Le Merlan doit-il être un théâtre, comme les autres ?

lundi 29 septembre 2014
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Après la polémique qu’a suscité le licenciement par la direction du Merlan de Zora Berriche pour faute réelle et sérieuse et l’avertissement pour déloyauté prononcé à l’encontre de Patricia Paulino, toutes deux salariées du Merlan, le fossé entre la direction du Merlan et le collectif des associations du Grand St Barthélémy se creuse. Une réunion était prévue le 26 septembre, entre la DRAC et le collectif des associations du Grand St Barthélémy pour discuter sur les cahiers des charges du théâtre.

Classé scène nationale, le Merlan a développé une programmation artistique exigeante et de qualité, mais souvent coupée des attentes des riverains et n’a pas su se nourrir de partenariats participatifs avec les associations de terrain qui auraient pu être fructueux pour tous. Med-in-Marseille a tenu à rencontrer l’association CSF, et recueillir la parole des habitants, à la Cité La Busserine, juste à côté du théâtre. En leur demandant quel serait pour eux un théâtre proche des habitants.

Concertation entre institutions et riverains, théâtre véritablement populaire … ces thèmes de la politique de la ville et de la culture sont à la mode, mais sur le terrain paraissent peu appliqués.

Exemple dans le 14e. « Pendant dix ans, l’ancienne direction du Merlan n’a pas eu de volonté de travailler avec les acteurs de terrain. Nous voulons que soit instituée une nouvelle relation avec les habitants » a déclaré à la presse Nadia Benjilali, membre du collectif des associations du Grand St Barthélémy et salariée du centre social l’Agora en juillet dernier.

Aujourd’hui, beaucoup de riverains sont amers. La question se pose : un tel outil culturel, doit-il resté dans sa bulle, ou doit-il réellement s’ouvrir sur le quartier, et non pas « saupoudrer » sa programmation de quelques participations citoyennes, pour se donner bonne conscience ?

MERLAN SCENE NATIONALE A MARSEILLE :
LE CONFLIT SOCIAL S’INVITE AU PRUDHOMME


Au Merlan scène nationale, nos collègues et camarades Zora et Patricia ont été respectivement licenciée et blâmée pour "insubordination" et "déloyauté" pendant les congés d’été. Ces sanctions s’inscrivent dans une longue séquence de conflits entre la direction du théâtre et les salarié-e-s.

Après 3 mois de mobilisations, un premier dossier, celui de Patricia, déléguée SYNPAC-CGT, arrive aux prudhommes. JEUDIOCTOBRE à 14H30 se tient la conciliation. Il faut que ce soit une première victoire !

Nous devons être nombreuses et nombreux pour montrer notre détermination à défendre nos valeurs : autant sur le respect du droit du travail que sur la défense d’une culture de qualité et populaire, bien commun en lien avec les populations de notre territoire.

Un rassemblement est prévu le 2 Octobre à 14 H30 devant le conseil de Prud’hommes de Marseille pour accompagner Patricia. (6 rue Rigord 13007 Marseille)

Nous comptons sur vous.

Pensez à faire remonter les pétitions ou à signer ici.

Appel signé de la section locale du SYNPTAC-CGT au Merlan scène nationale, SYNPTAC-CGT PACA, UL La Rose

Pour tenter d’ouvrir un débat, nous avons souhaité rencontrer l’association CSF, Confédération Syndicale des Familles, très impliquée sur ce thème, puisque l’une de ses responsables est Zora Berriche, par ailleurs, attachée aux relations aux publics du théâtre et désormais licenciée.

Les femmes de la CSF, Confédération Syndicale des Familles, Lahouaria, Céline et Zora Berriche, présentes dans leur local, à la Busserine, mercredi dernier, expriment leur colère, et ne souhaitent plus être « la caution quartier » d’une scène nationale qui n’a pas su composer avec les habitants d’un quartier populaire qui aurait bien besoin d’une bonne bouffée d’oxygène culturel.

Le Collectif des associations du Grand St Barthélémy a demandé au président et au CA du Merlan, après le départ de l’ancienne directrice Nathalie Marteau, à « être consulté sur le projet à venir ». Le collectif a envoyé un mail au président qui leur a répondu que ces requêtes ne faisaient pas partie de ses compétences et les a orientés vers le ministère. Ils ont été reçus par la Drac, Direction Régionale des Affaires culturelles, le 26 septembre dernier.

A l’occasion du couac quartier créatif, la Drac avait reçu les associations, en mai 2013, pour retravailler les bases du partenariat avec le théâtre. Le sentiment, de ne pas être entendu par la direction sur d’éventuels projets communs et adaptés aux attentes de la population du 14e est partagé par toutes les associations du Collectif. Si le Collectif est prêt à travailler, dans le cadre de partenariats, avec le théâtre, pour Zora Berriche, cela suppose au préalable une relation d’égalité avec la direction, hors elle déplore « une direction très totalitaire ».

Et bien entendu, tous attendent un apaisement des tensions sociales qui règnent aujourd’hui en interne au théâtre. Zora, désormais, licenciée se bat pour sa réintégration, Céline et Lahouaria, pourtant pleines d’énergie et d’idées, préfèrent, pour l’instant ne plus avoir de lien avec le théâtre.

Un des facteurs déclenchant a eu lieu en 2013, sur le projet quartier créatif établi dans le cadre de MP13. L’idée « d’un jardin possible », avec la participation des habitants avait germé au théâtre, un projet qui aurait bénéficié de financements conséquents. Mais les associations de quartier n’ont pas voulu joué le jeu car ce jardin aurait pu voir le jour, mais pour une durée déterminée, un jardin éphémère qui aurait demandé effort et travail pour disparaître quelques mois plus tard.

