51e congrès de la CGT : intervention d’Olivier MATEU

lundi 18 avril 2016
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Ce lundi 18 avril s’ouvrait le 51e, congrès de la CGT. Il revenait au département d’accueil, comme il est de tradition, d’ouvrir les débats par une intervention de bienvenue. C’est Olivier Mateu, secrétaire général de la CGT 13 qui se chargeait de cette tâche dans un contexte marqué par les luttes actuelles et la charge de plusieurs médias contre la CGT en général et celle des Bouches du Rhône en particulier.
Nous publions ici le texte intégral de cette intervention plusieurs fois coupée par les applaudissements de l’assemblée.

Chères et Chers Camarades,

C’est avec beaucoup de plaisir que je vous souhaite la bienvenue à Marseille au nom de l’Union Départementale des Bouches du Rhône, à l’occasion de notre 51e Congrès Confédéral.

Pour nous, accueillir ce Congrès c’est beaucoup de travail, un peu de stress malgré tout, mais c’est surtout l’occasion de participer, dans et en dehors de cette salle, aux débats, rencontres et moments fraternels qui rythmeront toute cette semaine.

Aussi, afin que ces échanges soient fructueux, je vais tenter en 15 mn de vous faire découvrir la CGT des Bouches du Rhône, son histoire, ses militantes et militants. Pour cela, il me faut évoquer à grands traits quelques périodes et combats au cours desquels les militants CGT ont permis qu’aujourd’hui encore, nous ayons un patrimoine industriel et des Services Publics divers et structurants à défendre.

L’année dernière, comme vous tous, nous avons fêté les 120 ans de la CGT. Ce fut naturellement l’occasion de nous plonger dans notre histoire et de vérifier la permanence des attaques du camp d’en face qui, dès lors qu’il est contraint de reculer ou de céder, s’emploie depuis toujours à reprendre ce que nous avons gagné par tous les moyens.

Comme nous célébrons cette année ses 80 ans, je partirai de 1936, le Front Populaire, le soutien à la république espagnole et l’arrivée de milliers de réfugiés, dont les conditions inhumaines d’accueil, similaires à celles réservées à ceux qui aujourd’hui fuient les guerres et la misère, nous rappellent que le capitalisme n’a pas changé.

Vient après ça la seconde guerre mondiale, la résistance contre le nazisme, dans laquelle s’engagent par milliers nos militantes et militants et, au sortir de celle-ci, en 1944, une expérience unique en France qui dura presque 4 ans et que les historiens appellent la période des réquisitions. Parce qu’il fallait, à ce moment-là, à la fois achever la victoire sur les nazis et relancer l’appareil productif du pays, Raymond AUBRAC, Commissaire de la République, procéda à la réquisition d’entreprises stratégiques.

De par la légitimité et le poids de la CGT et du parti communiste, acquis dans la résistance notamment, les travailleurs furent associés à la gestion et à l’organisation du travail. Ils firent alors la démonstration que les travailleurs, avec leur Syndicat, avaient toutes les capacités pour, à la fois gérer leur travail, les productions, et apporter du progrès social car, dans toutes ces entreprises, les travailleurs ont généré des bénéfices et amélioré considérablement les conditions de travail et de vie des salariés et de leurs familles. Mais, parce que cette expérience menaçait le modèle d’exploitation patronale, le gouvernement y mit fin, avant qu’on eut le temps d’inscrire dans le Code du Travail que les patrons ne sont pas indispensables.

Après cela, beaucoup de luttes furent menées, pour la conquête ou la défense de droits et garanties collectives, contre la casse de nos industries et nos Services Publics mais aussi contre les guerres coloniales et pour la paix dans le monde. Je ne peux toute les citer mais je me dois d’évoquer les grandes grèves de 1947, à l’issue desquelles des milliers de dockers marseillais furent licenciés par un patronat revanchard, l’engagement de cette même corporation contre les guerres d’Indochine et d’Algérie, aux côtés de toute la CGT.

Tous ces combats, les Camarades les ont menés en ayant en tête la nécessité permanente d’allier contestation et proposition, résistance et construction d’alternatives, tout en sachant qu’il ne peut y avoir de justice sociale ici, tant qu’il restera un travailleur exploité quelque part dans le monde avec qui nous mettre en concurrence.

