Les mouvements sociaux latino-américains et l’alternative

lundi 3 juin 2013
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Les mouvements sociaux, par définition, ont une finalité concrète et nationale (droits démocratiques, environnementaux, humains, défense des intérêts des paysans ou ouvriers, revendications étudiantes, lutte contre la discrimination des indigènes, des différences dans la sexualité ou de l’inégalité entre les genres). Cela est à la fois la base de sa force rassembleuse et de sa limitation, car ce ne sont pas les travailleurs et les opprimés qui partagent chacune de ses fins et, par ailleurs, la lutte est dans le cadre du système social capitaliste qui, dans chaque champ de l’activité et sur le terrain même de la survie de l’espèce humaine et de la Nature, est destructeur, prédateur, injuste, inhumain, assassin.
Pour cela, bien qu’ils livrent des luttes courageuses, héroïques, constantes, les mouvements sociaux rencontrent seulement un appui partiel, ils ne parviennent pas à bouger tous ses alliés potentiels et ceux-ci ne peuvent espérer une alternative à un système qui est international, global.

Ils peuvent, néanmoins, converger, s’unir avec d’autres luttes, et depuis le terrain limité du local et du national ils peuvent rayonner, s’étendre, influer à distance à d’autres continents comme ce fut le cas en 1968 ou avec la lutte des « indignés » européens… à condition d’avoir un axe qui peut être mondialement reconnu comme commun et être capable par conséquent de socialiser la lutte et d’éveiller la sympathie, la solidarité active, des espérances mobilisatrices et la soif de créer des « milliers de Vietnam ». Pour ce faire, ils ne peuvent se limiter à combattre une conséquence ou une politique du capitalisme, mais mettre en question le capitalisme lui-même. En un mot, ils doivent être politiques et anticapitalistes non seulement dans des déclarations sur un indéfini socialisme du futur, mais surtout, dans leur capacité à unir contre lui les diverses victimes du capitalisme. Sans un éducation politique des majorités exploitées et opprimées, sans une bataille pour les idées, une formation à la solidarité et à l’internationalisme, les majorités pauvres et travailleuses seront seulement cela, seulement la majorité et les un pour cent continueront de commander les quatre vingt dix neuf pour cent.

Au Mexique les enseignants mènent une juste et dure lutte pour la défense de leurs conquêtes professionnelles, parce que la dénommée réforme de l’Education est en réalité une lutte pour aggraver les conditions de travail et réduire les résistances pour privatiser l’enseignement. Ceux-ci, surtout les enseignants ruraux, expriment de plus la voix des paysans et des indigènes, de même que les grèves générales continues des enseignants argentins dans les provinces représentent aussi la population pauvre et désorganisée. Mais les uns et les autres doivent être d’urgence aidés par d’autres secteurs syndicaux et surtout politques.

Du Mexique jusqu’au sud extrême du continent, les luttes sont dures aujourd’hui mais ponctuelles, isolées dans l’espace et le temps, et les mouvements sociaux n’avancent pas, ce qui permet aux gouvernements de donner des coups durs au plus avancé du mouvements ouvrier (par exemple, les électriciens, les mineurs et les enseignants au Mexique), et aux gouvernements dits « progressistes » de réprimer violamment les luttes localisées en défense de l’environnement contre les mineurs (comme dans diverses provinces argentines) ou les mouvements paysans-indigènes (comme en Bolivie) et aux autres gouvernements, comme le panaméen, le colombien, le péruvien ou le chilien, .

La répudiation à la putréfaction des partis politiques ou institutions capitalistes a donné lieu à un reflet négatif et primitif, le dénommé « apolitisme » néo-anarchiste (les anarchistes véritables, en Espagne, par exemple, étaient politiques, défendant la République, ils étaient anti-franquistes et partie d’une gauche plurielle). Il faut en échange une politique anticapitaliste, unir politiquement les diverses rébellions autour d’une alternative anti-systémique, construire de toutes parts des mouvements-partis démocratiques et pluralistes indépendants du capitalisme et appuyés par des organisations de masse.

Parce que la voie de la subordination à l’appareil d’état capitaliste, comme c’est le cas avec les mouvements sociaux qui constituent le Mas bolivien, ou en partie, avec les mouvements sociaux vénézuéliens ou équatoriens, est la voie de la paralysie et de la bureaucratisation. Là-dessus il faut apprendre des expériences vénézuéliennes et boliviennes, Jusqu’à maintenant les plus importantes dans notre continent du point de vue du rapport entre les mouvements sociaux, les gouvernements « progressistes » et l’Etat capitaliste que ceux-ci administrent et qui, précisément, doivent être substitués par les pouvoirs populaires pour se libérer de l’extractivisme et des politiques néolibérales que tous les gouvernements latino-américains appliquent en dépit de leurs différences.

Guillermo Almeyra

Source : La Jornada

Traduit de l’espagnol par Gérard Jugant



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