Il est vrai que les quartiers n’ont pas vraiment le luxe de se payer ce genre de fantaisie… Quand on voit le manque d’espace vert tout autour du Merlan…. Bref, tout est resté lettre morte, et le jardin est aujourd’hui un parking. « Quand j’ai découvert le projet, que les habitants n’étaient pas dedans, que le jardin allait être éphémère, ça m’a mise en colère », se remémore Céline, future présidente de CSF.

Les tours de la Busserine

« Nos habitants ont du talent »

Mais au-delà de cet épisode, les associations ont bien conscience du formidable outil qu’est le théâtre du Merlan et foisonnent d’idées pour que la Culture puisse appartenir à tous. Pour Céline, l’impératif est de revaloriser les jeunes et l’image du quartier et au passage aider les jeunes talents à émerger. Quoi de mieux qu’un théâtre pour cela ? Et une scène nationale en plus ? : « Ce partenariat serait intéressant pour pouvoir mettre les jeunes en valeur, afin de montrer aux gens que nous vivons, que nous existons et que nous faisons des choses, pour essayer de nous débrouiller et de nous en sortir. Les quartiers nord sont stigmatisés par la ville de Marseille, les jeunes veulent s’en sortir, nous essayons de lutter contre la délinquance, le trafic et il n’a y a pour les jeunes, parfois, que ce moyen-là. »

Leur souhait est que le Merlan fasse la place à une scène artistique locale, celle des habitants et qu’elle puisse émerger. Ce qui suppose de proposer des cours, des projets, des spectacles et laisser des nouveaux talents se produire sur la scène du théâtre. Céline s’enflamme : « Énormément de jeunes, ici, ont des talents artistiques phénoménaux ». « Ici, nous avons des rappeurs, des slameurs et beaucoup d’autres choses. Dans le quartier, nous sommes très riches de créativités. On veut montrer aux gens, de quoi on est capable », rajoute Zora. Pour Lahouaria ; il est essentiel que la programmation soit étendue en journée, afin que les habitantes qui ne peuvent pas sortir en soirée, puissent y participer. Elle estime également que « L’art ou les spectacles contemporains, sont un peu compliqués parfois, la danse contemporaine, c’est bien, mais beaucoup ne comprennent pas. ».

Pourquoi pas des spectacles comiques ?

Lahouaria a un même un souhait un peu fou : « J’aurais voulu que des têtes d’affiche passent au Merlan, notamment Jamel Debouze. Je viens d’une petite ville, Chartes et beaucoup d’artistes très connus venaient. Je me demande pourquoi on ne le fait pas ici. Et pourquoi ne pas programmer des spectacles comiques ou des sketchs ? »

En dehors de ces vœux, le collectif défend également des projets artistiques ambitieux. « On pourrait aller encore plus loin et mettre en place d’autres projets qui marqueraient le quartier », estime Zora. Les habitants auraient, notamment voulu voir au Merlan, « Sur la Trace de nos pas », une pièce conçue avec des jeunes du quartier de la Busserine, et notamment Farouk, de l’Agora, acteur dans la pièce. Ce travail qui met en avant l’histoire des immigrations a fait l’objet d’un atelier résidence avec le metteur en scène, Yan Gilg de la compagnie Mémoires vives, au Centre social Agora en 2012. Or, de façon absurde, c’est au théâtre Toursky que les habitants ont pu la voir, en décembre 2013 : « Et la salle était comble. C’était un spectacle très émouvant. » Se souvient Céline. Tous n’ont pas compris pourquoi le Merlan ne l’a pas inscrite à l’époque dans la programmation. A force de demander, la pièce sera, tout de même, jouée en mars 2015 au Merlan.

« Le jardin possible qui est devenu le jardin pas possible »

En tout cas, l’échec du projet quartier créatif est dans toutes les têtes et attise la colère. Car, il faut reconnaître que l’idée de jardin éphémère était inappropriée, une erreur dans le beau rouage MP13. « Sachant qu’ils allaient débloquer une somme faramineuse, pour que ce soit détruit l’année d’après, je trouvais ça complétement ridicule. Quand on débloque de l’argent c’est pour quelque chose de durable et pas d’éphémère »

, s’indigne Céline. Et Zora rajoute : « un jardin pour les gens, c’est précieux. On produit des fruits et après on ne peut même pas les cueillir, plus rien. » L’image est belle et montre bien en quoi la politique destinée aux quartiers est souvent vide de sens. Tous ont le sentiment partagé d’un gros gaspillage d’argent dans un quartier qui en manque cruellement.

Mais Zora Berriche veut conclure sur une note positive : « J’estime malgré tout qu’il y a une avancée avec le théâtre. Le directeur nous a quand même répondu par mail. Et je trouve que pour la saison 2014-2015, le théâtre propose trois projets artistiques qui impliquent bien les habitants. » En plus de la programmation de « Sur la traces de nos pas » de Yan Gilg, elle cite les ateliers de pratique artistique de l’artiste Carol Errente, intitulés « Nous sommes toutes des reines », en direction de femmes du Grand Saint-Barthélemy. Et la résidence du metteur en scène François Cervantes « L’épopée du grand Nord » qui invite, pour la saison 2014-2015, les habitants du Grand St Barthélémy à s’exprimer pour produire « une création au dimension participative », et sera présentée sur scène, fin 2015.

Dans les quartiers, chacun a bien conscience qu’il faut respecter une exigence artistique pour le théâtre. « C’est important que le Merlan ne perde pas son label scène nationale », tient à rappeler Zora.

Extrait de :
http://www.med-in-marseille.info/spip.php?article2248

Danielle et la peniche



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