La souveraineté, tout le monde en parle, mais qu’est-ce que c’est ?

« La souveraineté nationale appartient au peuple... »
jeudi 14 mars 2013
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Mis à part pour les grands capitalistes mondialisés ce mot n’est pas un « gros mot », même s’il est parfois employé pour noyer le poisson et rejeter le bébé-citoyen avec l’eau du bain démocratique.

Dans nos « démocraties » imposée comme exemple au reste du monde par la guerre s’il le faut (et surtout sans nous demander notre avis), une partie de plus en plus grande du pouvoir et son contrôle échappe à la souveraineté populaire. On peut même se demander si l’égalité politique n’est qu’apparente et que le droit du citoyen électeur n’est rien d’autre que le droit de mettre un petit papier dans l’urne tous les cinq ans. Ensuite... les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent.

La constitution française énonce :

Art. 3 –« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice.
Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret. »

La souveraineté se définit, en droit, comme la détention de l’autorité suprême, c’est-à-dire d’un pouvoir absolu (dont tous dépendent) et inconditionné (qui ne dépend de qui que ce soit). Dans les régimes despotiques, la souveraineté est le plus souvent détenue par un seul homme. Dans les démocraties, elle est détenue par le peuple, constitué en un corps politique, la Nation : on parle dès lors de souveraineté nationale.


Les trois glorieuses 1830 par Delacroix

Théorie marxiste de la Nation.

Les nations n’ont pas toujours existé dans l’histoire. Contrairement à ce que pensent certains avec « nos ancêtres les gaulois », il n’y avait pas de nation gauloise mais des tribus partageants certaines spécificités mais pas toutes puisque César s’en ait servi pour les dresser les unes contre les autres pour les vaincre.

« La nation est une communauté de gens historiquement construite et stable, formée sur la base d’une langue, d’un territoire, d’une vie économique et d’un caractère psychologique communs qui sont manifestés dans une culture commune. (…) Ces caractéristiques forment un ensemble historiquement construit (…) et l’absence d’une de ces caractéristiques signifie qu’on n’a pas à faire avec une nation. » [1]

En réalité, le processus d’apparition et de consolidation des nations n’est un phénomène ni essentiellement économique, ni essentiellement culturel, mais bien un processus avant tout politique, rythmé par le développement des luttes des classes dans chaque société et entre celles-ci. C’est dans ces luttes des classes (y compris sous la forme des guerres que se mènent les classes possédantes de différents Etats) que certaines conditions matérielles (géographiques, climatiques,…) acquièrent plus d’importances que d’autres, que se forment les rapports économiques et les institutions politiques, que s’élaborent les cultures, les religions et les idéologies, que tous ces facteurs réagissent entre eux et sur les classes en présence et que tel ou tel aspect (le territoire, la langue, la religion,…) prend un caractère dominant pour une période historique.

Cette notion d’évolution ne peut pas faire l’impasse sur les arrivées immigrantes et ne peut restée figée comme le souhaitent les réactionnaires nationalistes de tous poils (fascistes ou non).

Nous ne pouvons non plus oublier l’ouverture aux autres peuples, car pour nous le terme de nation est inséparable de la notion d’internationalisme.

Faut-il rappeler, à ce sujet, ce que notait Georges Dimitrov, dans son journal, le 12 mai 1941, un mois avant l’agression nazie contre l’Union soviétique, donc propos non de circonstance :

« Il faut développer l’idée d’un mariage entre un nationalisme sain et bien compris et l’internationalisme prolétarien. Celui-ci doit reposer sur ce nationalisme dans les divers pays (…) entre le nationalisme bien compris et l’internationalisme prolétarien, il n’y a pas et ne peut y avoir de contradiction. Le cosmopolitisme sans patrie, refusant tout sentiment national et l’idée de patrie, n’a rien à voir avec l’internationalisme prolétarien ». [2]

A notre manière nous disions bien cela en 2005 au moment du débat sur la constitution européenne

La nation française n’est pas pour nous une réalité mystique, décidée de toute éternité par on ne sait quel dieu ; elle n’a pas toujours existé, elle aurait pu avoir d’autres frontières. Nous refusons les conceptions de la nation basées sur la race, la culture, la langue, la nation, « ethniciste » et agressive telle que l’imaginent les politiciens d’extrême droite et « souverainistes ». Notre NON à toute constitution supranationale ne relève pas du nationalisme : nous savons que tout nationalisme est réactionnaire puisqu’il nie les antagonismes internes à chaque peuple, puisqu’il oublie que les salariés français soumis à l’exploitation ont d’abord pour premier adversaire les privilégiés français qui les exploitent.

