Victoire historique de Syriza en Grèce

lundi 26 janvier 2015
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Syriza obtient 36,5 % des voix, selon les projections du ministère de l’intérieur, soit 149 sièges. Sa victoire aux élections législatives est assurée, mais pas sa majorité absolue au Parlement. Alexis Tsipras, le dirigeant de Syriza, a déclaré dimanche que « le peuple grec a écrit l’Histoire » et « laisse l’austérité derrière lui » en donnant la victoire aux élections législatives à son parti. Chiche !

Après une campagne électorale qui secoua l’Europe entière [1] le parti de Gauche [2] Syriza vient de remporter une grande victoire en Grèce.

Le peuple grec, laminé par des années d’une austérité aussi violente qu’improductive, dont la majorité en est réduit à la mendicité, avec un taux de chômage fleurant les 30% de la population active, ne peut que se réjouir et nous avec lui de cette première réponse à ce qui semblait être de l’ordre de l’inéluctable.

Lorsqu’une nation souveraine choisit la lutte, ni l’avenir, et surtout, ni le pire ne sont jamais certains.

Il est clair que cette victoire soulève un vent d’espoir parmi celles et ceux qui ailleurs en Espagne, au Portugal, en Italie, au sein de l’UE donc, luttent et tâtonnent contre cette alliance capitaliste qui impose son talon de fer aux peuples.

En France même, et nous y reviendrons, les syndicalistes confrontés aux licenciements, celles et ceux qui se battent contre le TAFTA, la loi Macron et toutes les mesures de régression mises en place par les gouvernements qui se succèdent depuis 30 ans, se félicitent de ce résultat tout en étant interpellés par les débats qu’elle soulève et notamment celui devant lequel le camp progressiste ne peut plus reculer : oui ou non peut-on faire une politique de progrès social dans cette UE et avec ce dispositif monétaire et financier appuyé sur l’euro ? Peut-on refonder l’UE, peut-on faire une « Europe sociale » ou faut-il en finir et repenser totalement autrement l’alliance internationale entre les peuples ?

C’est bien cette position par rapport à l’UE qui était au cœur des élections grecques.

Lors du congrès fondateur de Syriza, en 2013, les dirigeants du parti avaient annoncé clairement leur intention d’« abroger les mémorandums et les lois d’application » et d’annuler les réformes imposées par la troïka [3]. Ils annonçaient même que : « La première étape consistera à rétablir les conditions de travail, les conventions collectives, le salaire minimum, le minimum vieillesse, les indemnités chômage et les allocations familiales au niveau d’avant les mémorandums ». Avant d’ajouter : « Le secteur public étant à nos yeux un levier de reconstruction, tous les employés qui ont été licenciés sont nécessaires et seront donc réembauchés. »

On ne peut qu’être d’accord avec cela.

En bref, la position de Syriza était qu’il ne respecterait pas les conditions de l’accord de « sauvetage » et rétablirait de nombreuses dépenses à leur niveau d’avant l’austérité tout en promettant un budget équilibré. Comme il s’est également engagé à annuler des réformes, il se retrouvera avec un énorme trou dans ses finances s’il ne s’attaque pas frontalement au capital, par exemple en s’attaquant aux profits des armateurs (la Grèce est la première flotte marchande du monde).

Depuis il semble que Syriza ait mis de l’eau dans son vin…

Pour son premier discours, après cette victoire, M. Tspiras a précisé qu’il n’y aurait pas d’affrontement d’Athènes avec ses créanciers et que le gouvernement « décevra[it] tous les Cassandre à l’intérieur et à l’extérieur du pays », qui misaient sur un échec. « La Grèce avance avec optimisme dans une Europe qui change », a-t-il ainsi argué.

Auparavant il avait même déclaré qu’il ne souhaitait pas que la Grèce abandonne l’euro, qu’il s’efforcerait de réduire la dette du pays et que la place naturelle de la Grèce était dans l’UE et dans l’OTAN.

Pour autant comme le rappelle Frédéric Lordon « Le salut pour Syriza ne viendra ni de quelque compromis européen, ni d’une chimérique reconstruction institutionnelle à froid, promesse aussi vide de réalisme politique que faite pour être renvoyée à des horizons perpétuellement repoussés. Mais l’inanité des fausses solutions n’exclut pas qu’il y en ait de vraies. Puisqu’il y a toujours une alternative. En l’occurrence, non pas caler le pied de table, pour ravauder son estime de soi avant de passer dessous, mais la renverser.

Pour tous ceux qui, au loin, contemplent dans un mélange d’inquiétude, de doute et d’espoir ce qui peut advenir en Grèce, il ne reste qu’une chose à faire vraiment : contre la force gravitationnelle des institutions qui s’efforce de ramener les déviants à leur ordre, rappeler à Syriza, en ce point de bifurcation où elle se trouve, tout ce qui dépend d’elle – et qui est considérable : contester vraiment l’austérité de la seule manière possible, la rupture, signifier à la face de l’« Union » la sédition ouverte d’avec son ordre néolibéral, c’est-à-dire créer un événement libérateur, pour le peuple grec, mais aussi pour tant d’autres qui espèrent avec lui. » [4]

Morale : sans luttes fermes et constantes du peuple grec, point de salut.

