Un 14 juillet qui passe mal !

dimanche 13 juillet 2014
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Institué en 1880 comme fête nationale, le 14 juillet est un immense symbole de liberté et de la fin des privilèges dans notre pays. Mais 133 ans plus tard, bien loin de la prise de la Bastille, la signification de ce jour historique paraît pour le moins ambiguë. Et, depuis la confirmation de la présence de soldats algériens et vietnamiens lors du défilé, la confusion est totale ...

La fête nationale commémore d’abord le 14 juillet 1789, première journée du « peuple » en arme.
Mais ce que veulent commémorer les bourgeois de 1880, après la défaite contre l’Allemagne, ce n’est pas le peuple souverain, donc pas la prise de la Bastille, mais le 14 juillet 1790 : la Fête de la Fédération qui consacre le succès éphémère de la monarchie constitutionnelle et l’union de tous les Français.

Le 14 juillet 1880, par Alfred Roll (esquisse à l’huile – 1881 – Petit Palais – Paris)

Cette fête correspondait bien à l’idéal bourgeois des républicains opportunistes au pouvoir en 1880. Ainsi la date du 14 juillet fait partie des mythes fondateurs de la nation française, comme le drapeau tricolore, la Marseillaise et la devise républicaine : Liberté, Égalité, Fraternité.

Mais pourquoi avoir institué un défilé militaire ?

La France est un des rares pays - avec la Russie - à faire défiler ses troupes le jour de la Fête Nationale. C’est la IIIe République qui institue le défilé militaire du 14 juillet. Dix ans après la défaite de 1870 contre les Prussiens et la capture de Napoléon III, la France veut montrer qu’elle a reconstitué son armée. Et surtout qu’elle est prête à reconquérir l’Alsace et la Lorraine, provinces abandonnées à l’ennemi à la faveur de la capitulation.

C’est le défilé de la victoire, le 14 juillet 1919, qui consacre définitivement la présence militaire dans la commémoration nationale.

La France a perdu 1 400 000 soldats - soit un quart des 18-27 ans - dans ce conflit, le plus meurtrier qu’ait connu notre pays.

Le défilé devient l’hommage de la nation à ceux qui sont morts pour elle. Ensuite et surtout, il fallait montrer aux « peuples colonisés » le grand bâton dont nous disposions si l’envie leur venait d’avoir des velléités d’indépendance.

Ils ont la mémoire courte

En effet, le 14 juillet 2010 (sous le prince Nicolas Sarkösy de Nagy-Bocsa) pas moins de 13 anciennes colonies d’Afrique subsaharienne y sont représentées. Il faut dire qu’ils sont toujours sous influence de la « françafrique » (voir la guerre au Mali et en Centre Afrique ...)

Mais que des pays qui ont gagné leur indépendance de haute lutte, dans la douleur et la souffrance de leur peuple en battant l’armée française se plient à ce simulacre, quelle surprise !

En effet le 14 juillet 2014 (sous le président normal François Hollande) verra défilé des soldats algériens et vietnamiens C’est vrai qu’ils ont, eux aussi donné leur vie dans la guerre de 14 – 18. [1]

Mais c’est une véritable « provocation » pour les nostalgiques du temps des colonies et pour le FN qui n’en demandait pas tant.

Toute la galaxie des pieds-noirs a embrayé avec des communiqués furibards dénonçant la « repentance » de François Hollande. Le Cercle "algérianiste" écrit ainsi : « Le président de la République a fait le choix d’une démarche idéologique qui n’a pour seul résultat que d’aviver les blessures et les fractures de la nation et de marquer le mépris de l’Etat pour la douleur et les souffrances des pieds-noirs et des harkis. »

« C’est Fanon qu’on assassine ! »

L’éditorialiste d’El Watan, lui, a convoqué le philosophe et militant anticolonialiste Frantz Fanon pour critiquer une participation algérienne aux cérémonies du 14-Juillet, qui n’a été confirmée officiellement que lundi dernier par le chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Lamamra. Au grand dam de Saïd Abadou, secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidin – les anciens combattants –, qui affirmait qu’il n’en serait jamais question et n’envisageait une telle présence que « lorsque l’ancienne puissance coloniale présentera ses excuses pour les crimes commis en Algérie ».

Qu’elle signification aujourd’hui ?

Même si les Français ne savent pas réellement ce qui se rattache au 14-Juillet, ils savent au moins ce qu’il symbolise. Dans un monde en crise, où ils sont déboussolés, où l’E.U dirige la France et engendre l’austérité, où les hommes politiques ne les écoutent pas, ils s’y raccrochent. Ils sont demandeurs.

Nous battons sans doute des records.

Les médias l’ont bien compris. Regardez l’offre qu’ils proposent cette année autour du 14-Juillet. Ce n’est plus une cérémonie solennelle, c’est de la télé-réalité pour justifier le budget militaire et les guerres africaines.

En revanche, il est indispensable de s’interroger sur les valeurs autour desquelles la nation française moderne s’est construite et que sont censées exprimer le 14 juillet. D’abord celle d’unité : nous avons en ce moment une classe politique qui ne vit que de ses déchirements, de ses polémiques, de ses passions haineuses et narcissiques alors que le peuple français, avide de paix civile, de concorde, lui demande uniquement de s’occuper de ses difficultés.

Quant aux grands principes de 1789, figurant dans la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, on pourrait légitimement s’interroger sur leur sens profond aujourd’hui et leur réalité : que reste-t-il de l’égalité devant la loi, de la souveraineté nationale, des libertés publiques, en particulier la liberté d’expression, du droit de propriété, du droit à la « sûreté » (la sécurité), de l’impératif de responsabilité devant le peuple des décideurs publics et de la fraternité entre les hommes de bonne volonté ?

Alors, pourquoi accepter d’admirer un défilé militaire (puisqu’il n’y a plus de conscrit, mais uniquement des engagés) et pourquoi ne pas proposer comme lors du 14 juillet de 1936 (à la suite de la victoire du Front Populaire) un défilé à l’appel des organisations syndicales ? Ils y étaient plus d’un million !

Le peuple en marche, a une autre signification qu’une troupe en arme.

C’est justement cela qui leur fait peur. Les mercenaires n’obéissent qu’à ceux qui les paient.
Ils sont loin les vainqueurs de Valmy ...

Ils ont presque toujours perdu,car ils se battaient pour de mauvaises causes. Même leur fête principale est une défaite ! Mais ils n’hésiteront jamais à tirer sur des manifestants susceptibles de remettre en cause l’ordre bourgeois.

la peniche


[1Sur 8 millions de soldats mobilisés (dont 1,4 million tués ou disparus), la mobilisation des troupes coloniales aura concerné :
– 175.000 Algériens (dont 35.000 tués ou disparus),
– 40.000 Marocains (dont 12.000 tués ou disparus),
– 80.000 Tunisiens (dont 21.000 tués ou disparus),
– 180.000 Africains noirs (dont 25.000 tués ou disparus),
– 41.000 Malgaches (dont 2.500 tués ou disparus),
– 49.000 Indochinois (dont 1.600 tués ou disparus),
– Total : 565.000 (dont 97.100 tués ou disparus)



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