes pour faire avancer l’accumulation globale face à la stagnation :

- 1.- L’accumulation militarisée, le déclenchement de guerres et intervention et la provocation d’un conflit après l’autre, afin de parvenir à des cycles de destruction et de reconstruction dans le but d’accumuler des capitaux et d’obtenir des profits ; les farces des guerres « contre les drogues », « contre le terrorisme », « contre les maras », « contre les migrants » et avec cela se développe une culture de capitalisme global qui est belliqueuse, agressive et qui glorifie la domination, cela c’est la culture fasciste.
- 2.- Le second mécanisme est le pillage des finances publiques. Les Etats jouent le rôle d’extraire toujours plus d’excédents des peuples pour les livrer au capital financier transnational ; la Grèce et l’Amérique Latine sont des exemples.
- 3.- La frénétique spéculation financière qui depuis le siècle dernier avait déjà transformé l’économie globale en un gigantesque casino.

Il réitère que se dégagent quatre scénarios pour le futur de l’Amérique Latine et la société globale :

- « Le réformisme d’en haut, qui parvient à stabiliser momentanément le système de capitalisme global ;
- la descente vers « le fascisme du XXIe siècle ;
- la poussée d’une alternative globale anti-capitaliste, ce qui est en fait la réapparition d’un projet de socialisme démocratique,
- et le spectre de l’effondrement et d’un nouvel Age des ténèbres »
.

A l’interrogation : Et l’Amérique Latine ?, Robinson souligne que les tendances quant au développement des nouvelles contradictions de l’époque du capitalisme globalisé ont continué de mûrir, inscrites dans la conjoncture de crise et de polarisation. Il apparait que le cycle d’ascension du projet post-libéral détient ses propres contradictions, et plus que jamais le futur de la région est en question et sera tranché par le résultat des fortes luttes sociales et politiques qui s’étendent de long en large, ainsi que par la conjoncture de crise et d’incertitude.

Dans ce contexte, il considère que le Venezuela continue d’être le scénario crucial pour le conflit entre les distinctes et antagoniques forces sociales, de classes et culturelles dans le système de capitalisme global. En Equateur de gros nuages politiques s’accumulent du fait de l’obstinée détermination du gouvernement de Rafael Correa de poursuivre le modèle extractiviste d’expansion de l’exploitation pétrolière et minière en dépit de la croissante opposition des communautés indigènes, syndicales et populaires. De son côté, le Mexique s’enfonce dans la « colombianisation » qui semble se matérialiser dans ce pays par un projet de « fascisme du XXIe siècle ». Il relève qu’existent de forts mouvements sociaux et de résistance qui affrontent de fortes escalades de répression, dépouillement et terreur dans l’implacable marche de la globalisation. Il est plus qu’évident que la « guerre contre les drogues » est un grotesque rideau de fumée pour l’accumulation primitive au moyen de la terreur, de la militarisation et de la paramilitarisation.
Cette guerre justifie la criminalisation et la répression des mouvements sociaux, facilitant ainsi l’appropriation des ressources par la classe transnationale. De plus, cette colombianisation s’étend en Amérique centrale, en particulier au Honduras et au Guatemala.

En dépit de ce complexe panorama de dangers qu’affronte l’humanité, Robinson estime que tant en Amérique Latine comme dans le monde, se présentent de grandes opportunités pour des projets transformateurs et libérateurs. « Premièrement, le système a perdu sa légitimité pour beaucoup de personnes. Deuxièmement, le néolibéralisme épuise ses réserves matérielles et idéologiques. Troisièmement, les groupes dominants à travers le monde se présentent divisés et à la dérive. Quatrièmement, la « tiers-mondialisation » du premier monde ouvre de nouvelles opportunités pour pratiquer la politique radicale globalisée, à savoir, pour développer des alliances organiques entre le Nord et le Sud.

Gilberto Lopez y Rivas
14/10/2016
Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant




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