L’énorme succès des marins CGT : une brèche à agrandir partout !

mardi 14 janvier 2014
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Non seulement ce sont des centaines d’emplois qui sont sauvés, non seulement c’est du travail en plus pour les chantiers français de construction navale, mais aussi c’est un sérieux coup d’arrêt à la circulaire européenne de 1996 sur les travailleurs détachés que nous avons dénoncée ici même : un vrai et très grand pas en avant.
Cela conforte ceux qui comme nous veulent une abrogation de cette circulaire et pousser les organisations politiques et syndicales qui se disent progressistes à la demander...enfin !

Si les grands médias nationaux ont abondamment parlé de la grève des marins (quoique souvent avec quelques approximations – en "oubliant" ceux de la CMN – et oublis : le fond des revendications) ils ont curieusement peu parlé d’un des acquis de cette grève qui est pourtant au cœur du vote de reprise.
Curieusement ? Pas tant que cela quand on examine de près le protocole.

Plus ou moins confusément, on avait bien compris que dans ce conflit se jouait, dans une sorte de quitte ou double de la dernière chance, l’avenir même des compagnies maritimes françaises CMN et SNCM. A force de nous seriner partout que bon d’accord la Corsica ferries n’était peut-être pas bien propre mais le « low cost », dans le maritime comme dans l’aérien, était un mal nécessaire au regard des finances des clients, certains avaient fini par le croire [1]. Vous remarquerez d’ailleurs au passage que pour les François Lenglet (A2) ou les Dominique Seux (France Inter) à la manœuvre de ces justifications,la notion d’usager a disparu au profit de celle de client ce qui est paradoxal quand on pense qu’ils sont payés par le service public !

De plus, à la veille d’une grève bien annoncée par les médias nationaux le gouvernement annonçait lui, le déblocage d’une enveloppe conséquente, ce qui n’arrêtait pas les grévistes. Mais que voulaient-il donc alors ces cégétistes jamais satisfaits, se disait le bon peuple dont nos deux éditorialistes prétendaient se faire l’écho ?

Ce qu’ils voulaient et qu’ils veulent encore, au-delà de leur emploi et même de leur compagnie, c’est ne pas rentrer dans la spirale de la régression sociale par le biais de la mise en concurrence des salariés entre eux.

Comprenons-nous bien. Vous avez d’un côté l’UE et sa circulaire de 1996 sur les travailleurs détachés qui consacre le fait que, quand des salariés se déplacent en Europe ce soit le droit du travail du pays d’origine qui s’applique, et de l’autre des marins en France (et pas forcément français), qui veulent que le droit du travail gagné ici après des décennies de lutte, s’applique à toutes et tous. Et si des polonais, plombiers ou marins, viennent travailler ici, qu’ils soient à égalité de droits et payés comme des salarié-e-s travaillant en France, protection sociale comprise. Autrement dit c’est circulaire Bolkestein d’un côté, contre progrès social et internationale de classe de l’autre.

De plus, les marins savaient que les 30 millions annoncés par le gouvernement ne pouvaient suffire mais qu’il fallait aussi un engagement sur les bateaux à renouveler dont la SNCM a besoin. Eh bien c’est sur ces deux points fondamentaux que les marins ont gagnés ! Sans parler du problème des subventions dont Rouge midi a parlé plusieurs fois, des plaintes enfin déposées à l’initiative de la CGT contre les subventions perçues par Corsica Ferries et de la table ronde avec les collectivités locales pour envisager aux côtés de l’État et la Caisse des dépôts, un retour à une compagnie 100% publique.

Sur les bateaux, la presse en a parlé, n’y revenons pas, le gouvernement prend l’engagement de la construction de deux bateaux supplémentaires d’ici juin ce qui devrait aussi fournir du travail aux chantiers de St Nazaire : très bien.

Sur la question du statut des travailleurs, ce qui pour les marins se traduit par la nature du pavillon (français ou non) et 1er registre.
Derrière ces termes, les marins des deux compagnies françaises de Service Public se battaient pour que toute compagnie effectuant des missions de service public en France soit obligée, quel que soit le pavillon qu’elle arbore (la Corsica ferries navigue sous pavillon international italien) d’adopter le droit du travail français. Autrement dit d’aller totalement à l’encontre de la circulaire de 1996 dénoncée ici même et dont le récent aménagement a été, hélas, approuvé à l’unanimité par le sénat français.

Quand d’aucuns présentaient comme « un pas en avant » (sic !) des aménagements à la marge, les marins, eux, se battaient eux pour une véritable réglementation au lieu de cette circulaire et en tous cas sa non application à leur secteur. Aidés par leur avocate, Me Bonnefoi, ils ont à l’appui de leur grève historique sans laquelle il n’y aurait eu aucun gain, musclé leur dossier d’arguments juridiques sur le droit communautaire.

A l’arrivée ils obtiennent (voir document joint)que le droit du travail français s’applique non seulement à leur compagnie, mais soit étendu à l’activité régulière dans l’ensemble de la profession du transport maritime, et demain aux routiers !!

De plus, ils obtiennent aussi, en lieu et place des opérations de contrôle a postériori « justifiées et proportionnées » chères à Sapin, et dont tout le monde mesure l’inefficacité, l’établissement de contrôles avant la mise en place des contrats de travail selon le droit français !! Ce sont des années de lutte et une ténacité à toute épreuve qui trouvent là un aboutissement porteur d’avenir.

Le décret d’application de ces mesures a été présenté par le ministre Cuvillier aux syndicats jeudi 9 janvier et devrait être effectif dans les prochaines semaines. Dans un premier temps, l’état reconnait ainsi que dans les transports ou les secteurs non marchands, c’est à lui de fixer les règles, sans se cacher derrière « Bruxelles ».

A nous de faire en sorte de ne pas en rester là.

A l’issue de cette grève, les travailleurs de France possèdent un sacré levier pour faire évoluer la législation nationale, mettre enfin à bas la circulaire européenne de 1996 et démontrer par la lutte que la solidarité n’a pas de frontières.

L’exact contraire de la préférence nationale qui est tout sauf anticapitaliste et est, comme le dit Fred, [2] " à l’opposé de l’union des travailleurs et des valeurs de la CGT."


Merci à Fred pour ses remarques sur cet article.
Merci à Marc pour les documents qu’il nous a fournis.


[1et avaler aussi nombre de sornettes qui agrémentaient l’argumentation : personnel trop nombreux, trop payé et fainéant…

[2Fred Alpozzo, secrétaire du syndicat des marins CGT



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jeudi 16 janvier 2014 à 00h29 - par  chb

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