LE CRI D’ALARME DU GIEC : Climat, c’est la logique d’accumulation qui est en jeu !

vendredi 7 novembre 2014
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Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) vient de rendre public le rapport de synthèse de son 5e rapport d’évaluation et le résumé à l’intention des décideurs. La logique capitaliste de la croissance infinie dans un monde fini est suicidaire. C’est bien plus qu’une question écologique, c’est un enjeu humain fondamental, un choix de société et de civilisation. Ci-dessous quelques extraits d’un article de Daniel Tanuro présenté par Michel Peyret.

« Cependant, pour Daniel Tanuro, le rôle des combustibles fossiles n’est qu’un aspect d’une question plus vaste : c’est la logique d’accumulation qui est en jeu. C’est devenu une banalité de le dire : la croissance infinie dans un monde fini, ce n’est pas possible. Pour réduire drastiquement les émissions d’ici 2050, sachant que ces émissions proviennent avant tout de la conversion énergétique, il faut forcément réduire la consommation finale d’énergie, et il faut le faire dans une mesure telle que cela remet inévitablement en cause le « toujours plus ». En clair : il faut réduire la production matérielle et les transports. C’est possible sans nuire au bien-être (en l’augmentant, au contraire) si on supprime les productions inutiles et nuisibles, l’obsolescence programmée, les transports délirants dans le cadre de la mondialisation, etc. C’est possible sans nuire à l’emploi (en le favorisant, au contraire) si on partage le travail, les richesses, les savoirs et les technologies… Mais chacune de ces hypothèses ramène invariablement à la même conclusion : il faut s’en prendre au capital. »
C’est, nous dit Daniel Tanuro, un cri d’alarme. Il nous faut donc le prendre pour tel, en toutes considérations raisonnables.

Michel Peyret

Le diagnostic est sans surprise

le réchauffement est en marche, il est dû principalement à la combustion des combustibles fossiles, et les effets négatifs sont nettement plus importants que les effets positifs,

il est probablement encore possible d’éviter que la température moyenne s’élève de plus de 2°C par rapport à la période pré-industrielle, mais les mesures prises au cours des 20 dernières années nous entraînent tout droit vers un réchauffement de 3,7 à 4,8°C (2,5 à 7,8°C en tenant compte de l’incertitude climatique) qui entraînerait des « risques élevés à très élevés d’impacts sévères, largement répandus et irréversibles ».

Une inquiétude palpable

L’évaluation faite dans ce cinquième rapport ne diffère pas fondamentalement des précédentes, mais le degré de précision des mises en garde est accru, des zones d’ombre commencent à s’éclairer et l’inquiétude des auteurs apparaît plus nettement que jamais. L’expression « virtuellement certain » (plus de 99% de probabilité) est employée de plus en plus souvent pour caractériser le niveau de probabilité de tel ou tel phénomène. Un dégel accru du pergélisol et la poursuite de l’élévation du niveau des mers pendant plusieurs siècles, par exemple, sont considérés comme « virtuellement certains », même en cas de réduction drastique émissions. [...]

Combustibles fossiles, principaux responsables

Les médias se font régulièrement l’écho d’informations pointant la responsabilité du méthane produit par les ruminants, ou des émissions de CO2 dues à la déforestation. Il y a bien une part de vérité dans ces informations, mais le rapport du GIEC met les pendules à l’heure : « Les émissions de CO2 provenant de la combustion des combustibles fossiles et des process industriels ont contribué pour 78% au total des émissions de gaz à effet de serre de 1970 à 2010, avec une contribution similaire en pourcentage de 2000 à 2010 ».

Ce constat est déterminant quand il s’agit d’élaborer des solutions. Les experts du GIEC ont synthétisé la littérature existante sur les modèles de « mitigation » du réchauffement. Ils distinguent huit scénarios, en fonction du niveau auquel la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre serait stabilisée d’ici la fin du siècle. Pour chacun de ces scénarios, un tableau donne les réductions d’émissions à réaliser d’ici 2050 et d’ici 2100, ainsi que la probabilité que la hausse de température par rapport à la période préindustrielle reste sous un certain niveau (1,5°, 2°, 3°, 4°C) au cours de ce siècle. Dans chacun de ces scénarios, la réduction des émissions de CO2 provenant de la combustion des combustibles fossiles occupe une place centrale [...]

Scénarios : entre cauchemar et révolution

Le scénario le moins contraignant est celui dans lequel les émissions continuent à augmenter quasiment au rythme actuel. Dans ce cas, la probabilité de dépasser 4°C de hausse est « plus grande que la probabilité inverse ». La liste des catastrophes sociales et écologiques qui en découlent est plus longue que le Danube et cauchemardesque. S’agissant de la santé humaine, par exemple, le rapport projette que « la combinaison de haute température et d’humidité dans certaines régions à certains moments de l’année compromettra les activités humaines normales, y compris la culture vivrière et le travail à l’extérieur ».La productivité agricole, les pêcheries, seront très durement affectées. Le déclin de la biodiversité s’accélèrera [...]