Et c’est à partir de ces convictions-là que, depuis la fin des années 60, nous résistons face à un plan de casse de nos industries et Services Publics qui vise à remodeler complètement notre département pour l’offrir aux affairistes qui veulent faire de la Provence le « bronze-cul » de l’Europe.

Sur ordre, ou avec la complicité de l’Union Européenne, tous nos secteurs d’activité ont été ou sont encore attaqués. Depuis la fermeture du Chantier Naval de Port de Bouc en 65, cela ne s’est pas arrêté.

- Il y a eu la sidérurgie avec Ugine Acier, aujourd’hui Ascométal (que la CGT a sauvé récemment de la liquidation par la lutte),

- la Solmer, propriété actuellement du sinistre Mittal (fossoyeur patenté mais protégé du gouvernement et de l’Union Européenne) et toujours dans la tourmente faute d’une véritable politique industrielle dans ce pays,

- il y a eu les Chantiers Navals de La Ciotat et un combat qui dura 20 ans pour arriver à gagner le maintien d’une activité industrielle navale sur le site,

- les Professions Portuaires avec les réformes de 93 et 2008,

- la lutte des mineurs de Gardanne qui repoussèrent de plusieurs années la fermeture de la mine

- les batailles pour sauver la Réparation Navale lourde, attaquée depuis les années 70,

- l’agroalimentaire aussi avec Lustucru à Arles, Nestlé à Saint Menet, St Louis Sucre menacé de fermeture actuellement,

- la Microélectronique avec la fermeture d’El Foundry et les menaces qui planent sur le groupe ST Microélectronique,

- le raffinage avec Lyondell Basell Berre et Total La Mède,

- nos Camarades de la SNCM qui, depuis plus de 10 ans, se battent pour sauver le Service Public de continuité territoriale et leurs emplois et à qui rien n’a été épargné en termes de mauvais coups,

- ALTEO (anciennement Péchiney) à Gardanne, que la ministre de l’environnement s’acharne à malmener pour des considérations faussement environnementales qui masquent mal en réalité les véritables enjeux financiers dans ce dossier,

- les salariés du Grand Conseil de la Mutualité, en lutte depuis 4 ans, pour la survie du réseau de soins mutualistes, etc…..

- ajoutés à cela les effets dévastateurs des politiques d’austérité, les attaques incessantes contre nos Services Publics et notre système de Protection Sociale et vous comprendrez pourquoi, ici, il se passe toujours quelque chose.

Mais si la liste des attaques est bien longue, pas question pour nous de nous résigner ; ce dont ils veulent nous priver c’est de nos droits à travailler et vivre dignement dans les Bouches du Rhône ; il est donc hors de question de nous laisser faire.

Et des raisons d’y croire, nous en avons Camarades et les victoires que nous avons engrangées ces dernières années, nous confortent dans nos convictions qu’il est possible de gagner et d’inverser le cours des choses dans le sens du progrès social.

Je vais donc vous en citer quelques-unes pour étayer mon propos :

- 2005, la CUM et son président Jean Claude GAUDIN, décident d’offrir à Véolia le tramway qu’elle a fait construire avec l’argent du contribuable : nos Camarades traminots partent en grève pour dénoncer ce qui s’apparente alors à une escroquerie et obtiennent que le tramway revienne dans le giron public de la RTM, au service de l’intérêt général et de l’emploi statutaire,

- en 2009, BOLUDA, propriétaire de la CMR, dernière entreprise de Réparation Navale lourde sur le Port de Marseille, décide de fermer parce que le personnel s’est mis en grève pour exiger la réintégration de 7 ouvriers injustement licenciés. Mais la vraie raison est ailleurs, son objectif est d’imposer l’utilisation à outrance de sous-traitants utilisant des salariés détachés, sous-payés et surexploités, en lieu et place des salariés à statut. 503 jours de lutte, un projet alternatif porté par la CGT qui obligera l’État à aller chercher un repreneur.
Cette bataille formidable, combinée à la lutte des travailleurs portuaires du GPMM en 2010, a permis qu’aujourd’hui, des perspectives sérieuses de développement de la réparation navale lourde existent et que soient bientôt remise en service la Forme 10, la plus grande de Méditerranée, capable d’accueillir les navires de croisière et de commerce, de dernière génération.

