Pierre Gattaz « Plaies et boss »

mercredi 7 août 2013
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Le candidat à la tête du Medef, après avoir massacré son rival Saint-Geours à l’UIMM, parle en patron de choc des patrons ou quand le MEDEF se radicalise au delà de ce que l’on pensait possible...

Qui a vu venir ce tueur bonasse ?? Au Medef, pas grand –monde .Pas Fréderic Saint-Geours, en tout cas qui s’est imaginé, du haut de son énarchie, de son statut de grand patron, de son verbe agile et de ses manières de prélat, n’en faire qu’une bouchée. Gattaz non mais vous n’y pensez pas !Saint-Geours aurait du y réfléchir davantage, car il a perdu le vote interne à l’UIMM, dont il est pourtant le patron .Une telle déculottée, raconte-t-on au Medef, que des permanents de l’UIMM faisaient le tour des tables pour lui collecter des suffrages le jour du scrutin , et lui éviter l’humiliation. En vain puisque Gattaz a récolté 149 voix, et Saint-Geours …69.

Gattaz n’a fait qu’une bouchée de son rival, grâce a un habile partage des rôles avec son acolyte Denis Kessler. Gattaz, c’est frère sourire. C’est Kessler qui cogne. Il a porté les coups les plus violents en traitant Saint-Geours de « demi-patron », soulignant qu’ il n’avait jamais été qu’ un numéro 2, et rappelant dans tout Paris son pedigree de dirigeant d’une entreprise mal en point et son rôle d’ancien directeur de cabinet d’ Henri Emmanuelli. Et pendant, que Saint-Geours menait son combat en gants blancs, annonçant qu’il se retirerait s il n arrivait pas en tête, Gattaz toujours culotée, répliquait que pour sa part, il irait jusqu’ au bout parce qu’il avait « un message à porter », lui. Saint-Geours hébété après le combat, a dit d une voix blanche : « j ai voulu respecter nos règles de gouvernances » Il aura le temps d’y réfléchir, désormais.

Qu’a-t-il fait, Gattaz, pour les mettre dans sa poche ? Du Chirac « C’est vrai qu’on avait l’impression de vivre un remake de la présidentielle de 1995, avec Saint-Geours mal conseille par Fouks endossant le rôle de Balladur », rigole un influent patron. Gattaz a donc sillonné le pays des semaines durant, fait le gars sympa, disponible, pas une main qu’il n’est serré .Il a joué la carte des petits patrons de « terrain », mots de monsieur Tout-le-monde, physique passe-partout. Et peu importe qu’il soit héritier, comme Parisot, qu’il a éreintée avec bonhomie et que papa Yvon, lui -même ancien dirigeant, du CNPF, l’ancêtre du Medef, dans les années 80, et fondateur de Radiall, soit membre de l’institut et récemment fait grand -croix de la légion d’honneur par François Hollande.

Un flair de chien truffier

Le « terrain », Gattaz le renifle comme un chien truffier « il a parfaitement compris le petit patronat se radicalise, qu’il y a un rejet très fort, mais pas toujours formulé, du paritarisme. Le Medef veut un patron de combat ils vont être servis », explique un de ses affidés .Il leur a donné ce qu’ils attendaient, en se déclarant favorable a la suppression de toute référence à la durée légale du temps de travail, et préférant les accords d’entreprises aux grands accords interprofessionnels. Il dit souvent qu’il n’y « pas de sujet tabou » et au lieu de s’en inquiéter, les petits patrons adorent ça.

C’est l’émeute sur « le terrain » quand il dit que « les enjeux sociétaux viennent après les affaires » une nouvelle pelletée de terre jetée sur la tombe de Parisot, mais avec jovialité comme toujours. Il a fait un meeting à la Mutualité, la salle était pleine. Mais il avait pris garde d’éviter la présence de permanents du Medef ce soir-la, pour qu’on ne dise pas que la compétition était déjà jouée .La rouerie de Gattaz met les autres sur les dents.

L’élection s’est jouée le 3 juillet devant l’assemblée générale du Medef .Face a lui, Patrick Bernasconi, dirigeant d’une entreprise de travaux publics, et Geoffroy Roux de Bézieux, patron de Virgin mobile et numéro 2 de la fédération Patronale des télécoms . Bien avant l’élection il les avait déjà habillés pour l’hiver, laissant ses proches faire le boulot . Bernasconi ? Un parfait numéro 2 un autre Saint-Geours, issu d’un secteur les transports publics, vivant largement des commandes publiques …Bézieux ? Sympathique, médiatique mais coupé « des vrais patrons ». Pour l’emporter il a compris qu’il fallait désormais se recentrer. Gattaz veut donc « réconcilier l’économique et l’humain. » Il explique que l’entreprise doit « s’adapter tout le temps, dans la plus grande humanité » Les yeux dans les yeux.

On voit ce que ça donne depuis. Et ce n’est pas l’Elysée qui va le contredire...

D’après Anne-Sophie MERCIER
Le Canard Enchainé
30 AVRIL 2013

Post sciptum

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En une seule semaine, le medef a tenté de torpiller François hollande à trois reprises.

Il n’a pas fallu attendre bien longtemps après l’élection de Pierre Gattaz pour découvrir le nouveau visage du Medef. En une seule semaine, sur trois dossiers clés, le patronat a cherché à torpiller François Hollande, frappant au cœur de ses engagements électoraux. En refusant d’abord d’avaliser des propositions sur la transition énergétique, puis en combattant un projet de loi sur les coopératives et un autre sur la cession des sites par les grands groupes industriels, il s’oppose, décomplexé.

La gauche sait désormais qu’elle doit affronter un monde patronal qui ne veut plus céder en rien, ni sur rien. Pas question d’accepter une politique écologiste ambitieuse. Ni de tolérer la concurrence d’un autre modèle de propriété des entreprises. Ni de céder sur le droit de l’actionnaire de fermer les usines, même quand cela provoque des drames sociaux.

Avec ce patronalisme à front de taureau, voici donc le « Medef de combat » revendiqué par Pierre Gattaz. Il ne s’agit plus d’affronter les syndicats de salariés, puisque des convergences sont possibles, y compris avec la CGT, autour d’un modèle industriel (lire Marianne n° 848). Mais de répondre à « l’exaspération » qui travaillerait les chefs d’entreprise, en défiant Hollande et son gouvernement. « Je ne fais pas de politique ! » se défend Pierre Gattaz. Voire. Cet industriel, qui dispose d’une forte et récente légitimité, porte au nom de la « lutte pour l’emploi » un programme radical, « populiste », en phase avec des chefs d’entreprise en butte avec l’Etat, les impôts, les règles, les normes. « C’est l’homme du moment », s’enthousiasme un de ses puissants soutiens au sein de l’organisation.

Pour l’heure, le rapport de force lui est favorable. Depuis l’affaire des « pigeons », chaque confrontation voit le gouvernement reculer, un peu, beaucoup ou lamentablement. Ce qui compte en politique, c’est d’avancer. Et Gattaz avance.

Par Hervé Nathan *Article publié dans le numéro 849 du magazine Marianne paru le 27 juillet 2013

Transmis par Linsay



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