Les Baumettes : la prison de l’effroi.

Ce ne sont plus des cellules, ce sont des « oubliettes » !
jeudi 6 décembre 2012
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La France a massivement emprisonné à la fin du mandat présidentiel de Nicolas Sarkozy. En 2011, plus de 88 000 incarcérations ont eu lieu, et la barre des 67 000 personnes détenues a été franchie à plusieurs reprises, et cela pour 57 255 places. C’est le choix de la répression, plus rentable électoralement, que celui de la prévention. De plus, les prisons payent au prix fort les politiques d’austérité appliquées au ministère de la Justice. Les Baumettes à Marseille en sont un lamentable exemple.

« C’est fait pour nous rendre fous » déclare un détenu du centre pénitentiaire des Baumettes au contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue. En octobre dernier, avec 19 autres contrôleurs, il s’est rendu à la prison. Le verdict vient de tomber et il est sans appel : « il s’agit sans aucun doute, d’une violation grave des droits fondamentaux, notamment au regard de l’obligation, incombant aux autorités publiques, de préserver les personnes détenues, en application des règles de droit applicables, de tout traitement inhumain et dégradant ».

La plupart des prisons françaises sont logées à la même enseigne. En conséquence, le taux de suicide a progressé de 4 à 19 pour 10.000 depuis 1945 dans nos prisons, selon une étude publiée par l’Institut de veille sanitaire (InVS). Il y a un an, le site Ban Public nous apprenait que 109 suicides – ou morts suspectes – avaient été commis en détention pour l’année 2010.
C’est beaucoup mieux que la guillotine au temps de la Ve République !

Par l’absence d’une réelle volonté politique, l’État français persiste dans une logique moralement répréhensible mais politiquement peu coûteuse. [1]

LE 6 DÉCEMBRE 2012 Manifestation des surveillants des Baumettes.

.Et le mois dernier déjà, à l’appel de la CGT et de l’UFAP (Union fédérale autonome pénitentiaire), près de trois cents membres du personnel de l’établissement ont fait grève pour demander "plus d’effectifs" et dénoncer le "manque de considération" dont ils font l’objet. "Aujourd’hui, les collègues survivent", explique Alaric Gayen, délégué local de la CGT, qui dénonce les faibles salaires, la surcharge de travail et les risques attenants. "On ne peut pas faire notre travail correctement. On ne peut pas passer assez de temps avec chaque détenu. Or, on est là pour faire de la sécurité, bien sûr, mais aussi de la prévention", dit-il. "Certains viennent travailler la boule au ventre", ajoute-t-il, tout en dénonçant la montée de la violence au sein de la prison. "Si ça n’explose pas, c’est grâce au professionnalisme des équipes", dit-il enfin.



La ministre de la Justice Christiane Taubira en visite à la prison des Baumettes à Marseille, le 21 septembre 2012 (Photo Joel Saget. AFP)


Les syndicats estiment le manque de surveillants à 70 agents. La discutions avec les pouvoirs publics est kafkaïenne : « La direction régionale estime le manque d’effectif à 24 agents et considère que le problème est du ressort de la direction interrégionale qui renvois, elle à la direction régionale qu’elle accuse d’une mauvaise gestion des effectifs qu’ils considèrent, eux, comme suffisants mais mal utilisés ».
Une patate chaude que certains hommes politiques de droite comme de « gauche » ne souhaitent pas faire refroidir, car il y a encore des gens pour répéter « Les Baumettes, les délinquants ils s’en foutent d’y aller, c’est le Club Med ».

Car au fond, pourquoi se soucier du suicide des détenus ? Et, au-delà du suicide, des conditions de leur détention ? Pourquoi donc vouloir poursuivre la folle idée d’humaniser les prisons ?

« Parce que le choix d’agir dans et autour de ce lieu d’exclusion qu’est la prison relève de la défense nécessaire de certaines valeurs fondamentales communes ? Parce que, quel que soit l’acte qui les a conduits en prison, les détenus dont il est question demeurent des hommes ? Parce que le poids de leur condamnation touche aussi leurs proches qui pourtant, eux, n’ont pas été condamnés ? Parce que l’humiliation, qui empêche tout retour sur soi et donc tout changement de conduite, ne doit pas faire partie de la peine ? Parce qu’il y a un »après« la prison et que celui-ci dépend beaucoup de la façon dont aura été vécu le temps d’incarcération ? » [2]

La privation de liberté a normalement pour but la resocialisation du condamné. Sinon pourquoi le relâcher ? Or à Marseille nous découvrons une machine à broyer les individus qui, par certains aspects, rappelle des camps de triste mémoire.

Humaniser les prisons ? Parce que le plus souvent, la prison est précédée de la misère, de la précarité, de la violence subie, d’autres formes d’exclusion déjà ; ne serait-il pas plus pertinent d’essayer d’humaniser la société ? Peut-être alors y aurait-il moins de prisonniers et donc moins d’efforts à déployer afin d’humaniser les lieux privatifs - de droits ? - de liberté.

Albert Camus l’assurait : « Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons. » Visiter la prison des Baumettes, à Marseille, montre que la France régresse et traite ses détenus de façon inhumaine.

La Peniche

Photo de la Prison des Baumettes : ©G. Korganow pour le CGLPL


[1Aux Baumettes, les dotations budgétaires dégringolent en 2012 (-7,2%). La somme inscrite au titre de « l’hygiène et propreté des détenus » passe ainsi de 72 323 € à 30 000 € (- 58%). La ligne « fournitures et travaux », majeure dans la prison, de 284 611 € en 2011, se monte à 180 000 € en 2012 (- 36,7%). »

[2Samuel Vasquez, Le grand soir



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