- 2012, ARKEMA avec la complicité de l’État, décide de se séparer de son pôle vinylique et de l’offrir à un aventurier du nom de Gary Klesh, bien connu dans les milieux financiers comme tueur d’entreprises. Et ce qui devait arriver arriva : Klesh vida les caisses et mis le groupe au bord de la faillite.
Les Camarades portèrent alors un projet de reprise qui obligea, là aussi, le gouvernement à trouver une solution pour ne pas laisser la main à la CGT qui avait fait la démonstration que si Kem One venait à tomber, cela aurait des conséquences sur toutes les usines pétrochimiques du département et jusque dans le Rhône. En sauvant Kem One, ce sont 20 000 emplois dans cette filière qui ont été sauvés.

- il y a aussi les victoires à Ascométal dont je parlais tout à l’heure, à la Centrale de Gardanne où le groupe EON tenta de faire payer le prix à la CGT en voulant licencier les 2 Secrétaires Généraux du Syndicat. Il a depuis été contraint de renoncer.

- Et puis il y a eu FRALIB devenu SCOP-TI : au bout de 1 336 jours de lutte contre Unilever, multinationale dont les bénéfices se comptent en milliards et qui décida, un jour, de partir produire en Pologne et de continuer à vendre en France pour gagner toujours plus d’argent. Et bien Unilever est parti mais pas l’usine, pas l’outil de production, car nos Camarades ont, par leur combat, contraint le géant Unilever à le leur céder, et depuis, ils s’en servent pour produire du thé et des infusions d’une qualité rarement égalée.

Si je vous le dis, c’est que c’est vrai, parce qu’on boit tous du thé et des infusions maintenant. Au début, pour beaucoup d’entre nous, ça a été dur parce que changer de boisson comme ça, d’un coup, cela nous semblait difficile mais bon, à partir du moment où nos Camarades produisaient, il nous fallait les aider. En fait, la situation s’est débloquée très vite quand on a compris que le thé se prenait à 17 H et l’infusion à 21 H ; il n’y avait donc aucun problème puisque l’heure du Ricard c’est midi et 18 H.

Plus sérieusement, nous sommes très fiers d’avoir pu vous offrir à chacun une boîte de thé de nos Camarades de la SCOP-TI. Quand vous aurez l’occasion de le déguster chez vous, vous lui trouverez un petit goût de fuit de la passion car il est en vrai le fruit de la passion, de ces hommes et de ces femmes, pour leur travail, celui pour lequel ils et elles se sont battus pendant 4 ans, sans jamais rien lâcher, avec à leurs côtés la CGT et des milliers de soutiens de la France entière. Encore bravo à eux !!!!!

De toute notre histoire, des enseignements tirés des luttes anciennes ou récentes, il ressort quelques idées forces que nous essayons de mettre en œuvre pour organiser la riposte.

Tout d’abord, face à l’offensive du patronat et du gouvernement, il est essentiel d’organiser la convergence des luttes pour faire en sorte que personne ne se retrouve isolé dans le combat. Dans le même temps, pour gagner l’élargissement et l’élévation du mouvement social, nous travaillons à la convergence des contenus revendicatifs afin de mettre en évidence la cohérence des attaques dont nous sommes l’objet et le fait que les choix patronaux impactent toujours au-delà de leur cible et touchent les activités connexes, la chaine de sous-traitance et inexorablement les Services Publics et la Protection Sociale , dont le développement et le maintien dépendent des moyens qui leur sont alloués qui, eux-mêmes, sont dépendants des richesses que nous produisons.

Faisant cela, nous travaillons à donner des contenus à notre slogan :

« Pas de Services Publics sans industries,
Pas d’industries sans Services Publics ».

Pour être mené à bien, ce travail nécessite d’être conduit en lien avec les Fédérations, les Syndicats et les Unions Locales pour être au plus près des réalités.

Dans le même esprit, nous avons décidé de bâtir un projet revendicatif départemental qui, bien plus que le recensement des revendications de chaque secteur, devra être le socle commun à toutes nos Organisations dans le département, nous permettant d’avancer ensemble et d’offrir des perspectives au monde du travail qui en a bien besoin dans la période.

C’est de cela aussi dont il s’agit : permettre aux travailleurs de s’impliquer, de se défendre et d’être à l’offensive pour la conquête du progrès social.