Pour nous la question de la nation et celle de la solidarité internationale de classe ne peuvent être dissociées. C’est ce qui fait notre différence avec une partie de la gauche sur la question des sans papiers par exemple.

Si nous avons conscience - et ce pour répondre à une autre partie de la gauche - qu’en ce qui concerne la France en particulier la constitution de la nation s’est faite au mépris d’identités et de cultures locales ou régionales, au prix de guerres ou de marchandages sordides au plus haut niveau d’Etats un jour rivaux, un jour alliés, nous prenons aussi en compte le fait qu’au fil de l’histoire le cadre national est devenu un cadre identitaire, un cadre de conquêtes et de droits sociaux. La nation française s’est concrétisée avec la Révolution de 1789, constituée par l’adhésion consciente des citoyens de toutes les régions de France prêts à défendre les réformes politiques et sociales imposées aux privilégiés : on nommait alors « patriotes » les partisans de la Révolution, contre les nobles immigrés et les envahisseurs étrangers. Cette nation française s’est ensuite enrichie au cours des 19e et 20e siècles des conquêtes populaires arrachées par les luttes, notamment ouvrières : le suffrage universel et la laïcité de l’état, les réformes du Front populaire et de la Libération, nationalisations et services publics, sécurité sociale, retraites et lois de protection sociale, etc.

b). le rempart ou le socle :

Tous ces acquis historiques forment le contenu de la nation française, que la bourgeoisie mondialiste, européenne et française, ne cesse de grignoter en profitant de la crise du mouvement ouvrier et progressiste depuis vingt ans. Toute constitution supranationale lui permettrait de démanteler plus encore ces conquêtes du peuple de France et de sa classe ouvrière, de détruire, selon les vœux de Sarkozy et de Berlusconi, les services publics et les retraites, la Sécu et les 35 heures, la laïcité et ce qui reste en France de souveraineté populaire.

Si la nation ne constitue pas un rempart immuable aux attaques contre les droits, elle constitue cependant un socle qui a permis et permet encore l’équité sociale. Elle constitue encore un frein aux volontés capitalistes internationales d’attaque contre les acquis sociaux comme le montrent tous les jours les luttes qu’il s’agisse du public (bataille contre les privatisations...) ou du privé (délocalisations, protection sociale...). Se battre pour les nationalisations, par exemple, c’est poser comme principe le contrôle permanent par chaque nation (salariés et usagers) de la production de richesses et de l’ensemble des services. Au cœur du débat (et du combat) entre services publics et services économiques d’intérêt général se trouve aussi cette question et nous y reviendrons dans un prochain chapitre. C’est justement parce que le cadre national est un frein à la voracité du capitalisme international qu’il a besoin du nouvel espace politique qu’une constitution européenne peut lui offrir. [3]

Toutefois il semble que cette proclamation de souveraineté nationale reste plus formelle que réelle. Le pouvoir politique et ses représentants refusent de rendre compte à leurs mandants, aux citoyens que nous sommes et devant lesquels il leur appartient de justifier leurs actions, autrement qu’à travers un spectacle organisé comme une publicité de supermarché, un jeu télévisé ou une émission de variétés.

Il va ainsi du traité de Lisbonne destiné à contourner le Non français et hollandais à la Constitution Européenne, et qui permis d’échapper à la souveraineté des nations. Ainsi échaudés, les autres gouvernements ne voulurent pas de référendum pour leurs citoyens, car le risque de rejet était trop important. Ce référendum était pourtant souhaité par 76 % des Allemands, 75 % des Britanniques, 72 % des Italiens, 65 % des Espagnols et 71 % des Français.

