HMP, l’argent et le social

dimanche 10 septembre 2006
par  Charles Hoareau
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La cité La Gardanne à l’est de Marseille dans le quartier St Loup est une des plus vieilles cités de la ville. Construite en 1924 elle fut d’abord cité HBM et devint HLM en 1949 lors de l’adoption de la loi de l’époque sur le logement.

Ce qui frappe quand on rentre dans cette cité de 220 logements c’est l’impression que l’on a de rentrer dans un village où tout le monde se connaît et s’entraide. Ici habitent dans des petits pavillons mitoyens de vieilles familles marseillaises qui forment à n’en pas douter « comme une grande famille » comme se plaisent à le dire les habitants du quartier. A travers le grillage qui sépare les jardinets entretenus avec soin les voisins s’interpellent, plaisantent et comparent les mérites respectifs de leurs salades ou de leurs géraniums.

Depuis 1924 les familles ont connu peu de changement de locataires, les enfants prenant la suite des parents, exactement comme dans un village. Et puis pourquoi aller ailleurs ? Les gens sont modestes, ailleurs c’est hors de prix ou à l’abandon et ici il y a quelque chose qui n’a pas de prix ; la convivialité.

La famille Jovine n’échappe pas à la règle. La grand mère a emménagé en 1927 peu après la construction de la cité et y a toujours habité. Ses enfants y ont grandi, certains sont partis, d’autres sont restés...la vie quoi.

Dans les années 2000 c’est le tour des petits enfants d’occuper ce qui est devenue la maison familiale et pour laquelle 3 générations ont versé tant de loyers qu’il y a belle lurette que le pavillon est payé. A la mort du locataire en titre, ses enfants qui depuis des années déjà s’acquittent du loyer demandent le changement de bail. Mais là il y a un hic ! Ce qui naguère n’aurait pas posé problème HMP, décidément sur tous les fronts ces temps -ci (les vandales) refuse catégoriquement le changement de nom sur le bail.

Courriers, lettre et démarches de l’association de locataires, rien n’y fait. HMP entame une procédure d’expulsion et la mène à son terme. Procédure menée au pas de charge par l’office municipal et avec la bénédiction des élus de l’équipe Gaudin qui siègent et dirigent de fait le Conseil d’administration d’HMP.

Dans cette procédure la mairie sait qu’elle peut compter sur un allié de poids en la personne du préfet qui sans égard à l’histoire et à la composition familiales il y a en effet des enfants dans cette famille) accorde le concours de la force publique et des dizaines de policiers viennent le jeudi 7 septembre au petit matin expulser la famille Jovine.

Ici les ouvriers qui les accompagnent ne cassent pas tout à la masse comme à La Renaude mais condamnent soigneusement toutes les ouvertures. Des fois que la famille voudrait revenir...Les voisins scandalisés et impuissants assistent au spectacle lamentable dans un des pays les plus riches du monde, d’une famille mise à la rue d’une maison qu’elle a toujours habitée et ce pour des raisons qu’HMP ne veut pas avouer.

En effet quel argument donne l’office ? Il s’agirait dâ€ËÅ“un passe droit, d’une transmission héréditaire qu’il s’agit de faire cesser dans ce quartier. Outre le fait que l’on peut faire remarquer à l’office une fois de plus son peu d’empressement à prendre en compte l’avis de l’association de locataires une question se pose : pourquoi ? HMP manque de logements ? Mais alors

- Pourquoi céder année après année son patrimoine immobilier, cession dont l’un des exemples les plus récents est le scandale de la rue du Sud ?

- Pourquoi avoir cassé les appartements de La Renaude ?

- Pourquoi envisager la destruction de centaines de logements à Frais Vallon, aux Cèdres, au Duc toutes cités appelées à être en grande partie détruites sans reconstruction équivalente du même nombre d’appartements et surtout au même montant de loyers ?

- Pourquoi s’acharner sur la famille Jovine unanimement appréciée et soutenue par les habitants du quartier qui ont tous signé la pétition de soutien et recueilli en quelques heures 700ââ€Å¡¬ pour aider la famille qui ne sait pas où aller ?

La réponse c’est la conception qu’à la mairie actuelle du logement social. Comme à La Renaude, comme à la rue du Sud, si on laisse faire tout ou partie du terrain et des logements reviendrait à la mairie qui pourrait ensuit le revendre à un investisseur privé (Bouygues dans le 13e) qui pourra ensuite en faire des logements réservés à une clientèle plus fortunée que celle actuelle.

Cela les habitants de La Gardanne l’ont bien compris et ils ne veulent pas laisser faire. En soutenant la famille non seulement ils font preuve d’humanité (ce dont les dirigeants d’HMP semblent dépourvus), mais entament aussi un bras de fer avec la mairie sur l’avenir de leur quartier.

Ils ont interpellé la presse, les élus et ne veulent pas en rester là. Pour eux c’est simple la famille doit réintégrer son logement.

En attendant la solidarité s’est organisée. Un voisin a prêté une tente que les expulsés ont planté dans le jardin. Un fournit le courant, un autre l’eau, un autre met sa machine à laver à disposition, HMP est tombé sur du dur, comme le dit une banderole du comité chômeurs CGT que l’on a vue souvent ces derniers temps dans les rues de Marseille :

« Droit au logement : les marseillais restent et résistent. »

La détermination accrochée au grillage...


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lundi 1er décembre 2008 à 01h34

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