La CGT est dans son rôle quand elle est porteuse de proposition alternative et moteur de l’action collective.

Ce projet que nous construisons sera notre contribution au projet revendicatif que les Unions Départementale de PACA ont décidé de porter au niveau régional car, vous vous en doutez, nous ne sommes pas les seuls à subir les assauts du patronat dans la région. Et là encore, c’est un bon moyen pour donner à voir aux salariés, aux retraités et privés d’emplois de la région, qu’ensemble nous pouvons changer les choses et qu’ils n’ont aucun intérêt à tomber dans l’isolement ou exprimer leur mécontentement par le vote fn, ce qui est le cas de trop nombreuses personnes en PACA, qui se laissent séduire par le discours nauséabond de ce parti dont le seul but est de capter la colère de celles et ceux qui sont les premières victimes des politiques d’austérité, pour mieux les diviser, les opposer.
C’est pourquoi nous ne dissocions jamais notre combat contre l’extrême droite de celui contre le capitalisme car, l’histoire l’atteste, dès lors que ce système est en crise, c’est vers le fascisme qu’il nous guide pour préserver ses intérêts.

Dans notre recherche d’efficacité et dans le but d’être en prise avec ce qui bouge dans le monde, nous avons réactivé notre collectif international dont la feuille de route consiste à tisser des contacts avec tous ceux qui, en Europe et au-delà, subissent et combattent les politiques du capital auxquelles nous sommes aussi confrontés. Nous voulons développer, avec tous ceux-là, des solidarités concrètes, être utiles pour faire en sorte que plus jamais, ni eux ni nous, ne soyons les victimes du dumping social et environnemental auquel se livrent les multinationales qui, ici, condamnent nos usines pour aller mieux les exploiter là-bas.

Voilà Camarades qui nous sommes, ce qu’est la CGT des Bouches du Rhône, une CGT qui se veut utile pour le monde du travail, capable de résister et de proposer, bien ancrée sur ses convictions et pleine d’espoir dans nos capacités à gagner le progrès social et la transformation sociale et qui, pour cela, travaille en permanence à l’unité des travailleurs, car cela conditionne toujours la qualité des rapports unitaires et des contenus que nous portons ensemble.

C’est en étant tout ça que nous prenons part, avec vous, aux combats de la CGT, en essayant d’être présents comme nos anciens l’ont été aux côtés des Manufrance, de ceux des Chantiers Navals de la Seyne, aux côtés aussi de ceux que la justice "indépendante" de ce pays essaie de briser pour les empêcher de lutter. Nous étions hier avec les 5 de Roanne, nous serons demain avec les Air France, les Goodyear, les copines de Casino Port St Louis, les Camarades de la SNCM - sur qui plane une amende de près d’un million d’euros - parce que quand on touche à l’un des nôtres c’est à toute la CGT que l’on touche.

La CGT dans la période fait l’objet de beaucoup d’attentions, pas toujours bienveillantes, de la part de certains médias. Nous-même, à l’UD, en avons été la cible et certains journalistes tentent, aux moyens d’articles si peu nobles intellectuellement tant ils sont courts politiquement, de nous dépeindre tantôt trop rouges, tantôt trop vifs et, quoiqu’il arrive en désaccord. A ceux-là nous voulons dire que leur petit jeu ne fonctionnera pas, que nous sommes à la CGT et que nous y sommes bien, que nous prenons part aux débats et que nous sommes confiants dans nos capacités collectives à les mener à leur terme, que nous sommes convaincus que la CGT saura être à la hauteur des enjeux de la période qu’elle créera les conditions pour aller à la gagne et obtenir le retrait du projet de loi travail et que nous prendrons toute notre place dans ce combat.

Enfin, je voudrais pour conclure, saluer l’ensemble des militantes et militants qui vont œuvrer toute la semaine pour que notre Congrès se passe le mieux possible, en ayant une pensée particulière pour nos Camarades de l’Accueil/Sécurité qui, dans la période, sont beaucoup sollicités et qui, par leur implication militante, contribueront à l’organisation et la sécurisation de nos manifs et initiatives ; qu’ils en soient remerciés.

Merci pour votre attention,
Vive les travailleurs en lutte !!
Vivre notre 51e Congrès !!
Vive la CGT !!



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