C’est en particulier sur ces points précis de l’attitude vis-à-vis de l’UE et du rôle des luttes que Syriza s’oppose au KKE, le parti communiste grec qui, avec 15 députés, vient de passer devant le PASOK (13 députés) ce qui est aussi historique.

Son Secrétaire général, Dimitris Koutsoubas, dans une interview pour « Έθνος της Κυριακής » a déclaré "Bien sûr, si les circonstances le permettent et que le gouvernement porte une loi pour casser les régressions, nous voterons pour. Par contre le gouvernement de SYRIZA votera t-il les lois populaires déposées le KKE à la Chambre ?" Avant de rajouter « mais le président de SYRIZA n’est pas naïf, il ne veut pas des voix gênantes du Parti communiste contre un gouvernement qui va (selon le KKE) continuer sur la même voie que les gouvernements précédents, ce qui aura les mêmes conséquences tragiques pour le peuple. Si le Parti communiste se montre ouvert à un tel gouvernement, le peuple ne fera plus confiance au KKE, nous couperions tous les liens avec lui, comme d’autres Partis communistes qui ont soutenu des gouvernements » ajoute-t-il.

Leçon à méditer ici ?

Le KKE entend mobiliser la rue après l’élection, M. Koutsoubas déclare que "c’est le seul moyen pour que le peuple arrache des conquêtes et des droits, pour contrer les mesures impopulaires, et pour ouvrir une perspective de jours meilleurs pour nous et nos enfants".

Syriza est donc au pied du mur et c’est là que nous allons voir le maçon. S’appuiera-t-il sur le mouvement populaire pour aller plus loin ou finira-t-il par se plier aux injonctions du capitalisme européen ? L’espoir que soulève ce vote nous devons le placer dans le processus de luttes et de grèves générales qui ont conduit à ce résultat électoral et non dans le seul résultat en lui-même.

En France, enivrés par cette victoire populaire, certains se voient déjà à la tête d’une coalition hétéroclite allant jusqu’aux socialistes dits « frondeurs » en passant par les écologistes et le Front de Gauche. Ceux-là même qui hier encore étaient ministres de Hollande ou, aujourd’hui députés, votent ou laissent passer les mesures les plus rétrogrades, disent se reconnaître dans la victoire de l’alliance entre différents groupes et courants que constitue Syriza. Le retour de la « gauche plurielle » en quelque sorte. On connaît le résultat de la précédente : record de privatisations, déceptions pour le peuple et sa perte d’espoir dans le politique qui ont conduit au renforcement de l’extrême droite par défaut de perspective.

L’histoire du mouvement social nous apprend que s’il est arrivé que le peuple conquière des acquis par la lutte et ce, quelle que soit la composition politique au pouvoir, quitte à le renverser, l’inverse n’a jamais été vrai. Sans lutte les acquis sont repris…Par contre c’est toujours la combinaison des luttes et d’un gouvernement se déclarant progressiste qui a permis les plus grandes avancées.

La solution n’est pas dans les tractations d’appareils totalement coupés de la réalité économique et sociale de leur pays. D’autant que toute volonté de progrès social est en totale contradiction avec les obligations des Traités Européens ou du TAFTA au plan international.

Comme Dimitris Koutsoubas nous restons persuadés que rien d’important pour le bien être du plus grand nombre ne peut se faire sans la pression populaire, sans une prise en compte des besoins réels des gens et sans un parti révolutionnaire qui aide aux luttes et à la transformation sociale.

C’est ce qui nous anime à travers notre appel [re]construire.

Alors ?

On passe sous la table ou on la renverse ?

Rouge-Midi


[1Un peu moins chez nous à cause des derniers évènements sanglants encore que l’on peut s’interroger malgré tout sur la place prise ces derniers jours par ces élections dans les médias, significative selon nous de la peur de la grande bourgeoisie de tout ce qui peut mettre un tant soit peu en cause l’ordre établi.

[2On peut aussi s’interroger sur le qualificatif de « radical » qui est attribué à Syriza puisque jusque-là nous n’avons pas entendu de sa part une radicale remise en cause du capitalisme et de son instrument de domination des peuples européens qu’est l’U.E.

[3La Troïka européenne comprend trois institutions : la Commission Européenne (CE)-la Banque centrale européenne (BCE)-le Fonds monétaire international (FMI)

[4L’alternative de Syriza : passer sous la table ou la renverser de Frédéric Lordon.http://blog.mondediplo.net/2015-01-19-L-alternative-de-Syriza-passer-sous-la-table-ou



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