Alerte au piège transatlantique

mercredi 26 février 2014
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Viandes aux hormones de croissance, maïs génétiquement modifié, poulets lavés au chlore ... Ce sont les obligations qui attendent les européens si l’accord transatlantique est signé. Négocié en secret, ce projet ardemment soutenu par les multinationales leur permettrait d’attaquer en justice tout Etat qui ne se plierait pas aux normes du libéralisme. Ci-dessous l’éditorial de Serge Halimi dans le Monde Diplomatique daté de mars 2014.

Savez vous ce qu’ils trament dans notre dos à Bruxelles ?


Imagine-t-on des multinationales traîner en justice les gouvernements dont l’orientation politique aurait pour effet d’amoindrir leurs profits ? Se conçoit-il qu’elles puissent réclamer — et obtenir ! — une généreuse compensation pour le manque à gagner induit par un droit du travail trop contraignant ou par une législation environnementale trop spoliatrice ?

Si invraisemblable qu’il paraisse, ce scénario ne date pas d’hier. Il figurait déjà en toutes lettres dans le projet d’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) négocié secrètement entre 1995 et 1997 par les vingt-neuf Etats membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Divulguée in extremis, notamment par Le Monde diplomatique, la copie souleva une vague de protestations sans précédent, contraignant ses promoteurs à la remiser. Quinze ans plus tard, la voilà qui fait son grand retour sous un nouvel habillage.

L’accord de partenariat transatlantique (APT) négocié depuis juillet 2013 par les Etats-Unis et l’Union européenne est une version modifiée de l’AMI. Il prévoit que les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants...

Lori M. Wallach - le Monde Diplomatique, novembre 2013

Transmis par la_peniche

Le piège transatlantique.

On peut parier qu’il sera beaucoup moins question de ce sujet lors des prochaines élections européennes que du nombre d’expulsions d’immigrés clandestins ou de l’enseignement (prétendu) de la « théorie du genre » à l’école.

De quoi s’agit-il ? De l’accord de partenariat transatlantique (APT), qui va concerner huit cents millions d’habitants à fort pouvoir d’achat et presque la moitié de la richesse mondiale ... [1]

La Commission européenne négocie ce traité de libre-échange avec Washington au nom des vingt-huit Etats de l’Union ; le Parlement européen qui sera élu en mai devra le ratifier.
Rien n’est encore joué, mais, le 11 février dernier, lors de sa visite d’Etat à Washington, le président français François Hollande a proposé de hâter le pas : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. »

« Tout à gagner à aller vite » ? Dans cette affaire, il importe au contraire de donner un coup d’arrêt aux machines à libéraliser et aux lobbys industriels (américains, mais aussi européens) qui les inspirent.

C’est d’autant plus nécessaire que les termes du mandat de négociation confié aux commissaires de Bruxelles ont été cachés aux parlementaires du Vieux Continent, tandis que la stratégie commerciale de l’Union (s’il en existe une, en dehors de la récitation des bréviaires du laissez-faire) n’avait plus aucun secret pour les grandes oreilles américaines de la National Security Agency (NSA)...  [2]

Un tel souci de la dissimulation, même relative, annonce rarement de bonnes surprises. De fait, le bond en avant du libre-échange et de l’atlantisme risque d’obliger les Européens à importer de la viande aux hormones, du maïs génétiquement modifié, des poulets lavés au chlore. Et d’interdire aux Américains de favoriser leurs producteurs locaux (Buy American Act) lorsqu’ils engagent des dépenses publiques pour lutter contre le chômage.

Pourtant, le prétexte de l’accord, c’est l’emploi. Mais, enhardis par des « études » souvent financées par les lobbys, les partisans de l’APT sont plus loquaces sur les postes de travail créés grâce aux exportations que sur ceux qui seront perdus à cause des importations (ou d’un euro surévalué...).

L’économiste Jean-Luc Gréau rappelle cependant que, depuis vingt-cinq ans, chaque nouvelle percée libérale — marché unique, monnaie unique, marché transatlantique — a été défendue en prétextant qu’elle résorberait le chômage.

Ainsi, un rapport de 1988, « Défi 1992 », annonçait que « nous devions gagner cinq ou six millions d’emplois grâce au marché unique. Toutefois, au moment où celui-ci a été instauré, l’Europe, victime de la récession, en a perdu entre trois et quatre millions »... [3]

En 1998, un accord multilatéral sur l’investissement (AMI), déjà conçu par et pour les multinationales, fut taillé en pièces par la mobilisation populaire  [4]

L’APT, qui reprend certaines de ses idées les plus nocives, doit subir le même sort.

Serge Halimi

Transmis par Linsay


[1Lire Lori M.Wallach, « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les Européens », Le Monde diplomatique, novembre 2013 : http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803

[2Patrick Le Hyaric, député européen du groupe de la Gauche unitaire européenne (GUE), a publié le texte intégral de ce mandat de négociation dans son livre Dracula contre les peuples, Editions de L’Humanité, Saint-Denis, 2013.

[3Jean-Luc Gréau, dans « Le projet de marché transatlantique », actes du colloque de la Fondation Res Publica, Paris, septembre 2013 : http://www.fondation-res-publica.org/Le-projet-de-marche-transatlantique_r105.html

[4Lire Christian de Brie, « Comment l’AMI fut mis en pièces », Le Monde diplomatique, décembre 1998 :http://www.monde-diplomatique.fr/1998/12/DE_BRIE/11435.



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