Ensuite, toujours sans consultation des peuples concernés, ont été ratifiés le TSCG (traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance) et le MES (le mécanisme européen de stabilité), avec l’abstention bienveillante de l’immense majorité des élus socialistes et écologistes. Et pourtant ces deux textes marquent une étape importante dans le démantèlement des institutions démocratiques et le « détricotage » des modèles sociaux européens.

Le 7 avril 2013 un référendum aura lieu en Alsace. La question posée sera : « Approuvez-vous le projet de création, en Alsace, d’une ‘‘Collectivité Territoriale d’Alsace’’, par fusion du Conseil Régional d’Alsace, du Conseil Général du Bas-Rhin et du Conseil Général du Haut-Rhin. »

Ce référendum a une portée éminemment nationale. Son enjeu est le suivant : allons-nous mettre le doigt dans un engrenage qui va broyer la démocratie française, remettre en cause le principe sacré de l’égalité des citoyens, éliminer la souveraineté populaire et nationale, créer de grandes régions appelées « euro-régions » (ici avec le Bade-Wurtemberg allemand et le nord de la Suisse) contournant l’État-nation et directement branchées sur les oligarques de Bruxelles et ainsi livrer nos territoires au marché ?

Ce référendum en Alsace va jouer le rôle d’un laboratoire pour tester les possibilités de démembrement de la démocratie française et de la République. Tous les citoyens français sont concernés, pas seulement les alsaciens. Il ne s’agit pas de nier que le schéma territorial napoléonien a peut-être besoin d’un coup de pinceau. Mais si la réforme alsacienne est le prototype de la future organisation de la France, pourquoi est-ce aux seuls alsaciens de décider du futur de nos territoires ?


Le massacre de la semaine sanglante - Commune de Paris 1871

L’indépendance et la souveraineté nationale sont une question centrale de notre époque. Le capitalisme, compte tenu de l’aggravation de ses insurmontables contradictions, s’est lancé dans une large offensive contre les conquêtes historiques des travailleurs, la souveraineté des peuples et l’indépendance des États.

L’impérialisme, le capitalisme dans sa phase monopoliste actuelle, ne peut pas imposer sa domination politique et économique et assurer l’exploitation, sans avoir recours à l’oppression et à la subversion de la démocratie, de la souveraineté et de l’indépendance nationale ; de même, il ne sera pas possible pour les travailleurs et les peuples de s’attaquer aux instruments de l’exploitation et de l’oppression impérialiste, et de mener à bien de réels processus de changements sociaux et révolutionnaires, sans le plein exercice de la souveraineté et de l’indépendance nationale.

Les attaques contre l’indépendance et la souveraineté nationale sont également au cœur du processus d’intégration capitaliste, comme l’est l’Union européenne – un bloc impérialiste – menée par l’oligarchie mondiale et ses marionnettes politiciennes, qui, pour s’assurer la dépendance économique des États de leur "périphérie" (Grèce, Portugal, Espagne, Italie, France...), aliènent en conséquence leur souveraineté et leur indépendance, condamnant ces peuples et ces pays à une intolérable mise sous tutelle et au sous-développement.

Ainsi, nous affirmons que l’impérialisme « occidental », économique, diplomatique, militaire, est toujours plus présent dans le monde, qu’il soit des USA, de l’ « Europe », du Qatar ou de la France, et que notre idéal est au contraire le droit de chaque peuple de décider sans ingérence extérieure de son destin, d’utiliser à son profit ses richesses naturelles, de développer son économie agricole et industrielle de façon autonome, pour disposer d’un niveau de vie convenable et des emplois nécessaires, ce qui permettrait notamment d’éviter l’émigration forcée.

C’est ça la souveraineté nationale !

Rouge-Vifs 13
la_peniche


[1(Joseph Staline dans « Marxisme et question nationale » 1913)

[2(Domenico Losurdo : « Staline, histoire et critique d’une légende noire » (page 34) Editions aden)

[3Article La nation un concept archaïque ? Rubrique Europe et UE, série AU DELA DES TEXTES. Première parution 6 mars 2005



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vendredi 15 mars 2013 à 14h44 - par  RICHARD PALAO

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