Une difficulté gigantesque

[...] Il y a certes une dimension technique à cette difficulté, sur laquelle on ne s’étendra pas ici. Il y a surtout des dimensions sociales et politiques. Le rapport insiste sur la juste répartition des efforts entre pays (en fonction des responsabilités historiques), sur le partage des technologies, sur la nécessité d’une collaboration internationale, sur l’importance de combiner lutte contre le réchauffement et lutte contre la pauvreté, sur les impératifs éthiques de cette combinaison et les enjeux pour l’avenir du genre humain… Ce sont des points cruciaux et qui vont potentiellement à l’encontre du néolibéralisme. Jamais un rapport du GIEC n’avait délivré un tel message avec autant de force.

« Dévaluer les actifs »

En même temps, il est une difficulté d’ordre social sur laquelle le résumé pour les décideurs est très peu disert, alors qu’elle pèse d’un poids décisif. A un certain moment, on lit ceci : “La politique de mitigation pourrait dévaluer les actifs en énergie fossile et réduire les revenus des exportateurs de combustibles fossiles (…). La plupart des scénarios de mitigation [1] impliquent des revenus diminués pour les principaux exportateurs de charbon et de pétrole ».

Ces deux petites phrases plutôt discrètes renvoient en fait à un enjeu gigantesque : pour ne pas dépasser 2°C de réchauffement, 80% des réserves connues de combustibles fossiles devraient rester sous terre et ne jamais être exploitées. Or, ces réserves font partie des actifs des compagnies pétrolières et des (familles régnantes des) Etats producteurs. C’est donc un euphémisme d’écrire que « la politique de mitigation POURRAITVALUER les actifs en énergie fossile ». En vérité, une mitigation digne de ce nom implique la destruction pure et simple de la plus grande partie de ce capital.

Les patrons du secteur des énergies fossiles sentent bien le danger. C’est pourquoi ils ont financé massivement les « climatonégationnistes », et cela leur a permis de gagner du temps. Mais, à la longue, il est peu probable que les mensonges de ces charlatans puissent faire barrage à l’inquiétante évidence scientifique portée par le GIEC. C’est pourquoi l’accent est mis de plus en plus sur la quête d’une politique de mitigation compatible – « réalisme » oblige- avec le maintien au maximum des profits des patrons du charbon, du pétrole et du gaz naturel.

S’en prendre au capital

[...] Cependant, le rôle des combustibles fossiles n’est qu’un aspect d’une question plus vaste : c’est la logique d’accumulation qui est en jeu. C’est devenu une banalité de le dire : la croissance infinie dans un monde fini, ce n’est pas possible. Pour réduire drastiquement les émissions d’ici 2050, sachant que ces émissions proviennent avant tout de la conversion énergétique, il faut forcément réduire la consommation finale d’énergie, et il faut le faire dans une mesure telle que cela remet inévitablement en cause le « toujours plus ». En clair : il faut réduire la production matérielle et les transports.

C’est possible sans nuire au bien-être (en l’augmentant, au contraire) si on supprime les productions inutiles et nuisibles, l’obsolescence programmée, les transports délirants dans le cadre de la mondialisation, etc. C’est possible sans nuire à l’emploi (en le favorisant, au contraire) si on partage le travail, les richesses, les savoirs et les technologies… Mais chacune de ces hypothèses ramène invariablement à la même conclusion : il faut s’en prendre au capital. [...]

Bien plus qu’un combat écologique

Fin 2015, le sommet de Paris (COP21) est censé accoucher d’un accord climatique. Le rapport du GIEC mettra chacun devant ses responsabilités. Gageons qu’il pèsera lourd dans la balance. Mais c’est peu dire que les gouvernements non plus ne prennent pas en compte l’hypothèse anticapitaliste.

Alors que les contours de la catastrophe sont plus sûrs, plus clairs et plus effrayants que jamais, alors que des centaines de millions de pauvres sont déjà les premières victimes du réchauffement… ces gouvernements ne seront capables, au mieux, que de concocter dans notre dos un accord climatique insuffisant sur le plan écologique, injuste sur le plan social et dangereux sur le plan technologique. Les récentes décisions de l’Union Européenne illustrent bien ce danger.

Qu’il en aille autrement dépend exclusivement de la mobilisation sociale. Car il s’agit de bien plus qu’une question écologique : un enjeu humain fondamental, un choix de société et de civilisation qui conditionnera tous les autres. L’adversaire est formidable.

On ne peut le faire reculer que par une action collective de tout(e)s les opprimé(e)s, les exploité(e)s. Dès maintenant, utilisons le cri d’alarme du GIEC pour travailler à construire le front le plus large en faveur d’une alternative à la fois sociale et écologique. En un mot : écosocialiste.

Daniel Tanuro

Pour lire l’article complet :

http://alainindependant.canalblog.com/archives/2014/11/07/30908190.html

Transmis par la_peniche


[1action de mitiger, contraire d’aggraver



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