Marie-Cécile Guillaume : Hauts-de Seine de ménage.

mercredi 11 juillet 2012
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Dans une farce très informée, la directrice de cabinet de Devedjian raconte les petitesses du quinquennat dans le 92.
Pour sauver la face, Sarko, père et fils, réclame sa tête.

A quoi s’occupe un ancien président de la République ?.

Avant de partir en vacances au Canada, en début de semaine, chez le milliardaire Paul Desmarais, à qui il avait versé des arrhes en 2007 en lui décernant la grand-croix de la Légion d’honneur, Sarko a joué les attachés de presse.

Il a assuré la promotion d’un petit livre, « Le monarque, son fils, son fief » (Editions du Moment), en téléphonant à plusieurs de ses amis pour leur dire tout le mal qu’il pensait de l’ouvrage.

Avec son aide, l’auteure, Marie-Célie Guillaume, a réussi en 240 pages à mettre le feu à la droite des Hauts-de-Seine et au-delà.

Et pourtant elle ne pensait pas avoir écrit une bombe.

Belle performance, à rapprocher de celle d’une certaine Valérie T., qui, en 140 signes, a récemment assassiné l’ex de son président chéri avec un retentissement certain.

Ces temps-ci, quand une femme prend la plume, les présidents n’ont qu’à bien se tenir.

A peine chez les libraires, donc, et sous l’effet de la promo de Sarko, « Le monarque, son fils, son fief » a suscité du ramdam au conseil général des Hauts-de-Seine, dont l’UMP Patrick Devedjian est le patron.

Il faut dire que Marie-Célie Guillaume est la directrice de cabinet de l’ancien ministre.

Et quelle raconte, sous forme de farce, l’histoire du département le plus riche de France sous le quinquennat Sarkozy, qui a vu le chef de l’Etat tenter d’installer son épatant fils Jean en caïd de son ancien fief.

Et multiplier les coups d’éclat avec les Balkany pour renverser Devedjian, qui avait eu le tort de vouloir nettoyer les écuries d’Augias.

Elle a eu beau s’amuser, dans son livre, à trouver des noms d’emprunt à Sarko - « le Monarque » -, à son fils Jean - « le Dauphin » -, aux Balkany -« les Thénardier » - et à Devedjian - « l’Arménien » -, tous s’estiment reconnaisssables.

Et aucun de ceux-là, mis à part Devedjian, n’a apprécié de voir son engagement désintéréssé au service du citoyen des Hauts-de-Seine caricaturé.

La cuisine politique perd de son charme quand elle est croquée de façon trop réaliste.

Ainsi, Marie-Célie raconte que, lors d’un rendez-vous avec Sarko pour lui demander des fonds destinés au musée de sa ville, une élue locale s’est vu réclamer « une gâterie ».

"Sois gentille... Tu vois bien que j’ai besoin de me détendre.

Allez, c’est pas grand-chose !

Tu ne peux pas me laisser comme ça", aurait dit le Monarque.

L’élue ne l’a pas laissé tomber et a obtenu son financement.

Une scène qui n’est pas pour rien dans le succès de l’ouvrage-outrage à président.

— -« La Pompadour du 92 ».

"J’avais envie de parler de la relation entre le pouvoir et le sexe.

Le sujet est tabou, mais c’est la seule scène non violente de mon livre", se défend Marie-Célie, qui connaît bien le monde de brutes de la politique pour avoir démarré en 1997 chez Balladur.

La semaine dernière, Jean Sarkozy a ourdi la riposte contre ce roman à clé :

« Lorsque votre famille, ceux que vous aimez sont traités de façon ignoble et sordide dans un tel tissu de mensonges, il faut répondre avec fermeté, calme et sang-froid ».

Sans doute est-il passé à côté du romanesque de l’ouvrage...

Il a accusé Devedjian d’« avoir coécrit le livre », ce qui est faire peu de cas du brin de plume de Marie-Célie, passée par l’hypokhâgne du lycée Henri-IV, comme Jean-Paul Sartre.

Et qui a vécu dans les arbres en Argentine quand elle était enfant, comme le baron perché d’Italo Calvino.

Elle cite aussi Stendhal quand elle croque un certain « Homais », inspiré du personnage de Flaubert dans « Madame Bovary », c’est dire si elle s’y entend pour brouiller les pistes.

L’épatant Jean Sarkozy à obtenu du groupe UMP un vote de défiance contre Devedjian.

Lequel a rétorqué à l’attention de Monsieur Fils :

"Je rappelle que cet élu a déjà semé la pagaille à Neuilly, à l’Epad, au conseil général et cela continue (...).

Ses pressions ne me conduiront pas à la démission".

La littérature, dans les Hauts-de-Seine, suscite bien des passions.

Un libelle anonyme circule aussi sur Internet pour dénoncer « la Pompadour du 92 » et l’accuser de profiter de l’argent du contribuable et de bien d’autres faveurs.

« Etre traîtée de Pompadour n’est pas une humiliation, on lui doit la manufacture de Sèvres, qui est l’un des chefs-d’oeuvre du département », répond Marie Célie Guillaume au « Canard ».

Elle admet disposer d’une voiture et d’un logement de fonction, le même qu’occupait Claude Guéant quand il était directeur de cabinet de Sarko au conseil général.

Mais Guéant, lui, n’a jamais résisté au Président.

Devedjian, si, qui a mal commencé le quinquennat en réclamant que l’ouverture aille jusqu’aux sarkozystes.

Et qui n’a pas supporté que son ami de trente ans le prive sans explication du titre de garde des Sceaux qu’il lui avait promis.

Une blessure affective jamais cicatrisée

Depuis, la relation entre les deux hommes n’a fait que se dégrader.

Sarko en a toujurs rendu responsable Marie-Célie, dont il a plusieurs fois réclamé la tête à Devedjian.

Celui-ci a toujours refusé.

Cette fois, l’Arménien a dû céder pour sauver son poste.

La dame est en instance de licenciement.

"On n’est plus dans le même contexte, dit-elle.

J’aurais pu écrire un livre sous pseudo, je ne l’ai pas fait.

A moi d’en assumer les conséquences.

Devedjian m’avait alertée sur les remous que ça créerait mais ne m’a pas interdit de publier.

Je lui suis très reconnaissante de ça".

« A son bon plaisir ».

Elle a subi, en cinq ans, son lot de violence, menaces de mort et écoutes téléphoniques - le quotidien d’une collaboratrice d’un membre de la majorité sous le sarkozysme ! -, et elle est prête, à 43 ans, à tourner la page.

Aujourd’hui, une seule question demeure :

comment une jeune femme de droite et de bonne famille, fille d’un diplomate belge, a-t-elle pu devenir l’un des plus impitoyables procureurs de l’ancien président ?.

"En 2007, j’étais fan de Sarko : il avait réunifié l’électorat de droite, il avait tout pour être un grand président.

Mais, une fois élu, il n’en a plus rien eu à faire de personne, et ne s’est occupé que de son bon plaisir.

Quel gâchis !".

Après un tel réquisitoire, tout le reste n’est que littérature...

Par Jean-Michel Thénard dans Le Canard enchaîné du 04/07/2012

Transmis par Linsay



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